Dans ses archives, le Major Lajeunesse, président des Médaillés militaires de Rouen, conserve un dossier établi par l'un de ses adhérents, Jean Leboucher, de Canteleu. L'ex-adjudant-chef porte un regard équilibré sur 132 ans de présence française en Algérie.


Le dossier Leboucher de nombreuses interventions auprès de la presse locale. Notamment sur la guerre d'Irak voulue par les USA dont il fustige l'hégémonie et les mensonges. Il défend par ailleurs la Marseillaise, à ses yeux tout le contraire d'un chant raciste et belliqueux mais celui de la défense de la jeune République contre les revanchards monarchistes. Jean Leboucher conservait, commentait, alimentait le courrier des lecteurs de Paris-Normandie. Plusieurs photos sont également légendées par ses soins et représentent les réalisations françaises. Voici sa vision du colonialisme.



Extraits d'une lettre adressée le 2 août 2001 par Jean Leboucher au rédacteur-en-chef de Paris-Normandie :

Le colonialisme : selon moi, de tous les pays colonisateurs, la France a peut-être été le seul à avoir eu un comportement respectueux des coutumes, religion etc. vis-à-vis des autochtones de ses colonies. Certes, tout n'a pas été parfait, mais vous n'ignorez pas toutes les réalisations françaises dans ces pays. Ayant été militaire au Sahara de 1948 à 1959, je possède des photographies des groupes scolaires, des hôpitaux etc. qui ont été construits dans les grandes oasis du grand sud algérien.


Reghaïa, 30 km d'Alger, 1961. Construction de logements dans le cadre du plan de Constantine élaboré sous l'autorité de M. Pierre Chaussade, nommé par la suite Préfet et la Seine-Maritime et Igame (
Inspecteur général de l'Administration en mission extraordinaire) de la Haute-Normandie. Il existait dans cette commune une base aérienne militaire. Le 151e Bataillon de Transmissions réparti dans trois exploitations agricoles.

J'ai, dans mes archives, un article du journal L'Echo d'Alger consacré au départ d'Aïn Taya, du 151ème bataillon de Transmissions. Je pense témoigner de la véracité de la teneur de cet article concernant les activité diverses de ce bataillon vis-à-vis de la population vivant sur le territoire placé sous son contrôle. En effet, j'y ai été affecté à mon retour de la 1ère CST de Colomb-Béchar du 2 mars 1959 au 16 août 1961.

C'est pourquoi, moi qui ne suit qu'un modeste citoyen ayant comme instruction le CEP en juin 1940 suivi d'une année d'études, je n'ai jamais compris que des intellectuels, des politiciens etc. aient cru que l'Algérie serait toujours française. Ces gens-là étaient soit naïfs, soit de mauvaise foi, soit aveugles.
 Ils auraient dû se référer à ce que le général de Gaulle avait déclaré à Constantine, en 1944, peu avant le Débarquement.
"Après cette guerre dont l'enjeu
est la condition humaine,
chaque nation aura l'obligation d'instaurer au dedans d'elle-même
un plus juste équilibre
entre ses enfants."


Charles de Gaulle, Constantine, 1944
Beaucoup de personnes ont reproché au Général ses déclarations quand il est revenu au pouvoir en 1958 : "Je vous ai compris - De Dunkerque à Tamanrasset ". Pouvait-il dire que l'Algérie serait indépendante ? C'eût été la révolte. Il aurait été obligé de partir pour ne pas risquer d'être assassiné ! Il lui fallait apaiser l'opinion, sinon, que serait-il advenu étant donné qu'il n'y avait personne de capable pour redresser la situation.

Le Général a déclaré que l'Algérie, sans être encore un État, constituait une Nation. En conséquence, on ne peut pas tenir une Nation par la force des baïonnettes. Le général a également déclaré : "Nous avons tenté en Algérie tout ce qui était humainement possible, mais l'indépendance est la seule issue possible, c'est inéluctable compte tenu du mouvement général des peuples."

André Malraux, lui-même a déclaré que la défense de l'Algérie française était historiquement impossible. A la fin de la guerre d'Algérie, le maintien de l'ordre était presque totalement assuré, mais qui peut affirmer que, 5 ans, 10 ans, 15 ans etc. plus tard, de nouveau, nous n'aurions pas eut à faire face à une nouvelle rébellion ?

Maintenant, l'Algérie compte 30 millions d'habitants. Il faudrait au moins 1 million 500 mille hommes pour assurer le maintien de l'ordre.

Les parents d'aujourd'hui n'accepteraient pas d'envoyer leurs fils dans ce pays pour y être tués ou blessés, c'est absolument impensable.

Je pense que si les dirigeants algériens avaient respecté les accords d'Evian, peut-être que les Harkis n'auraient pas été obligés de fuir leur pays et la plupart des Pieds-noirs seraient restés.
Vous penserez peut-être que j'ai une curieuse façon de refaire l'histoire et que je n'ai pas le sens des réalités. C'est possible, mais on peut rêver.

LEBOUCHER.



En novembre 2005, la Fnaca organisait une exposition à Petit-Couronne sur la guerre d'Algérie. Compte-rendu dans Paris-Normandie : "La Fnaca tenait à vous montrer une partie de l'histoire qui n'a pas été honorable pour la France... Espérons que cette exposition fera réfléchir jeunes et moins jeunes", a déclaré Roger Larvor, président du comité local de l'association."
Jean Leboucher écrit aussitôt à ses amis "Président et Madame", autrement dit Bernard et Sylviane Lajeunesse :

Dans le document, ci-joint, concernant la guerre d'Algérie, la Fnaca montre le côté négatif de l'action de la France dans ce pays.

Je vous adresse des photocopies des écoles et hôpitaux que la France a construits dans les oasis sahariennes que j'ai connues.

En Algérie, la France a construit des barrages pour l'irrigation des terres, des hôpitaux, un réseau routier etc. Le réseau ferré de l'Afrique du Nord a été réalisé par les ingénieurs français. Cela est valable aussi pour l'Indochine. Je n'ai pas servi dans ce pays mais je n'ignore pas, pour l'avoir appris en 1941 à l'école, au cours supérieur, les réalisations françaises dans ce pays.


Transsaharien : préconisé dès 1870, il aurait couvert 4.000 km, étudié par diverses missions (dont Flatters 1879-81, Foureau-Lamy 1898-1900). Trajets imaginés : Oran-Niger, Tunisie-Tchad, Alger-Dakar, Nemours-Segou (sur le Niger) : environ 2.000 km plus 1.500 km au Niger. Décidé par la loi du 23 mars 1941, un tronçon terminé en 1942 (Colomb-Béchar / Abadla) puis abandonné. Existait à Adrar la Société Méditerranée-Niger (dite Mer-Niger) chargée de l'entretien de la piste Colomb-Béchar, Beni-Abbès, Adrar, Reggane, Gao...

Je possède le livre Le second Empire du défunt Octave Aubry de l'Académie française. J'y ai relevé des choses intéressantes concernant l'Algérie. On a dit beaucoup de mal de Napoléon III, surtout Victor Hugo, son ennemi juré. L'Empereur a fait des erreurs : par exemple la malheureuse expédition mexicaine.

J'ai relevé, dans ce livre, qu'il n'a pas toujours été conseillé et soutenu par des gens compétents, notamment pour ce qui concerne l'Algérie. L'auteur de ce livre écrit que l'Empereur a été un bienfaiteur pour l'Algérie. Il a voulu pour ce pays une politique de libéralisme à l'égard des indigènes.
L'Administration et les colons l'ont gêné dans son action. Le maréchal Pélissier qui était gouverneur a laissé aller les choses.   Peut-être que son attitude était due à la maladie. Celui-ci est mort à son poste en 1864.
"Nos ancêtres les Gaulois..."
Marcel Maguet / Bihorel
"J'ai exercé en Algérie pendant de nombreuses années, jamais je n'ai enseigné, ni vu enseigner, "nos ancêtre les Gaulois", même aux jeunes Pieds-noirs. C'est une légende. On étudiait "qu'en France métropolitaine vivaient des Gaulois" (nuance). Ce devrait être le même cas en métropole.
Pour la petite histoire je précise que dans les rangs des légions romaines qui occupaient la Numidie (Est du Maghreb) il y a vait des Gaulois qui avaient des concubines et des enfants. Il y a donc, actuellement, des descendants de Gaulois (rares) en pays numide.
En conclusion, disons que les enseignants d'Afrique du Nord n'étaient pas aussi idiots qu'on le dit.

En 1865, l'Empereur est allée en Algérie pour se rendre compte de la situation après une année de répression suite à une insurrection. Il fut acclamé par les Arabes qui l'ont appelé El Krim : le généreux.

Après 1857, il avait accordé de larges concessions aux cultivateurs. La vigne fut introduite dans des régions où il n'y avait que des oliviers. De grands travaux furent entrepris : réseau routier, assèchement des marais, irrigation, plantation de forêts. Je me souviens, pour l'avoir appris à l'école en 1941, l'assinissement de la Mitidja. Cela a permis l'amélioration de l'hygiène et la baisse de la mortalité.

Je tiens à vous dire cela parce que je n'accepte pas que des gens, par ignorance ou par mauvaise foi, dénigrent ce que la France a fait de positif dans ses anciennes colonies. Je ne doute pas que vous soyez de mon avis.

Veuillez agréer, chers amis Président et Madame, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

LEBOUCHER.


S'agissant du sujet épineux de la torture, le dossier Leboucher conserve ces images falsifiées. Une fête de quillards dans un numéro d'Historia de 1972 devient une séance de gégène dans Le Monde en 2000 après que l'on ait gommé de la photo un tourne-disque, une cannette de bière et des visages hilares... D'anciens militaires s'insurgent, d'autant que selon leurs dires, ce montage figure en Algérie dans un musée sur la guerre d'Indépendance et participe ainsi à une campagne de calomnie contre l'Armée dans un esprit de repantance...

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Torture
Torture

SOURCES


Archives du Major Lajeunesse, président des Médaillés militaires de Rouen, dossier Leboucher.

Paris Normandie, 2 novembre 2005.

Les SAS n°15, mars 2001.

LIENS

L'Algérie vue d'ici :
Les Pieds-Noirs d'Yainville :
Les Ribès : Alger
Les Ribès : le grand départ
Vautier, l'homme contre :
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