Explosive ! L'histoire des carrières d'Yainville est explosive. Elle débute avec les aléas de quelques chaufourniers pour aboutir à la prospérité d'Émile Silvestre. En passant par une violente polémique, une crise économique. Et quelques morts...



Après les chaufourniers , les carrières d'Yainville vont changer de vocation. Passer du petit commerce au grands travaux publics. En 1851, on ne recense encore que deux carriers au Claquevent : Amand Anquetil et Jean Sabatier ainsi qu'un ouvrier : Maxime Coté. Mais, engagé dès 1848, l'endiguement de la Seine va favoriser l'essor des carrières. Beaucoup seront réquisitionnées par l'État qui passe alors des marchés par adjudication à des entrepreneurs. Il en est des carrières d'Yainville visitées par le vice-président de la toute jeune Seconde République en 1848.

En 1849, on adjugea 300.000 m de pierre à extraire à Yainville et Villequier. Les bénéficiaires furent Toutain pour deux tiers et le dernier à Collé, de la rue Saint-Sever à Rouen. "Ce surcroit de travail assure aux ouvriers de l'ouvrage pour tout l'hiver et même au-delà, se réjouit le Journal de Rouen. Mais de plus, il donne la presque certitude que l'année 1850 verra l'amélioration poussée jusqu'au-delà de Quillebeuf."

En février 1856, Billerey aîné, propriétaire à Louviers, met à son tour en vente le domaine de Claquevent acquis par sa mère. Des améliorations ont été apportées : une vaste grange neuve couverte en tuiles et divers bâtiments d'exploitation. Dans la carrière sont aménagées plusieurs caves. Le tout fait neuf hectares occupés par le sieur Levillain pour un long bail. Le revenu est de 1.400 F. De plus, une redevance est versée au propriétaire pour chaque mètre cube extrait des carrières tandis que le fermier y va de sa poche pour entretenir l'endroit et payer les impôts.

Du grand spectacle


Les carrières d'Yainville vont vite offrir un spectacle aux promeneurs comme en témoigne le Journal de Rouen du 4 mai 1860 :

Les grands travaux de canalisation de la Seine maritime ont toujours eu le juste privilège d'exciter vivement la curiosité publique. Rien effectivement n'offre un plus magnifique spectacle après les grands phénomènes de la nature que les efforts du génie humain pour lutter contra la puissance des éléments. On nous annonce à ce sujet quelque chose qui ne peut manquer d'attirer l'attention : il s'agit de l'attaque par la mine, sur un assez grand développement, des roches d'Yainville, exploitées par M. Fayolle, et dont les débris servent à la construction des digues.
Le dimanche 13 mai courant, à midi, plus de cent coups de mines partiront à la fois, et à l'instant, nous dit-on, on pourra voir une partie de montage s'écroulant avec fracas.

 L'abattis du 13 mai sera, quoiqu'un peu moins important, aussi beau que celui qui eut lieu en 1848 à la même carrière, an présence du vice-président de la République sous la direction de M. Billerey, de Louviers qui a coopéré avec distinction aux premiers travaux de la Basse-Seine. Les carrières d'Yainville sont sur les bords de la Seine et il faut quinze minutes à peine pour s'y rendre des ruines de Jumièges. Les promeneurs savent que dans les environs de Jumièges et de Duclair on est partout bien reçu et sans être obligé à de fortes dépenses.

Le beau spectacle de l'explosion des mines aux carrières d'Yainville, que nous avions annoncé pour dimanche prochain 13, a dut être remis par suite de l'exigence de certains travaux,  au dimanche 27, jour de la Pentecôte à midi. Les deux jours de fête de la Pentecôte ne peuvent que rendre plus faciles et plus nombreuses les excursions aux roches d'Yainville.



En 1861, Jean Laurent Delépine, l'ancien chaufournier est cafetier aux carrières qui prennent de l'importance. Il a 56 ans et partage ses jours avec Rose Ismérie Thorel dont il a trois enfants. La famille Delépine accueille en pension Victrice Tranquille Leroy, un douanier de 25 ans. Le 8 avril 1861, à 4 h du matin, on découvre le cadavre de Pierre François Herment, pêcheur, demeurant à Caudebec. Delépine, le cafetier et Victor Duquesne, 57 ans, ancien douanier, iront déclarer l'affaire en mairie.

En 1861, la corporation des ouvriers carriers d'Yainville se résume à'Eugène Héricher dont la mère est indigente, Aimable Capelle, Jean-Baptiste Fressange, en pension chez le cantonnier Duquesne, Pierre François Forcher, enfin Deogracias Mamert Pinguet, présent sur les lieux depuis un bail avec son père, Nicolas Patrice. Deogracias ! Avec un tel prénom, ne voue étonnez pas si ce carrier a un frère curé. Mais Déogracias partira bientôt pour Anneville.
En attendant, on recense donc 
cinq professionnels à Yainville. Sans compter peut-être quelques journaliers. Bref, cette activité reste encore modeste.

L'ascension d'Émile Silvestre



Mais à partir de 1865, les carrières de Claquevent vont fournir de plus en plus de matériaux aux grands chantiers avec des entrepreneurs comme Charles-Sosthène Sabatier et Emile Silvestre. Dès lors, l'effectif des carriers dépasse la douzaine et va s'étoffer régulièrement.

Parmi les carrières d'Yainville, celle de Valentine Alexandrine Decroutelle n'est pas la plus importante. Elle présente un front de taille de 60 m. Or, il en existe manifestement  trois autres de bien plus grande importance et qui, elles, totalisent 490 m de long. Quel est leur emplacement exact, qui les exploite, à quelle date ? Cela reste à préciser. Toujours est-il qu'un certain Emile Silvestre met le pied chez Valentine Decroutelle...


Qui est Valentine Decroutelle ? Elle est l'épouse d'Adrien Adville, employé à l'hospice de Darnétal qu'elle a épousé à Saint-Valery-sous-Bures. Le couple a eu à Yainville Jeanne en 1861, Albert en 1863 et Georges en 1866, mort à 2 mois au Mesnil où il était en nourrice chez Jean-Baptiste Fournier, un pêcheur. Entre temps, vers 1864, était né un petit Auguste qui n'apparaît pas dans notre état civil.
En 1866 Adville, le couple est légalement séparé de corps et de biens. La rupture est récente car Valentine Decroutelle a encore au sein un nourrisson de 2 mois. Entourée de ses trois enfants, elle vit aux carrières en compagnie de Jean Ravette, officiellement son régisseur et domestique, qui pour sa part est sans femme et chargé de quatre enfants, tous nés à Duclair.


Qui est Émile Silvestre ? Républicain convaincu, il est né le 27 août 1837 à Yvetot, rue Marc-Bridelle, d'Emile Alphonse Silvestre, maître de pension, et de Stéphanie Clémence Gouas, la fille d'un boulanger de Duclair.  Au moins une sœur lui est connue : Amanda Clémence, née le 26 novembre 1834 également dans la capitale cauchoise. 

En 1837, année de la naissance d'Emile Henri Silvestre, la pension Silvestre d'Yvetot fait paraître des petites annonces pour le recrutement d'un professeur pour les classes élementaires. Il convient de s'adresser à M. Lefrançois. A noter que Silvestre porte exactement les mêmes prénoms que mon grand-père avec qui il aura maille à partir.
La famille Silvestre

Le père de Silvestre, Emile Alphonse, est né à Bréauté le 15 février 1809 de Pierre Silvestre et Marie Adélaïde Juin. Quand il se marie à Duclair, le 21 mars 1833, il est alors maître de pension et demeure à Caudebec. Son père est marchand
horloger à Saint-Wandrille. Son épouse est la fille d'Alexandre Léonore Gouas, maître boulanger, et Françoise Neufville. Il fallut le consentement du conseil d'administration du 43e régiment de ligne. La mariée avait pour amis Louis Porteboys, maître filateur à Rouen et Emile Guéroult, épicier de Duclair. Le marié: Pierre Heusé, le perruquier de Caudebec, son cousin et Henri Acher, boulanger d'Yvetot.

Un bail juteux

La carrière Decroutelle cesse un moment d'être désignée par l'Etat. Silvestre en profite pour se l'accaparer en son entier. Le 29 décembre 1868, le jeune entrepreneur de 31 ans, signe avec la propriétaire un bail de 12 ans. Avec promesse de vente à la clef.
l'époque qui nous intéresse, Silvestre dispose déjà de neuf navires, deux autres sont en chantier à la Mailleraye. Il fait travailler à Yainville de 20 à 30 ouvriers. Et autant de bateliers. C'est une cinquantaine de personnes. Il établit des voies ferrées, déblaye, engage chaque jour des frais, investit d'importants capitaux.
L'abbé Robert à Yainville

Une biographie de l'abbé Robert, un temps professeur au lycée catholique d'Yvetot, évoque nos carrières : "Ainsi, tout le temps que dura la construction de la chapelle, que de fois ne le vit-on pas partir à cheval pour se rendre à Yainville, à la carrière d'où l'on extrayait la pierre, en vue de presser les ouvriers pour que les matériaux ne manquassent jamais à Yvetot !"
(La Semaine religieuse).

Mais il loue aussi une carrière et un four à Villequier, propriétés de M. de Saint-Wulfran. Et là-bas, il se dispute le site avec les frères Sabatier. Ses ennemis jurés. Il les retrouve à Yainville dont il veut faire le centre de son industrie et de son commerce... Les Sabatier exploitent en effet l'une des carrières de Claquevent, située à cheval sur les communes d'Yainville et du Trait. Maintenant, ils veulent s'approprier celles de Valentine Decroutelle.

Coup dur pour Silvestre


Les frères Sabatier
Fils d'Antoine et Louise Deshayes, cabaretiers
Le patriarche fut ensuite conducteur de travaux publics
Second maire d'Heurteauville (1871-1876).

Antoine.
1825 : naissance à Bourg-Achard. 1846 : mariage à Jumièges avec Rose Hélène Fauvel, fille de cultivateurs. 1856 : naissance d'Antoine-Auguste, qui sera vannier.

Pierre-Alphonse.
1827 : naissance à Bourg-Achard. 1853 : mariage au Mesnil avec Eloïse Elisabeth Duparc. Il est alors contremaître chez son père. Il sera arpenteur de travaux publics, puis propriétaire au Trait où il exploite des carrières.
Charles-Sosthène.
1829 : naissance à Bourg-Achard. 1854, mariage à Saint-Paër avec Alexandrine Dossier. 1858 : marin à Yainville. Puis propriétaire. Un fils, Charles Alexandre, diplômé des Arts et Métiers et de l'école centrale de Paris. 1881, la femme de Sosthène demande le divorce. Il est alors employé de commerce sans domicile connu.

Auguste Edmond.
1841  : naissance à Heurteauville. S'associera à Saint-Denis. 1874 : est pour deux ans le locataire de son frère Sosthène dans sa ferme de Yainville. Directeur de travaux en 1881.
Car voilà que l'administration met en adjudication de nouveaux chantiers. Ils portent sur de grosses réparations des digues et chemins de halage de Duclair à la Risle  Et désignent comme lieu d'extraction la carrière Decroutelle. Elle est en quelque sorte réquisitionnée.

Le 9 juillet 1869, les frères Sabatier sont retenus, notamment pour la réalisation d'une digue à la Mailleraye, face au banc des Meules. L'ensemble des marchés emportés par les Sabatier se chiffre à 625.000 F.

Aussitôt, Silvestre et Valentine Decroutelle ripostent auprès de l'Administration

"Inadmissible !"
Le 16 août, Silvestre interpelle le préfet. Il lui rappelle tout d'abord ses investissements réalisés à Claquevent et s'emporte en parlant de lui à la troisième personne: "Il ne peut admettre que nos lois autorisent de le déposséder violemment, de chasser ses ouvriers pour y mettre ceux de l'Etat. Dans l'hypothèse inadmissible d'une désignation, que fera l'entrepreneur ?
 Aura-t-il le droit de chasser le locataire ? Se mettra-t-il à son lieu et place ? Ou bien sera-t-il forcé de partager sa carrière, déménager ses matériaux pour se retirer dans la partie qu'on voudra bien lui laisser, que fera-t-on des abatis commencés, etc. etc. Ce serait créer des difficultés inextricables et pour l'entrepreneur de l'Etat et pour le soussigné, propriétaire actuel de la carrière en vertu d'un titre régulier, inattaquable. Si l'état n'avait que les deux carrières qui font l'objet de la présente réclamation, le soussigné, lui-même entrepreneur de travaux publics, s'inclinerait devant l'intérêt général et laisserait ses carrières à l'Etat. Mais l'Etat en possède à Saint-Paul, Jumièges, Yainville, au Trait, Villequier, sans parler des carrières d'aval, où il peut placer, sans compter ceux qui sont déjà occupés, plus de 400 ouvriers."


Chez le sieur Tournache

En août 1869, Valentine Decroutelle fait élection de domicile chez son fermier d'Yainville, le sieur Tournache. C'est de là qu'elle écrit au sénateur-préfet. Elle vient d'apprendre, lui dit-elle, que ses carrières sont sur le point d'être désignées par l'administration. Or, elles sont closes, ce qui constitue à ces yeux un motif d'exemption. Closes d'un côté par la Seine, de l'autre par la falaise. Et sur les autres par des barrières et des haies vives. Elle ajoute qu'un terrain en nature de verger est édifié d'une maison d'habitation. Pour ces motifs, ses carrières étaient exonérées de servitude depuis des années lorsque, le 29 décembre dernier, elle a signé un bail avec Silvestre. Qui depuis les exploite... Et de rappeler que de longue date, le conseil de préfecture a reconnu l'exploitation de ces carrières à des fins commerciales. Les clôtures ne suffisent pas ? Elle est prête à les renforcer s'il le faut. Là, elle s'expose à devoir verser de lourds dommages et intérêts à son locataire.


Parmi foule d'arguments, Valentine Decroutelle rappelle que d'autres carrières, plus importantes, existent à Yainville. L'une d'elles se trouve dans les mêmes conditions que la sienne, à ce ceci près, c'est qu'elle n'est pas louée. Et qu'elle n'a pas été désignée cette fois par l'Etat alors qu'elle le fut antérieurement.

Pour toute réponse, l'administration agite un arrêt de l'ancien régime (1755!) qui stipule que l'exemption de servitude est accordée aux lieux fermés de murs ou autres clôtures équivalentes. La Seine, la falaise, ce ne sont pas des clôtures ! Elle veut les renforcer ? On ne peut se soustraire ainsi à la servitude alors qu'elle est prononcée. Le verger, parlons-en. Il est planté sur les débris des carrières et l'on passe entre les arbres pour transporter les matériaux jusqu'à la Seine. Quant à la qualité de commerçant revendiquée par Silvestre, il est encore, que l'on sache, entrepreneur de travaux publics. Ce n'est que "par surprise", dixit l'administration, qu'il a pu vendre quelques débris à des particuliers.

Le 30 août 1869, les carrières Decroutelle sont bien désignées pour concourir au travaux de la Basse-Seine. On attribue aux frères Sabatier les parcelles 54, 55, 56, 71 et 72 de la section A. Silvestre et sa propriétaire continuent de ferrailler avec l'administration alors que le conseil d'Etat est saisi.


Il construit deux fours

Dans le même temps, Émile Silvestre a demandé l'autorisation de construire deux fours à chaux. L'enquête commodo incommodo s'ouvre. On placarde le projet à son de caisse aux lieux habituels de Yainville. "Tout intéressé, souligne le maire, Jacques-Augustin Lafosse, sera admis pendant huit jours à déposer à la mairie ses observations sur le projet dont il s'agit..." Aucun opposant ne vient s'exprimer. Le 6 septembre 1869, l'enquête est close. Un mois plus tard, Silvestre reçoit le texte suivant daté du 6 octobre:

Monsieur Silvestre est autorisé aux fins de sa demande sur les conditions suivantes:

1) Il ne pourra employer que de la maçonnerie et du fer pour la construction du four projeté.

2) Il devra placer l'ouverture du foyer de telle sorte qu'elle ne puisse être aperçue sur les voies de communication voisines.

L'amputation de Louis Piot

Le 28 octobre 1869, les frères Sabatier demandent au préfet d'exploiter les carrières Decroutelle.

18 novembre 1869. La direction des travaux publics estime que les carrières de Claquevent sont exploitées depuis longtemps pour les travaux de la Basse-Seine. Elles n'ont pas les conditions voulues pour être exemptes de servitude. Silvestre a encore des fournitures à opérer à l'Etat en 1870. Il convient donc de le mettre à même de remplir ses obligations et par suite de partager avec les sieurs Sabatier les carrières selon l'importance des travaux a exécuter. On attribue cette fois les parcelles 73, 74, 77 et 78 aux Sabatier. Silvestre ne conservera que la partie au nord d'un chemin d'exploitation perpendiculaire à la Seine et qui avoisine la propriété de Mme Louard.

Coup dur cette fois pour les frères Sabatier. Un tâcheron, Aimable Pécot, demeurant à Sainte-Marguerite, exploite pour leur compte leur carrière de Claquevent. Quand, le 25 novembre 1869, un accident survient sur le chantier.

Il est 16h30. Louis Piot, 41 ans, travaille avec un levier à provoquer l'éboulement d'un bloc dépassant de 60 centimètres de la falaise. Au moment où il frappe avec son outil, le bloc se fend par le milieu et lui tombe sur le pied gauche. On le transporte à l'hospice de Caudebec. Le lendemain, à 8h, c'est l'amputation. Louis Piot supporte assez bien l'opération. Il guérira. Mais il est père de famille nombreuse et c'était là son seul travail.


Le bloc qui blessa Louis Piot est figuré ici en noir. L'ouvrier était sur le remblais au pied de cette falaise de 25 m

Le 28 novembre, l'information est donnée par la presse. Du coup, l'administration vient enquêter sur place. Antoine Nibourel, 87, route de Darnétal, à Rouen, est garde-mine. Il se rend à Yainville le 3 décembre. La partie des carrières exploitée par les frères Sabatier a de 10 à 25 mètres de hauteur. L'ensemble des exploitations qui  produisent pour l'entretien des digues de la Basse-Seine totalise un front de taille de 1500 mètres. Les ouvriers sont divisés pas brigades de 4 ou 5 sous la surveillance d'un tâcheron qui les paie à la journée. Lui-même touche 1 F par mètre cube extrait et transporté en bordure de Seine. Nibourel dénonce la méthode utilisée par Piot. Celle qui consiste à dégager un bloc de pierre par la base en arrachant avec des leviers les bancs les plus tendres, les plus fendillés... La prudence veut que l'on attaque la masse de haut en bas. L'observation en est faite à Pécot qui répond: "le prix de revient ne nous le permet pas..."

Zélé, Nibourel note encore que la carrière n'a pas été déclarée comme le veut le décret du 15 février 1859. Le 6 décembre, il rédige son rapport. Le 7, il est enregistré.

Commentaire de l'ingénieur ordinaire: l'accident est dû à une fissure cachée sous le bloc attaqué par l'ouvrier. La méthode d'éboulement est pratiquée dans toutes les carrières analogues et demande beaucoup de dextérité et d'attention de la part de l'ouvrier qui travaille au dessous des masses dont il provoque la chute et ne se range que quand celle-ci devient imminente. "On ne peut cependant l'interdire, c'est la seule applicable à l'extraction de pareils matériaux. Conduite avec prudence, sans chercher des éboulements étendus mais circonscrits à des blocs de dimensions médiocres, en étudiant avec soin leur solidité, elle peut se faire sans véritable danger. Généralement, cette méthode est complétée par l'usage de la poudre. On ne fait tomber avec le pic et la pince que le nécessaire pour préparer avantageusement l'emploi de l'explosif." 

L'ingénieur écarte la responsabilité des exploitants. "Peut-être la victime peut-elle se reprocher une certaine inattention ou maladresse." Comme cette partie de la carrière est exploitée pour les Pont & Chaussées, des fonds sont prélevés chaque année auprès des entrepreneurs et Piot devrait bénéficier d'une aide. 

L'ingénieur en chef se rangera de cet avis. Non déclarée, la carrière ? Aucune gravité. L'administration n'impose plus cette formalité aux carrières à ciel ouvert...

Les experts vont se rhabiller

6 janvier 1870, un nouvel arrêté préfectoral autorise les frères Sabatier a extraire des matériaux chez Decroutelle. Silvestre et sa propriétaire s'opposent toujours à leur présence. Avec les mêmes arguments: pas de servitude...

12 janvier 1870. Les frères Sabatier ont examiné les propositions de l'administration concernant l'occupation des terrains et écrivent à l'ingénieur en chef: "Il y aurait de graves inconvénients à admettre les prétentions du sieur Silvestre tendant a exonérer les carrières de servitude..."

13 janvier 1870. Une lettre du préfet au maire de Yainville l'invite à ne pas accepter les frères Sabatier chez Decroutelle. Du moins jusqu'à nouvel ordre. Une position qui en rajoute une couche dans cette affaire déjà bien compliquée. C'est alors que Valentine Decroutelle rend l'âme, le 12 février 1870, à Paris. Que diable faisait-elle là bas ? Son mari, Adrien Adville, dont elle était séparée est alors alors tuteur de Jules et Jeanne. A ce titre, il fait enregistrer une requête par le notaire de Jumièges. Bicheray procèdera bientôt à l'inventaire après décès. Après quoi interviendra la vente des biens de le défunte consistant à Yainville en des carrières, un verger, des bois, de terres de labour, le tout d'une contenance de 7 ha et 6 ares. Adville semble alors vivre à Rouen.

17 février: l'administration met les frères Sabatier en demeure de faire face à leurs obligations.

24 février 1870. Le conseil de préfecture rejette le pourvoi Silvestre-Decroutelle. Reste à attendre la décision du conseil d'Etat. En attendant, les frères Sabatier pétitionnent...

23 mars 1870. L'administration se plaint des frères Sabatier. Depuis le 6 janvier, ils auraient dû remplir toutes les formalités préalables à l'occupation des terrains. Et c'est seulement deux mois plus tard, alors qu'ils sont sous le coup d'une mise en régie, qu'ils viennent arguer d'un prétexte spécieux pour ne pas remplir leurs engagements. L'ingénieur ordinaire du 2e arrondissement ne voit là qu'une manœuvre et estime qu'il n'y a pas lieu de donner suite à leur pétition.

25 mars 1870. L'ingénieur en chef ajoute : le maire a notifié à la propriétaire l'arrêté préfectoral permettant aux frères Sabatier d'entrer à Claquevent. Dès lors, ces derniers sont en mesure de remplir les formalités exigées et de se faire mettre en possession des terrains.

28 mars 1870. Du Trait, les frères Sabatier se plaignent au préfet. Le maire de Yainville refuse de nommer un expert. Il a du reste, affirment-ils, reçu l'ordre de ne point les mettre en possession des terrains. Et cet ordre vient du préfet lui-même. D'où leur impossibilité de satisfaire au décret de mise en demeure du 17 février. Les Sabatier demandent donc au préfet de leur permettre d'entrer à Claquevent.

2 avril 1870. Le service des carrières écrit au maire de Yainville. Les frères Sabatier n'ont pu s'entendre à l'amiable avec Valentine Decroutelle. Alors, l'ingénieur s'appuie sur l'article 6 d'un décret du 8 février 1868 relatif à l'occupation de terrains nécessaires à l'exécution des travaux publics. Face au refus de la propriétaire, il appartient au maire de désigner un expert pour dresser un état des lieux, contradictoirement avec celui des entrepreneurs.

Ce fut Frédéric Édouard Taupin, propriétaire, géomètre à Hauville, qui fut désigné pour expertiser les carrières Decroutelle. Quant à celui du propriétaire, c'est une vielle connaissance: Jean Baptiste Beaulard, géomètre à Duclair. Le 16 avril 1870, ils se présentent tous deux devant Delacroix, conseiller de préfecture, et prêtent serment de "bien et fidèlement remplir leur mission".

Expulsé par le maire !


Rebondissement. 12 mai 1870 : le maire de Yainville, Jean-Augustin Lafosse, vient expulser Silvestre des carrières. "Violemment" dira ce dernier. Le procès-verbal révèle que sa carrière emploie ce jour-là douze ouvriers et quelque quatorze bateliers. Déjà une belle entreprise...

Le 18 mai, les deux experts transmettent leur mémoire et demandent à l'administration de le taxer. Ils ne travaillaient pas bénévolement. Seulement, l'administration va refuser de payer.Le 10 juin 1870, la direction des travaux publics prie le maire de Duclair d'en informer Beaulard.

Le 18 juin 1870, Silvestre interpelle le Sénateur-Préfet. Il est en droit, estime-t-il, de réclamer des dommages suite à son expulsion. "Justice et équité", insiste-t-il guident sa démarche et il résume ainsi cette "déplorable affaire".

Quand il a signé son bail, en décembre 68, quand celui-ci a été enregistré en bonne et due forme le 24 mars suivant à Duclair, les carrières d'Yainville n'étaient pas désignées pour concourir aux travaux d'endiguement de la Basse-Seine. Elles étaient par conséquent libres de toute servitude. "On ne comprend pas pourquoi l'administration a contesté le droit de M. Adville d'user de sa propriété." Depuis que Silvestre a pris possession des carrières pour en faire le "centre de son industrie et de son commerce", il a construit douze bateaux et établi à grands frais des chemins de fer pour l'exploitation des carrières. Rappelons aussi qu'il a fait apporter des matériaux pour construire ses deux fours à chaux. Enfin Silvestre a réalisé des quais d'embarquement.

Et  voilà que deux arrêtés préfectoraux ont désigné les carrières Decroutelle pour les travaux d'endiguement.  Silvestre développe alors ses arguments:

1)  Cette propriété n'était pas primitivement portée au devis des entrepreneurs.

2) Les usages de l'administration veulent que l'on ne désigne de nouvelles carrières que lorsque celles du devis primitif sont épuisées ou insuffisantes. Ce qui n'est pas le cas. 

3) D'autres carrières auraient pu être désignées. Notamment la carrière Dossier qui ne se trouve pas dans les conditions d'exemption présentée par la carrière Adville Decroutelle.

4) La propriété en nature de verger clos et renfermant deux maisons d'habitation entre bien dans la catégorie des terrains qui échappent à la servitude d'extraction. 

Seulement, le conseil de préfecture en a décidé autrement. Une décision qui ne repose sur aucune jurisprudence. Silvestre souligne en revanche que le conseil d'Etat, lui, a rendu plusieurs arrêts contraires. Et de rappeler au préfet qu'au début de l'affaire, il ne partageait pas l'avis des ingénieurs des Ponts & Chaussées si l'on relit bien sa lettre adressée au maire d'Yainville. 

"L'administration porte une grave atteinte au droit de propriété et cause à un tiers de bonne foi des dommages considérables. " Depuis son expulsion, ajoute Silvestre, il n'y a eu aucun ouvrier dans les carrières. Les siens ont été mis à pied. "Dans quel intérêt a-t-on voulu expulser le réclamant ?" Silvestre a pourtant offert 100 m de carrière à l'administration. Sans suite. On a détruit les voies ferrées établies, "miné son commerce, son industrie !" Alors il passe de la brosse à reluire au Sénateur-Préfet. Et fait appel en lui "à cette justice, à cette équité, à cette bienveillance dont le souvenir se perpétuera longtemps dans le département de la Seine-Inférieure après qu'il vous aura perdu."  

Sans que Silvestre l'ait demandé, les ingénieurs  lui ont attribué pour des travaux d'entretien de moindre importance la partie des carrières que lui-même proposait aux frères Sabatier. Preuve qu'elle est exploitable, en profite de dire Silvestre.

"Sans doute, dans la partie que le soussigné a mise en exploitation régulière, où il a établi des tranchées pour y poser des voies ferrées, les entrepreneurs Sabatier trouveront plus de facilités d'exploitation. Mais alors, on se demande s'il est équitable de déposséder un entrepreneur au profit d'un autre que l'on ruine." (Sic)

M. Adville entre en scène
Le 21 juin 1870, Adrien Adville, veuf de Valentine Decroutelle, emboîte le pas de son locataire en s'adressant au préfet. Il le fait en son nom propre mais aussi de son fils mineur, Jules-Albert: "La propriété est close, sinon de murs, du moins de clôtures équivalentes." Et puis ou est le besoin ? Depuis l'arrêté du 6 janvier, l'Etat n'a pas extrait un seul mètre cube des carrières. Comme Silvestre, Adville demande un sursis à exécution du préfet. Et attendons la décision du conseil d'Etat.  "En accordant ce sursis, vous empêcherez, je ne crains pas de vous le dire parce que c'est ma conviction intime, une grande injustice de se commettre, vous arrêterez les entrepreneurs sur le point de s'emparer des matériaux appartenant à mon locataire de jouir des travaux d'appropriation qu'il a exécutés, ce que vous me permettrez d'appeler une véritable confiscation..."

En juillet 1870, Valentine Decroutelle étant décédée, Silvestre allait devenir propriétaire du site.

Les Prussiens s'en mêlent

Durant l'invasion des Prussiens, le 29 janvier 1871, un barrage de torpilles fut installé par les occupants, au niveau de Claquevent. Gardé par une batterie d'artillerie et des fantassins. Il y eut  des affrontements entre canonnières françaises et troupes d'occupation. Le barrage fut démonté du 5 au 7 février 1871...

25 juin 1871: Silvestre renonce à attaquer l'Etat. Cette décision sera renouvelée le 3 février 1872 par la voix de Me Fossé, avocat d'Adville et Silvestre au conseil d'Etat. Le président de la République lui-même, Adolphe Thiers, prendra acte de ce renoncement. Les raisons nous échappent. Un accord amiable ? En tout cas au bénéfice de notre carrier. Car il va s'établir définitivement à Claquevent. Jusqu'à la mort..

Entre temps, l'entreprise Silvestre se lance dans le transport de marchandises entre Duclair et Rouen. Dix navires y sont affectés et l'Emile 3 sert de bureau à l'entreprise. Une première annonce paru dans la presse le 21 juillet 1871.

En octobre 1871, le clerc de Me Bicheray écrit : "Quittance par Adrien Adville, de Rouen, et Jean Victor Guiot, de Jumièges,  à Emile Henri Silvestre, ci-devant de Caudebec & aujourd'hui de Yainville.
"

Rosalie Adélaïde  Armantine Lesain, de Rouen, est une bien riche propriétaire sur Jumièges et Yainville. Jumièges où elle vend plusieurs terrains à Achille Désiré Poulain-Grandchamp, le bien nommé, Yainville où, le 18 février 1873, elle vend à Charles Sosthène Sabatier, époux de Pauline Alexandrine Dossier, une carrière ouverte, mais aussi un verger édifié et planté, côteau, friche et labour, le tout d'un peu plus de 2 ha, et deux autres en labour de sablon et lisière en taillis, enfin un hectare en taillis et friche...

Il construit les cales du bac


Le 30 août 1873, le projet de construction de cales d'embarquement à Yainville et Heurteauville est approuvé pour le passage du chemin de communication n° 20. Trois entrepreneurs vont se mettre sur les rangs : Leblond-Lesueur de Saint-Etienne-du-Rouveray, Eugène Cauvin, du Landin et Silvestre qui durant toute cette opération se fait appeler Silvestre fils.
Cauvin est le mieux-disant, les autres sont à égalité. On leur demande de reformuler des propositions. Et cette fois, c'est Silvestre qui l'emporte en consentant un rabais de 13%. Le marché s'élève à plus de 1.300 F, non compris les imprévus.  Il mène aussi la construction des cales de Duclair.

En novembre 1873, sans doute anecdotique, la famille Jeanne baille une carrière au Mesnil à Eugène Glatigny, de Duclair. Ces carrières sont-elles de sérieuses concurrentes ? On en doute.

26 février 1874 : Charles Sosthène Sabatier fait main levée à Emile Silvestre chez le notaire de Jumièges. Sabatier vient de louer à son frère Auguste une ferme qu'il possède non loin des Carrières.

Le 9 juillet 1874, la construction des cales d'Yainville est officiellement adjugée à Silvestre. Le 12 septembre suivant, il hypothéque ses biens pour offrir une garantie. Voici donc le patrimoine d'Emile Silvestre à cette date.


Une propriété sise à Yainville, près de la cale du passage d'Heurteauville, comprise entre la Seine, et la grande route de Rouen à Saint-Romain, composée :

1°) d'un verger planté d'arbres fruitiers et édifié d'une maison de maître, d'une maison de fermier, d'un ancien corps de garde des douanes et de bâtiments ruraux.

2°)  d'une carrière de pierre d'une contenance de 2 hectares, 70 ares 2 centiares ;

3°) d'une pièce de terre en nature de labour de sablon d'une conternance de 9 hectares, 46 ares 25 centiares ;

4°) d'une pièce de terre en nature de bois taillis d'une contenance de 74 ares 60 centiares;

Les dits immeubles bornés d'un côté au nord par les héritiers de Mme veuve Loir, Mme Pesquet et MM. Pommelle et Delépine, d'autre côté par MM. Delépine, Maresquier et Caron, d'un bout à l'est la grand route et d'autre bout la Seine ;

5°)  une portion de terrain en nature de bois taillis et friche comprise entre la grand route et l'ancien chemin d'une contenance de 19 ares 10 centiares, portée à la matrice cadastrale sous les Nos 75 bis et 78 bis, section A. ;

6°)  d'une autre portion de terrain en friche provenant d'un ancien chemin déclassé, d'une contenance de 1 ares 33.

Le tout acquis au terme d'un procès-verbal d'adjudication dressé par Maître Bicheray, notaire à Jumièges, le 3 juillet 1870, des héritiers de Mme Alexandrine Valentine Decroutelle, épouse de M. Adrien Adville, décédée, propriétaire à Paris où elle demeurait, rue de l'Ave-Maria, N° 171, moyennant un prix payé suivant quittance reçue par le même notaire le 8 octobre 1871.

M. Silvestre a déclaré que, par suite des constructions qu'il a fait établir sur cette propriété, elle est estimée à 40.000 F.

La construction des cales s'élève quant à elle à quelque 12.000 F.


Le premier appontement


Durant la campagne de 1874, l'administration fut manifestement impliquée aux carrières d'Yainville. Elle fut en effet obligée de louer un petit bâtiment à Silvestre pour servir d'abri à son surveillant de chantier. "Cet employé doit passer une partie de la nuit sur la carrière dans certaines marées et l'éloignement des habitations rend ce service difficile." Le loyer fut fixé à 50F l'an. La dépense fut soumise à l'approbation de la préfecture.

Le 23 novembre 1874, Pierre Sosthène Sabatier dépose une main levée de saisie-arrêt à Silvestre chez le notaire.

En 1875, Silvestre fait construire un premier appontement sans autorisation. Il aurait aussi réalisé cette année là la cale du bac.

Les cales du bac figurent déjà. Le premier bâtiment à leur droite est peut-être propriété de Delépine et évoque le café du Passage.


La mort de Lefée

19 août  1875. Il est quatre heures et demie du soir. Jean-Pierre Mabitte vient de percer un trou de mine dans un bloc de 4m sur 3,60 et 1,20 d'épaisseur. Son chef de chantier est près de lui. Mabitte demande à Alexandre Lefée de l'aider à charger le coup de mine. Alors, Lefée confectionne une cartouche de poudre d'environ 40 grammes. Mais elle est trop grosse pour entrer dans le trou. Mabitte est obligé de la pousser en force des deux pouces pour l'enfoncer. Difficile. On va l'avoir au burin. Mabitte tient l'outil dont le diamètre est équivalent à celui de l'orifice. Lefée donne un premier coup de masse. Et avant qu'il n'assène le second, c'est l'explosion. Le bloc se détache en trois morceaux. Les deux hommes sont engloutis sous les décombres. Fleury, surveillant des carrires ainsi que les autres ouvriers organisent les secours pour sortir leurs deux camarades de la. Mabitte a les poignets brûlés et diverses blessures et contusions à la tête. Mais Lefée a été broyé par un bloc de pierre de 4.000 kg. Natif d'Heurteauville, il avait 39 ans. Père de 4 enfants dont deux en bas-âge, il habitait Yainville. "C'était un ouvrier honnête, laborieux et estimé de tous", dira le Journal de Rouen. Mabitte aussi a quatre enfants. On le conduit à l'hospice de Caudebec. Deux témoins vont déclarer le décès en mairie au sieur Lafosse père. Il s'agit d'Eugène Vincent, contremaître et du cafetier Vincent Primout, figure du quartier.

Alors, que s'est-il passé ! Une étincelle a tout simplement jailli du choc entre le burin et un banc de silex traversé par l'orifice. Une étincelle qui a mis le feu aux poudres. Nibourel, le garde-mine, habite cette fois 12 rue Traversière, à Rouen. Le Nouvelliste de Rouen vient de publier un article sur l'accident. L'administration le charge donc d'enquêter à Yainville.  Il y vient le 24 août 1875. Le terrain, nous apprend son rapport, appartient à Silvestre qui a la qualité d'entrepreneur de travaux publics. Le front de taille a une hauteur variant de 20 à 25 mètres. Il est coupé verticalement. Le mode d'exploitation ? L'éboulement. On pratique à la base du front de taille des galeries souterraines en direction que l'on recoupe par d'autres galeries perpendiculaires aux premières de manière à découper de faibles piliers de soutènement. Ces piliers sont ensuite abattus tous à la fois au moyen de coups de mines. Ce qui détermine l'éboulement de tout le front de taille sur une vaste étendue. C'est ce que dirigeait alors Lefée. Les ouvriers sont divisés par petits groupes de 6 sous les ordres d'un tâcheron payé au m3. Les blocs sont chargés sur les navires de l'administration pour l'entretien des rives de la Seine. Ou encore utilisés comme lest à bord des navires de commerce.

Pour l'enquêteur, la responsabilité de Lefée est engagée. Chef de chantier expérimenté, il a commis une faute qu'il n'aurait jamais permise à l'un de ses ouvriers. "Ce malheureux a payé de sa vie son imprudence. Mabitte a partagé cette imprudence, mais, subordonné de Lefée, il ne peut être responsable de celui-ci auquel il a obéi."

Oui, le garde-mine parle d'une imprudence extrême des deux hommes qui auraient dû user d'un burin en bois ou en cuivre. Et puis ils ont utilisé une cartouche trop grosse. Les burins dont on se sert habituellement chez Silvestre sont armés d'une tête de cuivre de 4 à 6 cm de long. Trop court, estime Nibourel qui préconise une taille de 10 à 12 cm. On s'engage à l'écouter sur ce point...

L'hôtel Primout


En mars 1876, en proposant 6% de rabais, Silvestre est encore retenu parmi d'autres pour l'entretien des chaussées d'empierrement sur les routes départementales. A 38 ans, il vit dans sa maison des Carrières entouré de Marie Fermé, veuve Samson, une domestique de 60 ans. Charlemagne Ténard, 15 ans, est aussi au service du maître.
A Claquevent, Vincent Primout, 47 ans, est non seulement cafetier, il est aussi logeur. Sa femme est Flore Groult et le couple a deux enfants. Sous leur toit vit le beau-père, Louis Groult, 66 ans. Cinq pensionnaires se partagent les lits : Eugène Prunier, Jean Lefèbvre, Ernest Quetteville, Baptiste Lecomte et Achille Leroux, tous terrassiers, le dernier ajoutant la qualité de voilier.

L'affaire de Silvestre se développe et le voilà bientôt à la tête d'une imposante flottille sortie des chantiers Lefranc, de la Mailleraye. Le soir mouillent au Claquevent une vingtaine de gribanes dont le fanal scintille en haut de mât. On les appelle les "Silvestres". Ces gribanes, elles sont familières du fleuve depuis le Moyen Age avec leur proue fortement incurvée. 

Le 21 juin 1877, Silvestre obtient la levée de l'hyptothèque placée sur ses biens lors de la construction des cales du bac. Il a satisfait aux obligations du cahier des charges.

9 juin 1878, Silvestre achète un terrain à Jumièges d'une superficie de 30 ares mais en partie solide, l'autre en corrosion. Le vendeur est Nicolas-Eugène Cauvin, de Petit-Quevilly.

Le 14 septembre 1878, le père de Silvestre meurt à Duclair, laissant une veuve.

En 1879, Claquevent compte 21 habitants et les Carrières 46. Soit un total de 67 habitants sur les 226 que totalise la commune. 180 Yainvillais sont recensés au Village, 10 à la Grand-Ferme. 67 habitants ! Et pourtant nos plans de nous montrent que quatre constructions.

C'est l'entreprise Silvestre qui effectua de grosses réparations des chemins de halage et des digues entre Duclair et Berville par adjudication le 28 juin 1879. Elle fut concernée aussi par la construction d'une cale pour le bac de Duclair.


L'accident de Duval

Le 24 octobre 1879, un ouvrier est grièvement blessé par la chute d'un bloc de pierre qui s'est subitement détaché du front de taille. La responsabilité de l'ouvrier est directement mise en cause. Pas celle du propriétaire. Car Duval, tâcheron, se trouvait dans une partie de la carrière inexploitée depuis longtemps. En revanche, on fulmine contre le maire de Yainville qui n'a pas cru bon d'alerter l'administration. Les Pont & Chaussées demandent donc au préfet de rappeler notre fonctionnaire municipal à ses obligations. C'est le décret du 15 février 1853 qui le dit...

20 avril 1880 : On a trouvé dans la Seine, à Yainville, dans l'aprés-midi, le corps d'un individu paraissant âgé de trente-deux ans environ et avoir séjourné de dix a quize jours dans l'eau.
Les ouvriers occupés aux carrières de M. Silvestre croient reconnaitre cet homme pour un nommé Quelleville, ouvrier de, carriére, qui avait quitté depuis quelques jours Tancarville où il travaillait.

8 novembre 1880 : "un carrier des carrières de Yainville, ayant trop fêté la bouteille, et ne pouvant plus se conduire, trompé peut-être aussi par l'obscurié, est tombé d'une hauteur de 15 à 20 mètres. Relevé et conduit à l'hospice de Caudebec, il a succombé à la suite des blessures qu'il avait reçues dans sa chute". Il s'agit de Jean-Bapstiste-Alfred Normand, 41 ans, natif de Hauville. Il était célibataire.

On met en vente la vaste maison neuve face à la cale du bac appartenant à Eugène Vincent, débitant failli. A cette époque, mon arrière-grand-père, Pierre Mainberte, est carrier.

On nous écrit de Duclair, le 21 mars (1881) Le cadavre du nommé Pierre-Onésime, Lequesne, batelier a Yainville, tombé accidentellement dans la Seine le 20 février dernier, a été retrouvé hier, 20 du courant, snr le territoire de la commune du Trait, Après les constatations légale, l'inhumation a eu lieu dans le cimetière communal. Le Quesne, 53 ans, était né au Mesnil et habitait Anneville. Son corps fut retrouvé à 7h du matin.

Le même mois, Silvestre était adjudicataire des travaux d'entretien du chemin de halage entre Rouen et Caumont.

Feus Grainville et Fauvel...


Du 22e jour du mois d'octobre, l'an 1881, à 11h du matin, acte de décès d'un individu dont le corps a été retrouvé hier dans la Seine, sur le territoire d'Yainville et qui serait décédé, suivant l'attestation du médecin, le 19 octore à 11h du matin, lequel a été reconnu par ses compagnons de travail ci-après dénommés pour le nommé Louis Onézime Grainville, 46 ans, employé comme matelot dans les chantiers d'exploitation des carrières d'Yainville, né à Aizier, le 11 janvier 1835, célibataire etc. Sur la déclaration à nous faite par Louis Délogé, garde-champêtre, 54 ans, et par Pierre Mauger, matelot, 38 ans, tous deux domiciliés à Yainville et compagnons de travail du défunt.

En novembre 1881, Silvestre est nommé adjoint du maire Lafosse. 

Le 3 avril 82, c'est un matelot des carrières, Moïse Jules Fauvel, natif de Jumièges, qui meurt à 17 ans. Ses parents demeurent au Landin. :

Un jeune garçon de dix-sept ans, nommé Jules-Moïse Fauvel, batelier a bord du bateau Stephanie, appartenant a M. Silvestre, s'est noyé accidentellement dans Ia Seine.
A Yainville, lundi, vers trois heures de l'après-midi. C'est en voulant jeter une amarre sur un autre bateau afin de l'attirer a lui qu'il a perdu l'équilibre et est tombé à l'eau. Les témoins de cet accident se sont immediatement portes a son secours, mais ils n'ont pu le retrouver qu'après quarante minutes
de recherches. L'asphyxie du malheureux était complète. Ce jeune homme était né le 3 avril 1865 ; il s'est donc noyé précisément le jour anniversaire de ses dix-sept ans

Une adjudication a étê passée le 4 mai 1882 à  la préfecture pour travaux d'endiguement des passes de Bardouville et des Meules et pour fourniture de matériaux de Tancarville. Cette adjudication était divisée en trois lots :

1er Lot. — Endiguement de la passe de Bardouville ; dépense totale évaluée à 185,860 fr.
Trois soumissionnaires etaient en concurrence. A été déclaré adjudicataire, M. Emile. Silvestre, de Yainville, qui a souscrit un rabais de 12 p. 100. 
2e Lot. - Exhaussement de la digue sud de la passe des Meules; dépense évaluée a 270,750 fr.
Ces travaux ont été adjugés également par M. Silvestre, qui a ofiert un rabais de 5 p. 100.

Le 3e lot concernant Tancarville ne fut pas attribué.

Le développement de Claquevent est marqué aussi par la mise en service, en septembre 1882, du bac de Yainville. On vient de construire une cale au bout de la route allant du pied de la côte Béchère à la Seine, là où les pêcheurs embarquent de longue date.

Un arrêté du 27 septembre 1882 autorise Silvestre a établir deux appontements sur la berge moyennant une redevance annuelle de 25,75F. La concession est accordée pour 10 ans.

Sur ce plan de 1885, on voit que Silvestre est propriétaire de la majeure partie du site. M. Gossey, de Yainville conserve cependant une parcelle. Deux autres portent le nom de Delépine. Trois appontements sont figurés. L'un construit sans autorisation, deux autres que Silvestre demande à achever.

Silvestre se marie !

Emile Silvestre a maintenant 45 ans. Son père est mort à Duclair, sa mère y vit toujours. Sous son toit ne vit qu'une domestique, Marie Gueudry, de 12 ans son aînée. Célibataire engagé à fond dans ses affaires, il songe enfin à se marier. Le 10 octobre 1882, à Fécamp où vit sa promise, il prend pour épouse Suzane Albertine Bénard. Une rentière. Deux cousins de Silvestre furent ses témoins :  Emile Prosper Guéroult, propriétaire à Duclair, 74 ans et Octave Antoine Sécard, rentier de 66 ans, de Rouen.


C'est la seule représentation dont nous disposons à ce jour des carrières Silvestre. Cette gravure réalisée sans doute d'après photo montre les appontements figurés sur le plan. Le transfert des blocs de pierre se fait par wagonnets. Auparavant, il s'effectuait à la brouette.  Ce dessin fut reproduit en noir et blanc le 21 octobre 1882 dans le n° 2069 de l'Illustration.

En 1882, mon arrière-grand-père, Pierre Mainberte, est alors carrier. Le 5 décembre 1882, vers 6 h du soir, en traversant la passerelle qui va du quai à son bateau, Victor Joly, batelier de 22 ans, né à la Crique, tombe en Seine. Après une heure de recherches, un autre matelot retrouve son cadavre. Celui-ci sera transporté le lendemain soir à Heurteauville pour y être inhumé religieusement. Il s'était marié l'année précédente à Marie Honoré à Heurteauville où il demeurait. Il y eut enquête du juge de Paix et des gendarmes de Duclair et un jugement du tribunal ordonna de porter son décès à l'état-civil d'Yainville en 1883.

En avril 83, Silvestre fut retenu pour contribuer aux travaux de la passe des Meules par la fourniture de blocs et la confection de revêtements en béton. Il s'agit de reconstruire une digue et rétablir ses fanaux, un chantier réclamé depuis longtemps pour faciliter la navigation.

Silvestre élu maire !

Voilà 36 ans que Lafosse dirige les affaires du village. 36 ans ! En 1884, Silvestre qui était son adjoint lui succède à la mairie. Pour une décennie. Silvestre savoura, on s'en doute, cette victoire. Lui qui avait été un temps expulsé de sa carrière par Lafosse.

En juillet 1884, parmi 14 concurrents, Silvestre remporte le marché de la construction d'un quai en charpente à Duclair en proposant le plus fort rabais : 20% !

10 mars 1885. Silvestre demande l'autorisation de construire un talus de pierre le long de la Seine au droit de sa propriété. Accordé. Son terrain n'est en effet grevé d'aucune servitude de halage. Uniquement celle de contre-halage. L'ingénieur des Ponts & Chaussées y est d'autant plus favorable que la berge en question n'est défendue par aucune digue. L'établissement d'une perré maintiendra la rive et évitera les corrosions. Ce ne peut-être qu'avantageux à la navigation.

Encore quatre morts !

En avril, le corps d'un ancien pilote de Villequier, Gustave Gallien, est ramené par un pêcheur. Commence une série noire aux carrières.
Le 14 mai 1885, Louis Alexis Joseph, dit Bijou, monte à l'arrière d'un wagonnet en mouvement. On le lui a pourtant interdit. Un choc, et le malheureux ouvrier de 70 ans est projeté hors du wagon. Fracture du crâne. Bijou meurt quatre heures plus tard chez Frédéric Gosse, carrier de 37 ans. Natif de Motteville, il était veuf de Rose Adélaïde Deconihout.
Cette fois encore, la responsabilité de Silvestre, qui signe l'acte de décès, est dégagée. En revanche, note le ministère, le maire, bien que prévenu de l'accident (et pour cause !) a omis de prévenir le service des mines. On demande au préfet de le rappeler à l'ordre...


Le 17 juillet 1885, Adolphe Boucher, carrier de 62 ans, veuf d'une Néel de Jumièges, est retrouvé pendu dans sa maison. L'alcool... Gosse, son voisin, signe encore l'acte de décès avec Silvestre.

Le 26 juillet 1885, au passage de Boscherville, Levaillant et Lenfant, matelots à bord du bateau l'Alexandrine, des carrières Sivestre, déchargent de la vase provenant de la drague de Duclair. Tout à coup, la charge se porte sur l'un des côtés, le navire chavire. Si Levaillant parvient à s'accrocher au bateau, François Lenfant disparaît dans le fleuve. Célibataire, demeurant à Yainville, il avait 58 ans.

Les 3 et 7 mars 1886, devant maître Peschard, Jean-Baptiste Goubert, rentier à Jumièges, cède à Emile Silvestre la jouissance emphytéotique de deux portions de coteaux en carrières à Heurteauville, en face au passage de Jumièges, louées par les Religieux de Jumièges suivant acte signé chez Me Varanguien le 11 février 1788 et dont Goubert est comissionnaire selon un acte passé devant Me Leboucher le 18 mars 1830. Cette cession est consentie moyennant une redevance annuelle de 8,89 F payable à l'hospice de Rouen à compter de Pâques 1885. Pour la perception, la redevance a été fixée à 20F.

22 avril 1886. Victor Ferrand avait 61 ans. Il était le père de deux enfants établis. Était. Car dans la carrière d'Yainville, un bloc de détache. Et le tue. L'accident est le résultat "d'une de ces circonstances fortuites que la prudence ne permet pas d'éviter", estime l'Administration. Le Ministère prend note qu'aucune poursuite ne sera engagée. En revanche, on s'interroge sur le mode d'abattage employé dans toutes les carrières de la contrée.

Emile Silvestre accueillait sous son toit son beau-frère, Ernest Pierre Bénard, rentier de 45 ans demeurant à Fécamp et époux d'Emma Avisse. Quand il rendit l'âme. Silvestre et l'instituteur Milliot firent la déclaration à Levreux, adjoint.

Silvestre snobe les horsains...


En septembre 1886, E.B., du Trait, se plaint au journal Le Pilote : "Si vous n'êtes pas l'homme de M. le maire d'Yainville, c'est-à-dire si vous pensez par vous même, n'allez jamais vous plaindre du passeur de cette commune. Malgré le droit payé, on vous laisse errer comme une âme en peine sur l'une ou l'autre rive. C'est ce qui m'est arrivé la semaine dernière avec une voiture chargée de blé.
Ne voulant pas confier le chargement à un enfant de 15 ans, j'allais me plaindre à M. le maire de ce que le passeur était occupé à autre chose qu'à son affaire. Il me répondit : cela ne me ragarde pas, d'ailleurs vous n'êtes pas mon homme, faites comme vous pourrez.
Vous seriez bien aimable, Monsieur le Directeur, de m'indiquer à quelle autorité je dois m'adresser."

Sus au feu !


Est-ce encore un fumeur à l'origine de cet incendie ? Mercredi 10 août 1887, au Trait, un feu se déclare dans l'herbage du sieur Leroy, banquier de Caudebec. Il ravagera deux hectares d'herbes, trois parcelles de bois taillis et de joncs-marins avant de gagner la lisière de la forêt du Trait. Chéron, adjoint de la commune et Ledez, garde-forestier organisent des travaux pour neutraliser les flammes. Accourus sur les lieux du sinistre, les habitant du Trait et de Yainville  passeront une grande partie de la nuit à lutter contre l'incendie. Parmi eux : Emile Silvestre, le maire d'Yainville.

A cette époque, le télégraphe est en pleine extension. En tant que maire Silvestre demande l'installation de poste de télégraphie privée à la gare. Quant à la télégraphie pour la navigation, Yainville s'imposerait avec ses 500 mètres de mouillage contre 170 pour Le Trait.
En octobre 88, un poste est installé chez Mme Fleury.Elle portera les télégrammes et sera avertie par une sonnerie installée à son domicile aux frais de la commune. Comme Silvestre est le principal usager, il propose de prendre à sa charge les 20 F nécessaires. Quant au service de distribution, il est gratuit. Rosalie Louise Fleury va conserver cet emploi plusieurs années. Elle vit avec sa mère, Louise Petit, " gardien de phare" et sa grand-mère, Rosalie Coquin, rentière.

Janvier 89, Silvestre peste. On lui a volé des cordages. Ce sera pratique courante...

Le 5 mai 1889, c'est le centenaire des Etats généraux. L'occasion pour Silvestre de confier sa foi en la République tandis que la monarchie garde de beaux restes sur le plan politique.

Centenaire de la Révolution


Silvestre marquera l'anniversaire de la Révolution par des illuminations, une distribution de viande pour les pauvres, de jouets pour les enfants. Pour ça, il y va de sa poche en accordant un don de 60 F. Ce qui lui vaut un joli compte-rendu dans le Journal de Rouen :

La fête nationale a été célébrée à Yainville avec entrain. Le matin, M. Silvestre, maire, et Mme Silvestre ont offert une collation à 70 enfants de la commune et leur ont distribué des drapeaux et des jouets. A midi, un banquet tout fraternel réunissait le conseil municipal et les personnalités les plus marquantes de la commune. A cinq heures, tir national. Les prix dont plusieurs ont été offerts par M. le préfet, M. Waddington, député, M. Guéroult, conseiller d'arrondissement, M. Silvestre, maire ont vivement alléché les tireurs qui se les sont disputés avec une noble émulation­. Le soir, danses et illuminations.


En 1889, Silvestre préside à un mariage qui le réjouit sans doute. C'est celui de Jules-Albert Adville, le fils de ses anciens propriétaires. Il est domestique à Yainville et épouse Louise Marie Dezoide, originaire de Croixmare. Présent, le père du marié a 69 ans et demeure à présent à l'hospice de Rouen après avoir été cafetier. Parmi les témoins : Pierre Théroulde, un carrier yainvillais de 43 ans, beau-frère de la mariée.

Le 7 septembre 1889, Silvestre offre à vingt de ses ouvriers le voyage en train pour visiter l'exposition universelle. Ils sont accompagnés par Mme Silvestre.

Silvestre voit, en octobre 89, le presbytère se vider du dernier curé de Yainville, l'abbé Caron, parti pour Anglesqueville-la-Bras-Long. C'est le vicaire de Duclair, l'abbé Rivière, qui viendra desservir cette paroisse plutôt portée sur la religion. Quant au presbytère, il fera bientôt office de mairie.

En janvier 1890, la gendarmerie de Caudebec est sur la trace de l'auteur de vols de cordages commis au préjudice des sieurs Silvestre et Mauger, à Yainville et au Trait. Une amarre vendue au sieur Leroux, chiffonnier à Caudebec, les a mis sur la piste de Jules Tuvache, dit Labouiche, journalier de La Mailleraye et depuis peu à Caudebec...

TR1BUNAL DE POLICE CORRECTIONNELLE
DE ROUEN
Audience du 12 février 1890
Présidence de M. GODEFROY.
Vols sur des bateaux
Tuvache et NéeI , tous deux journaliers ont la spécialité de voler sur les bateaux. Ils s'introduisent à  bord pendant l'absence des patrons, et font main basse sur des cordages, des effets d'habillemeat et même des victuailles.
Ils ètaient cités hier l'un at l'autre en correctionuelle pour s'être livrés & ce genre d'industrie au Trait et à Yainville, au prejudice de MM. Cauvin, Mauger, Silvestre, Le fez et Barbey.
Seul  Néel comparaissait at avouait. Il a été condamné à quatre mois de prison. Quant à Tuvache, il avait cru mieux faire an faisant voile pour des plages ignorées, ce qui fait que le tribunal l'a condamné par défaut à six mois de prison


Silvestre a des libéralités pour l'école. il offre des livres. Avec son épouse, il organise un goûter le 14 Juillet et distribue lanternes, drapeaux, jouets...

En décembre 90 sévit un hiver rigoureux. Un bâteau de Silvestre est englouti par les glaces. On espère le renflouer...

Janvier 1891 : Henri Néel avait volé des cordages à Silvestre en janvier 89. Il écope encore de trois mois de prison.

Lundi 9 février 1891, 8h du matin, Brunier, un ouvrier carrier, charge de blocs de calcaire un bateau à la brouette. Un faux pas sur l'étroite passerelle, et il tombe à l'eau glacée. Ses camarades le tirent de là, Silvestre lui fournit des vêtements secs.

Le lundi 23 février, vers 7 h du soir, Ursule Groult, épouse Hamel, se présente au passage d'Yainville pour rejoindre La Mailleraye. Tout à coup, un homme se jette sur elle, la saisit fortement par les poignets et l'entraîne en direction d'un caillouteux ancré à la cale. La femme crie, alors son agresseur lui comprime la bouche. Mais voici que le mari arrive. L'inconnu prend la fuite. Seulement, le passager d'Yainville accoste à ce moment-là et reconnaît Gosselin, batelier chez Silvestre.

Silvestre a un secteur construction navale. Le 3 avril 1891, la veuve Persil, fermière du passage de Jumièges, expose au préfet que le bac, dont la construction est fort ancienne, ne peut plus être réparé. Elle demande la mise en chantier d'un neuf. Plusieurs charpentiers de navires sont sollicités. Trois répondent : Lefranc, de La Mailleraye, Silvestre à Yainville et Lemerre à Duclair respectivement aux prix de 2.800, 3.000 et 2.700F. Ce sera Lemerre.

Le 14 mars 1891, 8 h du matin. L'exploitation dite de Jumièges est une carrière située aux confins d'Heurteauville et du Landin. Un carrier de 55 ans, Ulysse Bien, y travaille pour le compte de Silvestre quand un bloc de pierre se détache d'une hauteur de 15 mètres. Crâne ouvert. Mort instantanée. Ou presque. On le dit mort à son domicile à 9 h.

En juin 1891, une enquête publique est ouverte sur l'emplacement du domaine public fluvial au niveau de l'endiguement à réaliser au Trait. Le commissaire-enquêteur est Emile Silvestre.

Le 16 septembre 1891, Silvestre, qui bénéficiait d'une concession de 10 ans pour ses deux appontements établis sur la berge prévient qu'il ne la renouvellera pas. Elle arrivera à échéance le 1er janvier 1892.  Les ingénieurs des Pont & Chaussées devront donc veiller à ce qu'il enlève effectivement ses appontements du domaine maritime et remette les lieux en leur état primitif. Silvestre devra payer jusqu'à l'achèvement total de cette opération.

Le 18 septembre 1891, à la préfecture, adjudication d'une digue formant le trou du Malaquis, en amont de La Mailleraye, en faveur de l'entreprise Silvestre pour 255.000F.

La fête de la Madeleine est célébrée à Yainville le dimanche 2 août 1891. Dans l'après midi, divers jeux sont proposés, de même qu'u concours de tir avec des lots offerts par le préfet, le sénateur Waddington, le député Lebon, MM Silvestre, Lamiré... A 7h les prix sont distribués au 10 lauréats : Gruley, Lecointre, C. Hébert, l'instituteur, Chepelière, Bavant, Lechevalier, Turmine, J. Séhet, P. Séhet et J. Mauger. Le soir, bal, feu d'artifice et illumination chez Grain, le cafetier.
Au Claquevent, Silvestre et son épouse ont une bonne en la personne de Mélina Testu, 22 ans. Il semblerait qu'il soit locataire de M. Avollée.

La noyade de Jules Bazille


Le 1er janvier 1892, Adolphe Savalle fut décoré de la médaille d'argent du travail. Un de ses jeunes collègues n'ira jamais jusque là...
Dimanche 27 mars 1892, le matin. Jules Bazille, ouvrier carrier de 24 ans, charge des blocs de pierre à bord du Charles-Alexandre, de Silvestre. Il tombe dans la Seine avec sa brouette et est entraîné par le courant. Le patron du Charles-Alexandre mène des recherches ainsi que Mauger, témoin de l'accident. Le cadavre ne fut repêché qu'une heure plus tard. Marié, Bazille venait d'accomplir sa période de 28 jours. Sa mère habite le hameau de Gauville, à Saint-Wandrille...

 Le 22 septembre 1892, Silvestre préside aux fêtes du centenaire de la victoire de Valmy et de la proclamation de la République. Élan patriotique du conseil municipal: "La victoire de Valmy est la première bataille gagnée par la Nation sur les souverains de l'Europe qui voulaient imposer leurs volontés aux Français et le prélude de belles victoires qui portèrent si loin et si haut la gloire de la République Française. Le 22 septembre est le centenaire de la proclamation de la République qui a régénéré la France et l'Europe et a fondé sur des bases de justice et d'égalité jusqu'alors inconnues dans notre pays la société moderne. Le conseil associe dans une même admiration les volontaires de 1792 et les députés de la Convention."

En 1892, le paton des carrières figure dans le dictionnaire biographique des personnalités du Département. Silvestre (Emile-Henri), entrepreneur de travaux publics, maire de Yainville (Seine-Inférieure), né à Yvetot, le 27 août 1837, honoré d’une médaille d'honneur de l’assistance publique en 1891 comme fondateur d’un asile de nuit rural et l’organisation de services hospitaliers en faveur de son nombreux personnel ouvrier. Dans son œuvre humanitaire, il trouve un aide généreux et dévoué dans sa digne compagne Madame Silvestre.

Il poursuit mon grand-père

Dimanche 19 février 1893. Mon grand-père Emile Mainberte a 20 ans. Et il est l'un des patrons des gribanes Silvestre. Son mousse n'est autre qu'un cousin, Alphonse Acron, 18 ans. Quant au matelot, il s'agit de Pierre Paresy, la trentaine, voisin de longue date de la famille Mainberte. Tous trois font main basse sur des cordages dans les carrières. Silvestre les assigne au tribunal correctionnel. Il sont condamnés le mercredi 15 mars 1893 à un mois de prison, sauf Acron, vu son jeune âge et les bons renseignements sur lui. On ne retrouve pas d'acte d'écrou de mon grand-père à Bonne-Nouvelle. Sans doute avait-il déjà purgé sa peine à la prison de Duclair.

Les naufragés de l'Emile 3


Dans la nuit du 1er juin 1893, à une heure du matin, la gribane Emile 3 est abordée par le steamer Count d'Aspremont.Le bateau anglais remontait à Rouen, guidé par le pilote Lemoine, de la station de Villequier. Le choc est si violent que la gribane, chargée de cailloux, coule immédiatement. David fit mettre aussitôt une embarcation à l'eau et des recherches furent menées durant une heure. Y avait-il du monde à bord du voilier ? On le craignait, car à l'arrière de la gribane était amarrée une barque de pêcheurs dont on ne retrouvait pas les propriétaires. Oui, il y avait bien du monde à bord. Deux jeunes hommes, un journalier et un matelot, le premier s'appelait Eugène Landrin, fils du patron de la gribane, l'autre Alexandre Latil, 43 ans, ancien enfant de l'assistance né à Rouen. On recherchait leur corps tandis que l'épave était renflouée. 
Le pilote Lecointe prétendait que le navire de Silvestre mouillait sans feux et caché par un bouquet d'arbre connu des marins sous le nom du Touffin. David, capitaine du Count-d'Aspremont affirmait en revanche que la gribane naviquait sous voile et éclairée. C'est du moins ce qu'écrivit dans un premier temps le Journal de Rouen. Courtier maritime, Henry Deshayes apporta un démenti. Dans son rapport destiné au consulat, David prétendait au contraire que la gribane était au milieu du chenal, tous feux éteints, dans un endroit très assombri. L'homme de bossoir ne la vit qu'au dernier moment. On retrouva finalement les corps quelques jours après la collision et ce fut l'inhumation.
Latil fut retrouvé le 5 juin au lieu-dit Le Parc par le charron Lebourgeois et le garde-champêtre Courel, de Varengeville. Les victimes, pensait-on, auront été surprises durant leur sommeil.
L'enquête établira que le navire de Silvestre avait alors ses feux réglementaires et navigants.

Novembre 1893. La gendarmerie de Caudebec arrête un conducteur pour défaut de lanterne. Il prétend s'appeler Silvestre, le fameux carrier d'Yainville. D'ailleurs, son nom figure bien sur la plaque de la voiture. Le lendemain, pris de remords, il revient avouer aux gendarmes qu'il s'appelle en réalité Honoré Vallois, cultivateur à Yainville...

Dans sa séance du 21 dec, la chambre syndicale des entrepreneurs de travaux publics de France accorde une médaille vermeil avec diplôme à Jean-Baptiste Duval et une médaille d'argent, diplôme et livret de caisse d'Eparne à Félix-Louis Félix, les deux d'Heurteauville, pour leurs bons et loyaux services chez Silvestre.

Disparition prématurée

Photo: Marc Ribès Le lundi 2 avril 1894, Emile Silvestre se rend à la préfecture de Rouen pour ses affaires. Il est dans le cabinet d'un ingérieur des Ponts-et-Chaussés quand il est pris d'un malaise. Admis à l'Hôtel-Dieu de Rouen, il meurt à 17h malgré les soins qui lui sont prodigués. Il n'avait que 56 ans. Maire d'Yainville, Silvestre était aussi délégué cantonal. Aussitôt, un télégraphe prévient la famille et le corps sera ramené à Yainville.

Le lendemain, à 15 h 15, deux hommes demeurant au 51 de la rue de Lecat, l'adresse de l'Hôtel-Dieu, vont déclarer le décès à l'hôtel de ville de Rouen. Il s'agit d'Honoré Vasseur, 55 ans, inspecteur et de Désiré Brisis, dépensier, 29 ans. Carpentier, l'adjoint, enregistre leur déclaration.

Le bureau du comité républicain du canton de Duclair appela ses membres à participer aux obsèques. Silvestre en était le vice-président. Le rendez-vous était fixé au domicile du défunt. Les obsèques auront lieu à Yainville le jeudi à 10h et quart. Le Journal de Rouen en fit ainsi la relation.

La commune d'Yainville vient de faire une perte irréparable dans la personne de son maire, Monsieur Silvestre, entrepreneur de travaux publics, délégué cantonal.
Ses obsèques ont eu lieu jeudi au milieu d'une affluence considérable. Non seulement toute la population avait tenu à rendre hommage à l'homme de bien qui, depuis dix-huit ans, administait la commune, mais encore de nombreux amis venus des communes voisines et de tous les points du département témoignaient par leur présence de l'estime et de la sympathie qu'avait su inspirer celui dont la commune déplore la perte.

Les cordons du poêle étaient tenus par MM. Lebon, député ; Renaud, chef de division, représentant spécialement M. le préfet de la Seine-Inférieure, empêché par la cession du Conseil général ; Guiard, ingénieur en chef et Dupont, ingénieur des Conts et chaussées ; Cusson, inspecteur primaire ; Morel, président du Comité républicain, du canton et Duval, doyen des ouvriers.

Parmi les personnes présentes, on remarquait les maires et les instituteurs des communes du canton, les membres de la délégation cantonale.


Le char, insuffisant pour recevoir les couronnes, était précédé d'une civière qui en était couverte. La magnifique couronne offerte par les ouvriers était portée par deux de leurs délégués.

   
Profané !

Durant la seconde guerre mondiale, la tombe d'Emile Silvestre fut profanée. Sans doute pensait-on y trouver quelque richesse. Mon père, Raphaël Quevilly, était alors élu d'Yainville et se chargea de la dépouille. Emile Silvestre, racontait-il souvent, était dans un étonnant état de conservation. Peu de temps après, il était liquéfié...

Sur la tombe, M. Costé, adjoint, profondément impressionné, a rappelé à la mémoire de tous les services qu'a rendus M. Silvestre à la population d'Yainville. Dans une improvisation élevée et touchante, M. Lebon, député, a retracé le passé de M. Silvestre qui fut un républicain de la première heure, il a envisagé son rôle philantropique, et dans une émouvante péroraison, il a associé à celui de son mari le nom de Mme Silvestre qui fut pour lui une collaboratrice dévouée et discrète dans l'œuvre qu'avait entreprise M. Silvestre pour le soulagement des infortunés de la commune.

Puis, après un hommage rendu par M. Morel à son regretté vice-président, un élève de l'école primaire a exprimé dans une forme simple et naïve, la douleur que cause aux enfants du pays la perte de leur bienfaiteur.

Cette cérémonie profondément touchante laissera dans l'esprit de la population d'Yainville un souvenir ineffaçable de l'homme de bien qu'elle vient de perdre et qui ne pourra être remplacé.

Patrice Costé succéda à Silvestre dans le fauteuil de maire. Costé habite près de Claquevent, dans la ferme où s'implantera plus tard la savonnerie. C'est aussi un entrepreneur avec un commerce de sable et de caillou...

23 août 1894. L'éco1e mixte d'Yainville a eu sa distribution des prix mcrcredi, sons la présidence du maire, M. Costé, qui a rapelé dans cette cérémonie le souvenir de son regretté prédécesseur, M. Silvestre. Mme E. Silvestre qui continue d'être la bienfaitrice de I'école d'Yainville avait remis a 1'instituteur pour achat en prix une somme de 120 fr dont une partie a été convertie en cinq livrets de 10 fr. chacun en faveur des éléves : Henri Chauvin, Martine Chéron, Eugène Cuffel, Ernestine Delestre, Amable Eloi qui ont obtenu cette année leur certificat d'études.

Le 31 décembre 1894, la mairie de Rouen rédige une copie de l'acte de décès de Silvestre destiné à celle d'Yainville. Celui-ci ne sera retranscrit que le 20 février 1895.

En mars 95, la veuve Silvestre obtient les travaux de consolidation de la digue nord en aval de Tancarville.

On sait qu'en mai 1896, la veuve a pour domestique Léon-Edouard Leroux, demeurant au Trait. Avec sa famille, il met en vente des parcelles sises près de la gare.

Le 1er janvier 1897, Hippolyte Persil, 
29 ans années de service, reçoit des mains de la veuve Silvestre une médaille d'argent ainsi qu'un livret de 100 F délivrés par la Société syndicale des Entrepreneurs. Des vêtements et des jouets sont remis ensuite aux enfants pauvres. La veille, les bambins avaient déjà décroché des présent lors de l'arbre de Noël traditionnel. Les carrières comptent quelque 80 ouvriers. Une vingtaine de navires à fond plat y ont leur port d'attache.

La veuve Silvestre poursuivie

10 mai 1897. Eléonore François Carron, 42 ans, est ouvrier carrier à Claquevent et demeure au Trait. Vers quatre heures de l'après-midi, il s'écarte de ses compagnons. Ils ne le reverront pas vivant. Vers 7h du soir, Edmond Carpentier, ouvrier carrier à Yainville et Philémon Caré, batelier au Trait, retrouvent le corps de Carron. Un bloc de 2 m3 lui a écrasé la tête. Ce que viendra constater le Dr Allard, de Duclair.

Le lendemain 11 mai, à midi, la veuve Silvestre déclare l'affaire à Patrice Costé en mairie. "L'accident parait être dû au déplacement d'une grosse pierre que le sieur Caron a voulu casser seul alors que ses compagnons étaient à 300 m de là... " Ce qui est contraire aux habitudes. Il n'y a pas eu de témoins.
La responsabilité de la veuve n'est donc pas engagée. Mais l'enquête administrative révèle en revanche des irrégularités dans la carrière : absence de clôture, défaut de déclaration. Des poursuites sont demandées...


Avec cet accident, la veuve Silvestre mit fin... à sa carrière en quittant Yainville pour Duclair.

Le 7 juillet 1897, elle achète à Albert-Auguste Guéroult ce que l'on appelle le château de Duclair, entre la Seine et la route de Rouen. C'est effectivement un château en briques dont la façade donne plein midi sur le fleuve. Il est flanqué d'écuries, kiosques et autres constructions... Ce fut la demeure des sieurs Léon Hachard, Victor Panthou, Deshayes, chargé des enfants assistés, Edouard Paul Bellest, Pierre Nicolas Roulleau, conseiller général maire de Villequier, chevalier de la Légion d'honneur. Bref, belle maison pour la veuve qui quitte ainsi Claquevent.

A Duclair, sa belle-mère qui était la doyenne du chef-lieu de canton, rendit l'âme le 28 octobre 1902 dans sa 91e année. La presse locale présenta Clémence Stéphanie Gouas comme "veuve de M. Emile Silvestre, ancien juge de Paix à Duclair et mère de feu M. Silvestre, ancien entrepreneur de travaux publics et maire d'Yainville." Par testament passé chez Touzé, elle léguait 500 F à l'asile des vieillards, 500 F au bureau de bienfaisance et 500 F à la commune de Duclair, à charge pour elle d'entretenir à perpétuité sa tombe et celle de son mari. Des dispositions qui vont inspirer sa bru.

En attendant, en janvier 1903, Mme Silvestre préside encore à une remise de galoches aux élèves nécessiteux et assidus de l'école mixte d'Yainville. Une tradition qui perduera après sa disparition...

Au château de Duclair, la veuve Silvestre terminera sa vie en compagnie de deux vieux serviteurs : Marie Adam, cuisinière native de Guerbaville, et Léopold Dutas, un domestique rouennais. Un jour d'octobre 1903, un certains Georges Boulanger, originaire de Bosc-Bérenger, comptable de métier, vient demander l'aumône chez Mme Silvestre. Comme la domestique la lui refusait, Bérenger la menaça de lui faire "bientôt son affaire". Il fut arrêté par les gendarmes de Duclair.
Le 24 décembre 1904, quand Georges Pioli, nouvel instituteur, offre une soirée instructive et récréative aux habitants, Mme Silvestre est encore là. La salle de classe peine à contenir tout le monde. Pioli donne une conférence intitulée "Expédition au pôle" sur fond de projections. Suit une saynète interprétée par les élèves : "De plus en plus fort". Enfin, deux jeunes gens firent un tour de chant désopilant.


Près de la salle des fêtes, la maison Silvestre, faite de quatre logements ouvriers.

 
Par testament passé en 1905, la veuve Silvestre légua à son tour à la commune d'Yainville les quatre maisons ouvrières situées au bourg mais aussi deux autres bâtisses et  une somme de 2.000 F. De l'argent allait encore à l'école, au bureau de bienfaisance et à l'entretien du monument funéraire de son mari.

Mme Silvestre fut promue déléguée cantonale en avril 1906. Elle était la troisième femme à accéder à cette fonction dans le département.
Une dernière distinction lui fut donnée en juillet 1907. Pour son engagement dans la mutualité, elle reçu la Médaille de bronze du Ministère de l'Intérieur.


Le panneau des établissements Silvestre était décroché depuis déjà quelque temps et on l'avait remplacé par celui des sieurs Guibert et Lamy. Mais en août 1907, quand elle mourut, Mme Silvestre était toujours présidente d'honneur de la société de secours mutuels d'Yainville. Eugène Guibert était son vice-président. A 72 ans, la Fécampoise léguait de nombreux dons à ses deux communes d'adoption : Yainville et Duclair. Les dons en faveur de Duclair

2000 F pour la commune, 2 000 F pour le bureau de bienfaisance, 2 000 F pour l'hospice, 1 000 F pour la caisse des écoles communales, 4 000 F pour la cantine scolaire, 300 F pou rla société de tir et les pompiers, 300 F pour la Société de musique. Le conseil municipal de Duclair émit des réserves pour le legs en faveur de la musique.

Ma tante Marie-Louise Mainberte disait avoir connu Mme Silvestre lorsqu'elle habitait encore sa belle maison blanche, à la carrière. Elle se souvenait aussi que les Baron "vivaient dans l'ancienne maison du sous-directeur, rouge celle-là. Les Baron tenaient un café à Rouen où s'était déroulé un drame. Depuis, Mme Baron nourrissait une peur maladive des hommes."

En 1908, la municipalité vota un crédit de 10 F pour un service religieux à la mémoire de Mme Silvestre.


LIENS




Sources


Jean-Yves et Josiane Marchand, archives départementales. Cotes: 3S115, 8S45. Journal de Rouen.
Délibération du conseil d'Yainville numérisés par Edith Lebourgeois et retranscrits par Laurent Quevilly
Jean-Pierre Derouard pour deux plans de carrière.



Annexe : l'armement Silvestre


Emile Silvestre possédait son propre canot d'un demi-tonneau, baptisé l'Emile et constuit à Yainville en 1878. Il fut armé en 1880. Mais voyons quelle fut sa flottille...

Dans les registres de matricule des bâtiments de commerce, Silvestre se déclare souvent comme étant le propre patron de ses navires. Il n'est pas certain que Silvestre ait déclaré tous les mouvements de ses navires ni tous les hommes qui les manœuvraient à l'administration. Certains de ses bateaux n'effectuent que quelques rotations avant de disparaître de la circulation.

L'Actif. Constuit en 1856 à La Mailleraye, du port de 20 tonneaux. Appartient d'abord à Hippolyte Dudon, de Villequier. Première campagne en 1857 à la pêche, patron Lefez. Puis au bornage. Passe à la navigation intérieure en 1873. Le navire a un homonyme : 

L'Actif. Constuit en 1865 au Havre, 20 tonneaux. Naviguait encore en 1883 avant d'être démoli.

L'Albert. Construit en 1870 à La Mailleraye pour le compte d'Auguste Sabatier, du port de 28 tonneaux, il fut racheté par Silvestre en 1888. Revendu à Guilbert en 1896 par la veuve Silvestre. Naviguait encore en 1902 avant d'être démoli.

L'Alexandrine. Construit en 1871 à La Mailleraye du port de 19 tonneaux pour le compte de Saint-Denis, à Heurteuaville. En 1880, navigue au bornage avec Sabatier pour patron. Vendu à Silvestre, à Elbeuf, le 20 décembre 1881. Il aura Agrest pour patron. Revendu à Guilbert en 1897.

L'Alphonse. Construit à Honfleur en 1870 pour le compte de Pierre Bénard, du Landin, 15 tonneaux. Bénard en resta le patron jusqu'en août 1887. Il coula en Seine en novembre 1887 et fut armé en circulation en 1888. On le voit naviguer jusqu'en 1893 avant d'être démoli.

L'Avenir. Construit à La Mailleraye en 1864 du port de 21 tonneaux pour le compte de Delafenêtre, de Villequier. Il a eu Monchrétien, Brumnt et Persil pour patron. Dépecé en 1873.

La Béatrix, contruit à Yainville en 1874 du port de 37 tonneaux. Vendu en 1897 à Guilbert. Revendu en 1908 à MM Voisembert Laubeuf et Cie avec quelques-uns des navires survivants de l'armement Silvestre. Rebaptisée le Raymond N° 1, naviguait encore en 1919. Voisembert et Laubeuf furent notamment adjudicataires de travaux d'aménagement du port de Rouen. Leur siège était à Biessard, en face de Grand-Quevilly. Là étaient exploitées d'importantes carrières figurant dans la série de cartes postales  "A bord du Félix-Faure". Il y avait aussi un appontement où accostait le Quevilly et un dépôt de prisonniers de guerre durant 14-18.

Le Charles-Alexandre, Sloop de 19 tonneaux constuit en 1860 à La Mailleraye, appartenant d'abord à Sostène Sabatier, de Yainville, vendu en 1876 à Cauvin, du Landin et en 1877 à Silvestre. Il désarme en 1878. En 1880, la gribane Charles-Alexandre est commandée par Pierre Onésime Persil, né à Caumont en 1828, un temps passeur du bac de Jumièges. Second patron : Pierre Arthur Mauger, né en 1843 à Saint-Pierre-de-Manneville. Matelot : Louis Lesieutre, né à Aizier en 1837.
Pierre
Arthur Mauger, fils Jean-Pierre, né le 23 juillet 1843 à Saint-Pierre-de-Manneville,
est patron à partir de novembre 1881 jusqu'au 9 janvier 1886.
En janvier 1888 commandée par Ernest Tranquille Mauger, matelot : son frère Louis Arsène.
En janvier 89 on trouve les trois frère Mauger à bord.
Commandé en février 1890 par Louis Arsène Mauger
, né à Mauny le 9 septembre 1853. C'est le frère d'Ernest Tranquille, le beau-frère de Pierre Delphin Chéron, capitaine du bac d'Yainville.  Matelot : Gustave Alfred Mauger, son frère, Edmond Brunet, né à Jumièges en 1872.
En 1891, Mauger comptait à bord Edmond Brunet et Pierre Guéroult,
matelot, né en 1853 à Jumièges
En juillet 1893, Louis Mauger est patron à la part sur le navire en compagnie de Pierre Toutain, né à Villequier. 

La gribane fut vendue en 1897 à Guilbert. Naviguait encore en 1900.


La Charlotte. Construit à Villequier en 1871. 13 tonneaux. Attesté en 1880, patron Durand, en 1881, patron Mauger, en 1882, patron Leroux. Désarme le 10 décembre 1883. Passe en navigation intérieure en 1884. Vendue à Guibert. On la voitnaviguer jusqu'en 1900. Puis rayée au motif qu'elle appartient à la batterie fluviale.

L'Emile 1. Construit en 1869 à La Mailleraye, du port de 19 tonneaux, patron Persil au lancement pour navigation au bornage. Passe à la navigation intérieure en 1876. Commandé par Léopold Courtois en décembre 1877, avec pour matelots Valentin Biette, d'Yville. Armé à la navigation intérieure le 12 janvier 1880.

L'Emile 1. Navire de 15 Tx construit en 1873 à La Mailleraye. En février 1891, Ernest Tranquille Mauger en est le patron avec Pierre Albat Parésy pour matelot. Vendu en 1897 à Guilbert, nouveau carrier d'Yainville. Rayé en 1926.

L'Emile 2. Sloop de 19 tonneaux construit en 1870 à Villequier. Navigue au bornage. Commandé en 1880 par Léopold Courtois, né en 1849 à Saint-Nicolas-de-la-Taille. Réarme à Rouen en avril 81. Il fut vendu en 1897 à Guibert, de Yainville. Il naviguait encore en 1912.

L'Emile 3. Gribane de 36 Tx construite en 1870 à La Mailleraye.
Patron Poullain au lancement, Persil en 72. Commandé en août 1880 par Isidore Deconihout, né à Jumièges en 1828. Désarme en septembre 81 et est armé en circulation quatre an. Réarme en juin 86 au bornage, patron Ernest Tranquille Mauger qui déserme en novembre. Repasse en circulation à partir de juillet 87. En avril 1890 et 91, en 93, Ernest Landrin, né en 1843 à Varengeville, enfant naturel, en est le patron au bornage avec pour novice puis matelot son fils Gustave, né en 1875 à Duclair. 1891 1ère série, p. 484 On verra bientôt que ce navire va faire l'objet d'un drame.
Le canot de la gribane fut construit sur place, à Yainville et armé de 73 à 79 à la pêche avec Le Vigreux pour premier patron.

Un Emile 3 appartenant à Silvestre, construit en 1870 à La Mailleraye, est porté sur les registres avec un port de 14, 40 Tx. On le voit circuler en 1886. Fut vendu le 1er janvier 1908 à Voisembert et Laubeuf et prit le nom de Lulu, sloop. Rayé de la circulation en 1926.

Un autre Emile n°3 du port de 19 Tx a été contruit en 1873 à Yainville.
Figure aussi parmi les bâtiments de mer. Il était commandé en 1878 par Charles Persil, né à Caumont en 1832. Matelots : son fils Hyacinthe et Pierre Masselin, né à Quillebeuf en 1837. Vendu à Guilbert en 1897. Rayé en 1926.

L'Eole. Construit en 1873 à Yainville, 19 tonneaux. Démoli en 1895.

L'E.S. C'est un petit bateau à vapeur contruit à Rouen en 1875 du port de 7,34 tonneaux avec un moteur de 10 cv. 1881 : patron Fichet au bornage. 1882 : patron Persil. 1883 : patron Lequesne. On le voit naviguer jusqu'au 5 mars 1884. N'a pas réarmé.

La Françoise. Construit en 1869 à La Mailleraye du port de 35 tonneaux. 1880 : patron Feraille au bornage. Désarme en octobre 82 et ne réarme pas.

Le Georges. Construit en 1861 à Villequier. 18 tonneaux. Vendu en 1897 à Guilbert. Rayé en 1926.

Le Gustave. Construit en 1861 à Villequier, du port de 18 tonneaux. Il appartint à Hurel, de Villequier, Billeraye, entrepreneur de Travaux, puis Silvestre. Inscrit en navigation intérieure en 1880. Vendu à Guilebert en 1897. Circule toujours en 1904. Rayé en 1926.

Le Henry Maria, construit en 1864, 22 tonneaux, La Mailleraye. On le voit naviguer jusqu'en 1884. N'a pas réarmé. Louis Séverin Deconihout et Gustave Savary, de Jumièges furent ses derniers patrons.

Le Jean-Jacques, 60 tonneaux, construit à La Mailleraye en 1884 pour Vossy, Caudebec, acheté par Silvestre. Porté à la matricule des navires de mer le 6 septembre 1888. Repasse en navigation intérieure. Encore armé en circulation le 15 novembre 1895.

Le Jules, canot construit à Rouen en 1875, 1 Tonneau, basé à la Mailleraye. En 1896, les patrons sont Philippe et Joseph Beyer, mousse, Sainsaulieu, novice, Henri Paul Bruneau. Tous Yainvillais. Armé à la pêche fraîche.

Le Jules Prosper. Constuit en 1859 à La Mailleraye, 20 tonneaux pour le compte de Félix Léon Vagnon. On le voit naviguer jusqu'en 1885.

La Louise Césarine. Construite à Caudebec en 1858, 23 tonneaux. A d'abord appartenu au sieur Toutaine. 1880 : patron Persil. On la voit naviguer jusqu'en 1884 avant d'être démolie.

La Madeleine. Bachot de 31 tonneaux construit à Yainville et francisé à Caudebec le 31 novembre 1887. Vendu en 1897 à Guibert. Navigue encore en 1904. Rayé, étant bâtiment fluvial, en 1926.

Le Marceau, gribane de 19,98 Tx, construite à La Mailleraye en 1870, patron en 1891 : Philippe Beyer, né en 1860 à l'île de Batz et inscrit au quartier maritime de Roscoff. Matelot : Pierre Guéroult. Le navire navigue entre Rouen, Le Havre, Pont-Audemer, Villequier, il transporte des céramiques, de la chaux, du sable... Beyer a servi sur différents navires en Seine. Il avait un frère prénommé Jacques.
En 1890, le navire appartenait à M. Boistelle. Patrons Hippolyte Chouquet, né à Honfleur en 1854 et Sylvain Neveu, né au Mesnil en 1838. Matelots : Louis Deconihout né à Jumièges en 1866 et Victor Chevalier, né à Caudebec en 1826.
1891 7P6_159 p. 381.
En 1895 et au 6 novembre 1896, Philémon Caré, natif du Trait est seul sur cette gribane armée par Mme Silvestre. Elle est vendue en 1897 à Guilbert.

Le Marguerite N°3 construit en 1861 à La Mailleraye. 19 tonneaux. Vendu le 1er juillet 1897 à Guilbert.

Le Marie-Augustine, bachot de 17 Tx construit en 1871 à La Mailleraye, commandé en janvier 1894 par Ernest Tranquille Mauger, matelot Alphonse Chevalier, né à Yville.
Au passage d'Yainville, le navire appartenait jusque là à Delphin Agnes, né en 1836 à Villequier. A bord : François Deshayes, de Jumièges, Victor Agnès, Alfred Marcotte, né à Guerbaville, Alphonse Lechevallier, né à Yville.
En janvier 1895, appartient toujours aux carrières Silvestre. Il est alors commandé par Ernest Tranquille Mauger avec Lechevallier pour matelot.
En février 1897, le bachot est propriété de Mauger. Il a pour matelots Victrice Mauger et Alphonse Lechevalier.
En 1898, les deux frères Mauger sont avec André Leveillard, matelot, né à Guerbaville en 1859.
En 1899, ils sont avec Lechevalier.
En 1900, c'est la veuve Mauger qui reste propriétaire du navire pour le transport de marchandises sur la Seine. Lechevalier devient le patron avec pour matelots Léveillard, Bonté, Alfred Cavé, né à Estouteville en 1873, Edmond Gontier, né à Bliquetuit en 1883.
En 1902, c'est François Vautier le patron, né à Guerbaville en 1868, second patron : Louis Lecomte, né en 1851 à Guerbaville, matelots Gontier, Louis Arsène Mauger.
En 1903, le patron est Louis Arsène Mauger, matelots : Gontier, Louis Poullain, né en 1882 à Sainte-Marie-des-Champs, Octave Sainsaulieu, né à Heurteauville en 1883.
En 1904, le patron est Lechevalier.
NB : Agnès possède aussi Le Victor, armé à la pêche à La Mailleraye avec quatre hommes. Désarme le 9 août 1895. N'a pas réarmé.

L'Oscar Ernest. Constuit en 1860 à Villequier. 29 tonneaux. Il appartint d'abord à Nicolas Hospice Laignel, de Vieux-Port. 1880 : patron Grainville. Désarme en octobre 82 mais on le voit naviguer jusqu'en 1885.

Le passager du Trait, navire de 5 Tx construit en 1850 au Trait. Il a d'abord appartenu aux carrières Cauvin. (Un Passage du Trait N° 1, même année, tonnage, lieu de construction a appartenu à Jean-Thomas Fleury, d'Heurteauville puis Adrien Prosper Bénard, du Trait, puis Neveu, syndicat de Duclair).
Le 2 janvier 1865, Le Passager du Trait est rebaptisé sous le nom de Passager d'Yainville.

Le passager d'Yainville.   Ex-passager du Trait, constuit au Trait en 1850, cinq tonneaux. Cette embarcation sera mise à disposition par Silvestre pour servir de bac.
1880 : patron Boulenger au bornage.
1881 : patron Chéron qui désarme en septembre 82.
1883 : patron
Louis Charles Guérin, né en 1816 au Trait. Matelots : Albert Clément Eliot, né à Duclair en 1844, Delphin Agnès, né en 1830 à Villequier.
Janvier 1885, patron Delphin Agnès, matelot Guérin et Louis Alexandre Agnès, novice.
Janvier 1886, patron Agnès, matelot Louis Guérin.
Janvier 1887 : patron Agnès, matelot Lesage, novice Félix Baillemont né en 1876 à Guerbaville, Louis Guérin, né en 1876 au Trait.
1888 : commandé par Agnès, matelot Lesage.
Commandé en 1889 et 1890 par Delphin Agnès, né en 1830 à Villequier. Matelots : Lesage et Deshays.
En 90,
matelots : Louis Lesage, né en 1873 à Jumièges, Victor Eugène Agnès, né en 1877 à Guerbaville.
On retrouve les mêmes en 91 mais le propriétaire semble être Noël Petit, adjudicataire du passage, postillon haut en couleur propriétair d'un voiture publique. On trouve en outre à bord François Deshays né en 1872 à Jumièges et Armand Lesage né en 75 à Berville.
Le 3 janvier 1892, le navire est armé au bornage avec Pierre Delphin Chéron, mon arrière-grand-père comme capitaine, Gustave son fils pour mousse et Lesage père et fils pour matelots. Noël Petit est l'armateur. Désarme le 4 janvier 1893.
Arme le 5 janvier 1893, patron Chéron. Désarme le 15 janvier 1894.
Arme le 16 janvier 1894, patron Chéron, désarme le 31 janvier 1895.
Arme le 1er février 1895, propriétaire Noël Petit, armateur du bac d'Yainville. Il est commandé par Louis Albert Sénateur Mauger. Matelot : Pierre Julien, né à Jumièges, par ailleurs matelot sur le bac d'Yainville, Emile Persil, fils du passeur de Jumièges, Victor Ernest Mauger, né en 1877 à Yainville, fils de feu Pierre et de Victoire Egret, matelot. Désarme le 31 janvier 1896.
Au premier février 1897, toujours chez Petit, le capitaine est Emile Persil, le fils du passeur de Jumièges, matelots : Victrice Célestin Mauger, né en 1873 à Heurteauville, de Arthur Pierre et Victorine Labarbe, Louis Viger, natif de Villequier, Auguste Delafenêtre, né à Canteleu en 1877. Désarme le 31 décembre.
Au 4 janvier 1898, est propriété de Emile Ruault, passeur d'Yainville, né en 1868 à Moulinaux, de Jacques-François et Marie Désirée Anquetil. Matelots : Adric Tocqueville, né à Caudebec en 1879, Louis Deconihout, né à Jumièges en 1831, Viger.
Au 1er janvier 1899, Ruault l'utilise bien pour le transport des passagers d'une rive à l'autre. Le second patron est Louis Deconihout. Matelots : Joseph Bonté, de Sahurs, Aldrince Tocqueville, de Caudebec. 
 En 1900, Ruault a pour matelots Bonté, Viger et pour novice Alfred Levreux, né à Hauville en 1882.
En 1901, les matelots sont Bonté, Viger, Anfry Recloze, né au Mesnil en 1881, François Deshays, né à Jumièges en 1872.
Janvier 1902, matelots : Bonté, Alexandre Caudron, né à Saint-Ouen-du-Breuil en 1885, Louis Deconihout, Eugène Lechevalier.
Janvier 1903 : patron Lévesque. En 1908 : Legendre. Lévesque reprend le patronnage en 1909. En 1910, c'est désormais Gustave Chéron. A partir du 6 décembre 1918, à nouveau Lévesque.On le dit démoli après 1926.

La Pauline Clémence. Construite à La Mailleraye en 1860, du port de 24 tonneaux. A appartenu à Pierre Aristide Levreux, de Quillebeuf, puis Denis Guérin de Vieux-Port avant d'être vendue à Silvestre. Elle a désarmé à Rouen en 1873.

La Petite Maria. Constuit en 1863, La Mailleraye, 20 tonneaux. Elle appartint successivement à Brière, entrepreneur à Caudebec, Sostène Sabatier, alors à Yainville, Cauvin, du Landin et enfin Silvestre. Navigue d'abord au bornage. Deconihout était patron en 1865, Beuriot à partir de 66. Navigation intérieure à partir de 1872. On le voit naviguer jusqu'en 1881.

Le Père de Famille. Construit en 1850 à La Mailleraye, 20 tonneaux. On le voit armé au bornage jusqu'en 1884. Louis Severin Deconihout, de Jumièges, en est alors le patron. Mais les registres de l'Inscription maritime délivrent trois navires du même nom et du même âge avec des carrières différentes. L'un d'eux appartient d'abord à Persil, de Caumont. Passe aux carrières Silvestre mais Persil en est toujours le patron. Aurait été dépecé en 1869.

Le Robert. Ce bachot de 53 tonneaux aurait été construit en 1896 sur le site des carrières d'Yainville pour la veuve Silvestre. Vendu successivement à Guibert et Voisembert et Cie pour les travaux de la Basse-Seine. Circulait encore en 1919. Rayé en 1926.

Le Rodeur. Chaland de 40 tonneaux construit en 1887 à Yainville. Circule en 1888 mais demeure inactif et est démoli.

Le Rose et Clara. Patache construite en 1857 aux Andelys du port de 17 tonneaux pour le compte d'Alphonse Barlet, de Villequier. Passa ensuite à Busquet, de Caumont puis Silvestre. Premier patron : Deconihout, Tuboeuf en 59, Persil en 60, Dossemont en 61 et 62, Durmé en 63 et 64. Thuiller de 65 à 70. Poursuir la navigation au bornage avec une pause de 73 à 77. Filleul patron en 77. Il fut démoli en 1889.

Le Rosine Clotilde. En 1850, Louis Benoit Dossemont réceptionne le sloop Rosine Clotilde, 47 tx. C'est le malheureux grand-père de l'écrivain Gabriel-Ursin Langé parti de Jumièges pour Villequier où il s'est manifestement noyé et j'en parle longuement dans mon livre L'ange de Jumièges.  Ce navire passa à Silvestre, le 2 septembre 1868.

Le Saint-Adrien. Constuit à Saint-Adrien en 1880, du port de 270 tonneaux, armée en novembre 1881, désarmé en avril 1882, patron Potin. A vérifier.

Le Saint-Pierre, construit en 1865 à La Mailleraye, 19 tx, pour Froc et Baville, de Villequier. Vendu ensuite à Silvestre vers 1879. Commandé de 1887 à 92 par Philémon Caré, né au Trait en 1850. On y retrouve Joseph Beyer comme matelot en 90.
Voilà encore des noms liés aux carrières. On peut y ajouter celui d'Albert Colignon, carrier, retrouvé dans un acte d'état-civil.

Le Stéphanie Clémence. Construit en 1875 à La Mailleraye du port de 46 tonneaux. Au bornage en octobre 1888, patron Landrin. Vendue à Guibert puis Voisembert et Cie en 1909, devient le Guy N° 9 et circule toujours en 1919.

Le Suzanne, bachot de 53 tonneaux construit à Yainville en 1886. En novembre 1887,  il a pour patron Ernest Tranquille qui réembarque avec Gustave Alfred Mauger pour second patron, matelot : Louis Albert Sénateur Mauger. Vendue à Guibert en 1897, elle fut soit démolie, soit vendue à Voisembert et Cie en 1909.

Le Tribly. Bateau non ponté de 1 tonneau construit à Rouen. Dit aussi le Boistelle, le Léon, selon les fantaisies de l'Administration. Il fut vendu en 1891 à Silvestre par l'entrepreneur Boistelle, de Caudebec. C'est un navire de un tonneau qui fut armé à la pêche fraîche le 28 juillet 1891. Beyer en est le patron en 1892, en 95 et 96. Natif de Roscoff, Joseph Beryer est voilier à Yainville. Théodore Sainsaulieu, natif de Rouen, est mousse.

Le Victor. Chaland de 44 tonneaux, construit sur place à Yainville en 1893. Vendu en 1897 à Guibert, puis le 1er janvier 1909 à Voisembert et Lambeuf. Il prend alors le nom de Paulo. Circule encore en 1919. Rayé en 1926, étant bâtiment fluvial.


Le Voltigeur, chaland du port de 27 tonneaux construit en 1867 à La Mailleraye pour le compte d'Alphonse Costé, de Villequier. Vendu à Silvestre le 21 novembre 1881 qui l'arme en juin 1883. En 1887 il avait pour seul marin Pierre-Augustin Toutain, natif de Villequier qui en débarqua le 25 avril 1888. Il coula en Seine le 25 avril 1889.
Il existe une autre version concernant ce navire. 1861 : Lancement du bachot le Voltigeur, 66 tonneaux, patron Loison, il en connaîra plusieurs alors que M. Costé de Villequier, en est le propriétaire. Il sera vendu à Silvestre le 21 novembre 1881 et dépecé un an plus tard, le 20 novembre 1882.

D'autres navires à Yainville

Les carrières Sabatier, elles, ont un sloop, Le Virgile, construit en 1857 à Saint-Valery-en-Caux. 56 tonneaux.
En 1887, l'équipage est breton et commandé par Yves Gérard, de Plouézec. Navigue jusqu'à Brest
Il est commandé en 1889 par Auguste Sabatier né en 1841 à Jumièges avec à bord Taillandier, Michel Cotty de Plouézoc'h, Louis Gautier, Pierre Simon de Plouénan, Ernest Tranquille Mauger, autre patron et son frère Louis, matelot.
Il est commandé en janvier 1890 par Ernest Tranquille Mauger. Matelots : Louis Albert Sénateur Mauger, son frère, Hippolite Chouquet, Eugène Hardel, Henri Paysant.
1881 7P6_159 p 130.
Ensuite
par Louis Denonihout, né en 1866 à Jumièges. Le matelot est son père, Louis, né en 1831.


Auguste Sabatier commandait en 1889 le SH (Service hydrographique de la Marine), construit cette année-là à Duclair du port de 15 tx. Il appartient aux Pont &  Chaussées.

L'Albert Alphonsine, construit en 1870 à La Mailleraye, du port de 28 Tx, commandé par Pierre Athur Mauger en 1877. Sabatier est à la barre de 1881 à 86 et la cède à Persil. Désarme en avril 88.

Le Roberte-Jeanne, 30 tonneaux, construit en 1890 à Rouen, commandé par André Léveillard.
(7P6_165 p . 188).

Le bac n°2 construit en 1859 à Duclair, 5 tx, appartient en 1878 à Auguste Sabatier, patron avec Agnès.

Le passager du Trait. Deuxième du nom. Construit à Yainville en 1885. Non ponté. Propriété en 1898 de Ruault, le passeur du bac d'Yainville. Commandé par Gustave Savary, né à Jumièges en 1846. Matelot Saturnin Cabot, né à Vatteville en 1849. En 99 et 1901, Savary est seul.
Le navire est racheté à Ruault en 1903 par Lévesque, passeur d'Yainville. Il assure le passage du Trait avec deux patrons. Savary et Pierre Julien, né en 1849 à Jumièges.

Le Clémentine, bachot de 58,67 tx construit en 1889 à La Mailleraye, appartenant à M. Lefranc. Les patrons sont Pierre Leroux et Gustave Mauger en 1889. Le patron en 1890 est Gustave Mauger, né en 1858 à Jumièges, frère des précédents. Mousse : Gustave Chéron, fils du capitaine du bac d'Yainville, autres patrons à la part : Antoine Troudé, né en 1834 à Guerbaville, Louis Boucachard, né en 1864, à Saint-Pierre-de-Manneville, Hippolite Chouquet, né en 1854 à Honfleur, novices : Victor Baillemont, né en 1874 à Guerbaville, Pacifique Perdrix, né en 1875 à Caumont, matelot : Albert Auber, né au Trait en 1872.