Yainville, le village d'Edwinus
Depuis la nuit des temps, quels furent les événements qui jalonnèrent l'histoire de notre village sous l'ancien Régime. Ebauche d'annales yainvillaises...
Il nous faut remonter jusqu'à l'ère quaternaire pour planter le décor de l'histoire de Yainville. Voici trois millions d'années, dans la plaine qui mène à Duclair, coulait une rivière. Elle se jetait à Claquevent. C'était le cours inférieur de l'Austreberthe. Peu à peu, du côté de Duclair, la Seine finit par étendre son méandre pour capturer cet affluent. Du coup, le lit de l'Austreberthe s'assécha. Longtemps, les hommes rêvèront au retour de l'eau dans cette vallée morte...
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Le fossé Saint-Philibert La nature ayant privé la presqu'île de Jumièges de son caractère quasi insulaire, c'est un ouvrage humain qui allait la lui redonner. On édifia le long de l'ancienne rivière un immense talus qui barrait toute l'entrée de la péninsule à l'endroit où elle est le plus étranglée. Il est connu sous le nom de Fossé Saint-Philibert.![]() |
A
l'aube de
l'ère chrétienne
654 :
Fondation de l'abbaye de Jumièges,
établissement
de la domination des moines sur la
presqu'île. Il va sans dire
que l'histoire de Yainville est intimement liée à
celle du monastère qui
régentera désormais la vie de la
région. Nous n'évoquerons pas la vie propre
à
cette institution. Mille ouvrages en racontent minutieusement
l'histoire. Nous
ne parlerons ici que des événements qui
touchèrent directement nos aïeux. En
cela, la venue de Filibert à Jumièges fut
capitale. Elle allait imprégner leur
tempérament pour des siècles. Filibert laissa
après lui des légendes que se
racontaient de génération en
génération.
Saint-André,
le Yainville actuel,
Saint-Martin et Saint-Nicolas, deux hameaux du Trait, formeront une
seule et
même paroisse: Trajectum Ewenvillam, le passage d'Yainville.
Par déformation,
Trajectum allait donner son nom au Trait.
840 :
Les moines désertent la presqu'île
avec l'arrivée des vikings qui mettent le pays à
feu et à sang, ruinent les
édifices. Il en est certainement de l'église de
Yainville,
à l'origine un
simple oratoire composé uniquement d'une tour
édifiée sur le fossé
défensif
Saint-Philibert qui marque l'entrée de la
presqu'île.
20
février 930 : Avec l'abbaye de Jumièges,
l'église de Yainville est restituée aux religieux
par Guillaume Longue Épée. La
restauration est entreprise. Yainville relèvera de la
baronnerie
de Jumièges comme les deux autres paroisses de la
presqu'île.
942 : l'assassinat du duc de Normandie compromet les travaux de restauration de l'église.
1027 : Une charte de Richard II, duc de Normandie, confirme que le village d'Ewenvillam est possession de l'abbaye de Jumièges. 1030 :
L'église Saint-André aboutit à sa
physionomie
actuelle. On s'est inspiré de l'architecture de la grande
tour de
ND-de-Jumièges. C'est l'époque où de
nombreuses églises normandes sont
restaurées au profit d'expéditions, notamment
dans le sud de l'Italie. ![]()
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TOPONYMIE
En
1025 et vers 1080,
notre village s'appelait
Ewenvillam, la ville d'Edwinus. C'était un nom d'homme
d'origine germanique ou anglo-saxonne.
Les terminaisons en ville ont particulièrement fleuri aux Xe
et XIe siècles.
En 1138 et 1156, les textes mentionnent Eudonis villa. On retrouvera aussi Endonis Villa, Endo de Stella, Vvenvilla, Guenvilla... Ces deux dernières appellation signifient le village dépendant du lieu appelé Guen. Mais l'appellation d'origine, Ewenvillam, semble avoir perduré. En perdant sa consonne initiale, Ewenvillam a donné différentes formes au fil des siècles et des manuscrits: Winvilla, Yenville, Ouainville, Jainville, ÿainville, Gainville... A rapprocher d'Hyenville, dans la Manche, qui se disait Heenville au XIVe siècle. Près de Cany est un Ouainville, écrit Ouinville au XIIe siècle, et qui doit son nom à l'antroponyme germanique Audinus ou encore Odinus, dont dérive le nom de famille Ouin qui fut porté chez nous. Il existe par ailleurs un hameau du nom d'Yainville à Emanville, dans l'Eure. Le nom de famille Dyainville, D'Yainville, a été porté dans notre région.
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1147 : Une bulle du pape Eugène III mentionne que les religieux de l'abbaye possèdent l'église de Saint-André de Yainville.
XIVe siècle
1305 : différend entre les religieux de Jumièges et Guillaume Des Mares au sujet du champart. 9 H 1799
1331 : Jean Godefroy vend le manoir qui porte son nom derrière l'église aux moines de Jumièges.
1369 : Le bailli de Rouen effectue une visite en la paroisse du Trait-Yainville et dresse un rapport. (Bibliothèque nationale, 2 6008 N° 657).
29 septembre 1396 : Compte des œuvres de charpenterie, maçonnerie et couverture faites à la maison de la cohue du roi à Yainville. C'est le nom communément donné en Normandie aux prétoires de petite justice. (Source : Bibliothèque de l'école des chartres / Paiements et quittances des travaux effectués sous les règne de Charles VI / Département des manuscrits de la Bibliothèque nationale /Document à vérifier : Ms. fr. 26028, m 2390)
1413. Raoul Marc, Jean Goddefray et Clément
Lestiche sont chargés de lever le fouage.
Autrement dit l'impôt qui s'élevait alors
à 12 deniers par feu. Nous sommes au cœur
de la gerre de cent ans. Yainville relève de
la sergenterie de Saint-Joire, autrement dit Saint-Georges de Boscherville. On compte 55 assujettis. Les noms les plus
représentés sont Maille, Goddefray,
Trevoy, Garnier, Sennois, Le Menessier. Ils ont tous disparu... Un nom est en revanche resté : Lefebvre. Il est porté par un écuyer.
1434 : Robert de Caux, curé d'Yainville.
1462-1472 : Simon Bouffart est curé
d'Yainville et du Trait, aidé d'un chapelain
nommé Guillaume Cannevote.
1485 : Le vicaire général de l'archevêché de Rouen visite la paroisse et confirme le droit exclusif des religieux à percevoir la dîme.
1497 :
le plus ancien bail nous apprend que le manoir Godeffroy s'appelle
désormais le Haut-Manoir ou encore le manoir de la Lieue. Ses
métayers sont Gilles et Cardin Lenorman. On en connaît la liste jusqu'à la Révolution.
XVIe siècle
C'est au XVIe siècle que le mur nord de l'église Saint-André sera percé d'une fenêtre ainsi que le côté sud de la tour.
1500 : Jean Poisson attesté comme prêtre.
1512 :
Jusque là, l'église Saint-André,
dépendant de l'abbé de Jumièges, baron
de Duclair, faisait office d'église
paroissiale alors que Le Trait relevait des seigneurs du même
nom. Ce qui fut matière à conflits. C'est à
Yainville que sont donnés les
sacrements et célébrés les grandes
fêtes de Pâques, Noël, Toussaint et
Saint-André. Un chapelain disait cependant la messe le
dimanche au Trait.
En
1512, la chapelle Saint-Nicolas du Trait devient église
paroissiale. Par
concession de l'abbé de Jumièges, elle
reçoit des fonts baptismaux et s'entoure
d'un cimetière. Le Trait devient ainsi paroisse
indépendante, et Yainville son
annexe. On va donc voir des vicaires désservant affecté
à Yainville et relevant du curé du Trait-Yainville
résidant quant à lui au Trait. Cette configuration va
durer jusqu'en 1772, date à laquelle Yainville retrouvera un
curé de plein exercice,
1513 : fondation de la confrérie de Saint-André, une autre est dédiée à Notre-Dame.
1522 : Guillaume de Miremont, curé d'Yainville.
1563 :ouverture du plus vieux registre de baptèmes, mariages et sépultures d'Yainville conservé aux archives. Il ne comporte que trois pages.
1571 : Le 20 janvier, un écuyer de Bliquetuit, Estienne Delahaye, épouse dans l'église d'Yainville Marguerite de Gaillarbois. Elle était veuve de Jehan Delahaye. Le 19 novembre, c'est un écuyer du Trait, veuf, Christophe de Hameaux, qui convole avec une Jacqueline dont le nom n'est pas précisé. Elle était veuve de François Lemonnier.
1576 : Le 8 octobre, Marguerite Cavelier accorde une rente à la paroisse pour le salut de son âme.
9
juillet 1580 : Jean du Fay, écuyer, seigneur du Taillis,
épouse
en l'église de
Yainville Madeleine Jubert, originaire de Rouen. Le curé est alors Heber, affecté également au Trait.
Jean du Fay a déjà perdu son père, conseiller au Parlement. C'est son arrière-grand-père, Richard, qui, en 1532, s'était porté acquéreur du château dans la plaine de Duclair, juste à la limite de Yainville. Seigneurs du Trait, Jean et Madeleine auront dix enfants, dont un André et une Madeleine... Sur ce plan de 1659, on a tracé la frontière entre la seigneurie du Trait et le domaine des moines. En face du château, on remarque une allée d'ormes. A partir de la route, un chemin de traverse conduit aussi vers Yainville.
1598 : Roger Leclerc, curé d'Yainville.
XVIIe
siècle
1622: le 27 avril, Jeanne Dumontier fonde une rente en faveur de la paroisse.
1639 : les moines décident de transférer le pressoir du manoir d'Yainville à la ferme du Passage de Jumièges.
1647 :
Michel Delarue, vicaire perpétuel de
Saint-André d'Yainville et de la chapelle du Trait jouit
seul et pleinement des
dîmes de sa paroisse.
1649 :
Les moines intentent un procès à
Delarue. Le Parlement de Rouen les suit et Delarue de percevra plus que
la
portion congrue, soit 200 livres par an.
1657 :
Delavigne, arpenteur du roi, dresse un rapport
sur les forêts du cru. Au XVIIe siècle, un chemin
de halage allant de Rouen au
Trait est attesté. C'est durant la seconde partie du siècle que Vauban aura
l'idée de creuser un canal
dans la vallée morte de l'Austreberthe, ce qui aurait permis de
gagner plusieurs kilomètres pour la
navigation. On commença à creuser sur 500
mètres à Saint-Paul. Mais ceci est
une autre histoire...
25 juin 1683 : venu de Falaise, un ouragan s’engouffre dans la vallée d’Yainville et va frapper Rouen en dévastant les forêts sur son passage.
1676 :
exécution à Paris de la marquise de Brinvilliers, la
célèbre empoisonneuse. Selon nos historiens Bunel et
Tougard, elle aurait habité Yainville. Il semble qu'ils aient
été bernés par un romansigné Eugène Bareste.
1682 : Rémy Bauche, curé d'Yainville. Il contestera le droit des moines de venir officier le jour de la Saint-André.
23 juin 1683 : Orage violent à Rouen.
La grêle
d'une grosseur extraordinaire brisa les couvertures des
édifices
et détruisit même quelques maisons. Le clocher de
Saint-André tomba sur la nef; la flèche de
Saint-Michel
fut emportée de l'autre côté de la rue
et abattit
une maison.
L'ouragan s'était élevé sur les 4
heures du soir,
avait commencé vers Falaise, puis s'avançant du
côté de Lisieux avait passé par
Montfort, Croisset,
Quevilly, la vallée d'Yainville.
1684 :
Pierre de la Vigne dresse la
"carte contenant toutes les figures des pièces
d'héritages tant du domaine
fieffé que non fieffé de la paroisse d'Yenville
dépendant de la baronnie de
Jumièges appartenant à Messieurs les religieux
prieur et couvent de l'abbaye
royalle de Sainct-Pierre de Jumièges..." On compte une
quarantaine de
constructions.
Rente de Benoist et Jacques Bertin en faveur de la paroisse.
1692 : Toussaint Duval prêtre vicaire d'Yainville.
XVIIIe siècle

26 septembre 1700 : Les paroissiens de Saint-André de Yainville s'assemblent au son de la cloche après la messe pour élire les collecteurs de l'année 1701. Celui de l'année présente et ses consorts désignent Me Nicolas Lefort pour maître collecteur et porte bourse et pour second Jean Yet, père, pour troisième François Brunet. Présent, Duval, prêtre de la paroisse assiste aux signatures.
1705 : Thomas Roger, prêtre vicaire desservant Yainville. A compter de cette date, le registre de la fabrique d'Yainville nous renseigne sur la vie spitiruelle des paroissiens.
1712 : Dans la nuit du 22 août, on vole deux rideaux de damas dans l'église.
23 mars 1717 : A 9 h du soir, une maison prend feu. On retrouvera les restes calcinés de Barbe Vivien, veuve Dubois, 60 ans, Antoine Marette, 16 ans, Jeanne, 8 ans, Jean, 6 ans, Magdeleine, 3 ans. Ils furent inhumés le 25 mars. C'est le plus gros fait-divers connu sous l'ancien régime à Yainville.
1719 : René Halley se fait chauffournier à Claquevent.
1728 : Lemasson nommé à la cure d'Yainville.
1731 : Michel Demannay prêtre desservant d'Yainville.
1734 : Ygou vicaire d'Yainville et de Jumièges.
1736 : Jean-Jacques Pouchin vicaire d'Yainville.1738 :
Peuplée de 120 familles, la paroisse du
Trait-Yainville s'étend sur 500 hectares. 300 sur le Trait,
200 sur Yainville.
Pouchin, le prêtre de la paroisse, est accusé de
commettre des erreurs dans son
ministère. Il argue de son inexpérience.
1740 : L'historien Duplessis, dans sa Description de la Haute-Normandie, parle de la cure de Le Trait-Yainville, précisant que les deux villages sont alors séparés sur le plan civil. Jusqu'au XIXe siècle, les enfants d'Yainville iront faire leur première communion au Trait. De Longuemare est alors le prêtre desservant d'Yainville avec le vicaire Mullot.
1741 : marchand et laboureur d'Yainville, Maurice Tiphagne fait son entrée au manoir.
1742 : de La Rüe desservant tandis que Lecarbonnier est curé du Trait et d'Yainville.
1747 : Jacques Cauvin, vicaire d'Yainville. Le curé du Trait-Yainville était en 1752 Eugène Herbot.
1754 : le manoir presbitéral d'Yainville est remis en état. Le curé du Trait-Yainville, Pierre-Théodore Mouchard, est chargé de son entretien. Il jouit des dîmes du Trait mais d'Yainville vont à l'abbaye, même les novales, dimes de fruits, laines et autres dimes domestiques.
1759 : François Lesaint signe le bail du manoir d'Yainville. Ce sera le premier maire de la commune.
1760 : Nicolas Poisson, vicaire de Jumièges, desservant. d'Yainville.
1766 : Georges Derouën, desservant d'Yainville.
1772 :
la paroisse compte 50 feux. Charles lechanoine est
curé de plein exercice d'Yainville. On le retrouvera
jusqu'à la Révolution où il va tenir l'état
civil de la municipalité nouvelle.
1785 : "Grande sécheresse excepté le peu de neige de janvier et février, il n'est tombé d'eau que la nuit du 28 au 29 may" nota le curé du Vaurouy.
1788 : Jacques
Rollain devient syndic de la paroisse. Il dirige une carrière de
pierres à claquevent, unique activité
industrielle fournissant du travail à une cinquantaine
d'ouvriers.
Dimanche
29 mars 1789 : rédaction du cahier de
doléances en vue des états
généraux. En voici le texte: Cahier
de plainte, doléance et remontrance
arrêté par le tiers-état de la paroisse
de Yainville.
1793 :
204 habitants. A l’époque
révolutionnaire, Yainville est ainsi décrite. Les
terres sont sablonneuses,
marécageuses près de la Seine et l’on
compte peu de prairies. Les habitants
sont journaliers, carriers, fileurs, bûcherons dans la
forêt de Brotonne et
pauvres pour la plupart.
Différents articles traitent de la période révolutionnaire. On les retrouve dans le sommaire de la page Yainville. Mais nous voilà déjà au XIXe siècle, période où sont nés les grands-parents d'entre nousL Elle s'ouvre avec la clef qui suit sur les années Napoléon :
