Par Laurent Quevilly-Mainberte

Photos : Marc Ribès



Jamais le mot fidèles n'a été autant justifié en religion. Après un demi-siècle d'abandon, l'église d'Yainville retrouva les siens en 1846. S'ils sont moins nombreux aujourd'hui, dix personnages s'y dressent en permanence, de jour comme de nuit...

Il faisait sûrement beau, le dimanche 22 juillet 1846. En tout cas dans le cœur des Yainvillais. Ce jour-là, Mgr Louis Brancard de Bailleul, archevêque de Rouen, vint bénir l'église Saint-André. Bancs, vitraux, fonts baptismaux, confessionnal, chemin de croix... Après un demi-siècle d'abandon, il fallut la remeubler entièrement. Les statues n'apparaissent pas dans les inventaires de l'ancien régime et post-révolutionnaires que nous avons pu consulter. En revanche, elles figurent  bien sur les premières plaques de verres prises à l'intérieur de l'église.

Un constat : Ces statues ont la bougeotte mises à part deux : saint André et saint Martin, arc boutés au pilier de la travée sous clocher, juste avant l'abside. Les autres ont souvent changé de place. Pour ne pas dire de fonction. Allant de l'autel aux fonts baptismaux ou se postant près du confessionnal. Ce qui montre que ce patrimoine n'est pas figé et évolue au gré de la volonté des paroissiens. Arrêt sur image en 2025...


A tout seigneur tout honneur. En pierre polychrome, datée du XVIe siècle, la statue de saint André est à la place d'honneur de notre collection, à gauche de l'Évangile. Elle garde l'accès à l'abside en compagnie de saint Martin, à droite. Représenté en évêque bâton pastoral en main et l'autre levée, Il incarne la charité et la sagesse pastorale

La vierge à l'enfant Polychrome datant de Napoléon III est dans une niche située à mi-chemin de la nef. Jadis saint Roch lui faisait face avant d'être déplacé au fond de l'église. Saint Antoine de Padoue l'a remplacé et tient lui aussi l'enfant Jésus dans ses bras. Natif du Portugal, mort en Italie, il porte l’habit des franciscains. Un noble, selon la tradition, l'ayant accueilli chez lui, il le surprit une nuit en extase, portant l'enfant Jésus. Patron des objets perdus et des causes pressantes, il reste l’un des saints les plus priés dans les églises rurales.

C'est la pièce maîtresse de notre collection de par son ancienneté: fin XIIIe. Au plus tard du XVe. Ce Christ assis et bénissant avec son calice est  à l'entrée de  la travée sous clocher. Il portait jadis le nom de St Jean gravé sur son socle. On lui a rendu son identité.
Figure de pénitence et de miséricorde,
Sainte Madeleine était jadis dans le chœur en compagnie de Marie. Elle surplombe  aujourd'hui le confessionnal au fond de l'église et nous parlons déjà d'elle à propos des vitraux de l'église.



Certains ont cru reconnaître saint Jacques le Majeur dans ce Pèlerin. Mais il s'agit bien de Saint-Roch en raison du chien représenté à ses pieds. Lorsqu’il contracta la peste et s’isola dans une forêt, le chien d’un noble voisin, nous dit la tradition chrétienne, vint chaque jour lui apporter du pain volé sur la table de son maître. Grâce à lui, Roch survécut. Il est symbole de fidélité, de secours providentiel, voire de charité animale C’est un pont entre le monde humain et le monde de la création, thème cher à la spiritualité médiévale. Dans les campagnes, l'image du pestiféré secouru par un animal touchait profondément. Roch est invoqué contre les maladies.
 
Près du confessionnal, Joseph tend une oreille discrète. Ce qui lui sied à merveille. Son attitude humble, sans attributs apparents, rappelle le protecteur de la Sainte Famille, un modèle d’écoute.


Portant des roses, emblème de son amour du Christ, Thérèse de Lisieux est vénérée pour sa simplicité et son intercession, par quelques plaques votives à son nom.
Enfin Marie, après avoir siégé avec Madeleine près de l'autel, prie silencieusement et symbolise la pureté près des fonts baptismaux qui marquent l'entrée dans la vie chrétienne.

La présence d'un  Jésus si ancien et du vieux saint André donne un lustre particulier à la collection yainvillaise. Si toutefois elles sont ici d’origine, ces sculptures, plutôt réservées aux édifices de plus grande envergure, témoignent davantage du rayonnement passé des moines de Jumièges que de l’importance de notre modeste paroisse
Ces statues donnent en tout cas une représentation équilibrée des figures chrétiennes : apôtres et évêques, saint guérisseurs ou protecteurs, présence féminine importante dans la piété populaire.
Du XIIIe au gothique tardif, de la pierre au plâtre, ces quelques statues donnent aussi dans un espace restreint et avec une économie de moyens, un bel aperçu de l'évolution de l'art chrétien. Elles méritent d’être protégées, connues, vues. Prenez le temps d’observer les visages, les gestes, les vêtements. Chaque détail raconte une histoire.


Laurent QUEVILLY.

Sur des photos de Marc Ribès