Par Laurent Quevilly-Mainberte

Photos : Mac Ribès



Abandonnée 50 ans, l'église d'Yainville fut rendue au culte en 1846 grâce à la ténacité de ses paroissiens.L'entreprise Cottard perça la nef de six nouvelles baies. Trois de chaque côté. Leurs vitraux...








Eduquer, orner, illuminer l'espace sacré... Telle était la vocation du vitrail médiéval. A Yainville, chacun d'entre eux présente une structure à la fois décorative et narrative de type néo-gothique. Un mouvement qui marque la restauration et la réouverture au culte de nombreuses églises abandonnées sous la Révolution. Plusieurs ateliers fonctionnent alors dans toute la France et bénissent Viollet-Leduc.
Un vitrail yainvillais est composé de plusieurs registres encadrés par des bordures géométriques et colorées. Le panneau central met en valeur une figure sainte. Il est encadré par des motifs ornementaux symétriques faits de motifs végétaux et de losanges entremêlés de bandes rouges, bleues et dorées. Ces éléments décoratifs forment une armature géométrique destinée à structurer l'ensemble du vitrail tout en valorisant la scène centrale.
Les figures représentées ? Egalité parfaite ! André et Marie-Madeleine sont présents chacun sur deux des six vitraux de la nef. Les deux saints qui se disputent le patronage d'Yainville réalisent le même score en ayant chacun leur statue adossée à un mur.

Un mot sur Saint-André ?

Saint André est représenté ici dans une posture d’écrivain, ce qui symbolise sa mission évangélique. Frère de saint Pierre, André fut l’un des tout premiers appelés par Jésus. Pêcheur en Galilée, il laissa tout pour suivre le Christ et devint apôtre, annonçant l’Évangile avec un cœur simple et ardent. Selon la tradition, il aurait évangélisé plusieurs régions, dont la Grèce et serait mort martyr, crucifié sur une croix en forme de X, qui porte aujourd’hui son nom : la croix de saint André.
Son culte s’est rapidement répandu, particulièrement en Orient, où il est très vénéré, notamment comme fondateur spirituel de l’Église de Constantinople. En Occident, il est aussi honoré, en Écosse par exemple, où il est le saint patron du pays et dont le drapeau en est directement inspiré. Son symbole, la croix en X, est devenu un signe de foi et de courage, rappelant son amour jusqu’au don total de sa vie. Saint André est ainsi une figure d’humilité et de fidélité, celui qui, le premier, a reconnu le Christ et a su le suivre jusqu’au bout.

Que représente la passion de Simon et saint André ?

Jésus, raconte Jean Le Bapstiste, marchait un jour le long de la mer de Galilée lorsqu’il aperçut deux frères, Simon, qu’on appellera plus tard Pierre, et André. Tous deux étaient pêcheurs et jetaient leurs filets dans l’eau, comme ils le faisaient chaque jour. Jésus s’approcha d’eux et leur adressa un appel simple mais puissant : « Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Sans hésiter, laissant derrière eux leur barque et leurs filets qui avaient jusque là équipé toute leur vie, ils se levèrent et le suivirent. Ce moment marque le début de leur vocation : un appel à quitter leur métier pour une mission nouvelle, celle de partager la parole de Dieu et de rassembler les hommes. Leur réponse immédiate témoigne de leur foi et du bouleversement intérieur provoqué par la rencontre avec le Christ.

Madeleine et Marie Madeleine, une seule et même personne ?


Madeleine, dite aussi Marie Madeleine, serait la disciple de Jésus devenue sainte. Mais historiquement, cette figure est le fruit d’une fusion de plusieurs femmes du Nouveau Testament. D'abord Marie de Magadelena, dite "l'apôtre des apôtres", d'autre part la pêcheresse anonyme chez Luc, associée à tort à Marie Madeleine à partir du pape Grégoire le Grand,
ensuite Marie de Béthanie qui, comme la pêchereresse de Luc, oint les pieds de Jésus et les essuie avec ses cheveux, enfin la femme adultère à qui celui qui n'a jamais pêché doit jeter la première pierre. Elle aussi n'est pas nommée mais confondue avec Marie-Madeleine

Qu'est-ce que la médiatation de Madeleine ?

Une attitude de silence, d’amour et d’écoute profonde envers Jésus. Elle se tient près de lui, attentive à sa parole, sans s’agiter, simplement présente. Par sa fidélité, même dans la douleur ou l’incompréhension, elle montre une foi qui ne cherche pas à tout expliquer mais qui demeure, confiante. Sa méditation est un cœur à cœur avec le Christ, une forme de prière silencieuse, fondée sur l’amour plus que sur les mots.

Le sens de sa présence au pied de la Croix ?

Madeleine se tient là, debout dans la douleur, mais présente. Elle ne fuit pas la souffrance, elle ne détourne pas les yeux. Son amour pour Jésus la rend fidèle jusqu’au bout. Dans le silence de cette heure tragique, elle n’a pas besoin de parler : sa présence est un cri d’amour, un témoignage de courage. Tandis que beaucoup s’éloignent, elle reste, elle espère, elle aime. Marie Madeleine, au pied de la Croix, est l’image de la fidélité qui ne recule pas devant la nuit, une femme qui choisit d’aimer même dans l’ombre de la mort.

Quel est ce groupe de personnes ?

Ce vitrail représente très probablement sainte Anne enseignant la Vierge Marie enfant. C’est une scène traditionnelle de l’art chrétien qui met en valeur la transmission de la Foi de mère en fille. Dans les représentations de l’enseignement de sainte Anne, Marie enfant est souvent entourée de plusieurs personnes pour plusieurs raisons symboliques. Sainte Anne, sa mère, est au centre de la scène, car elle transmet à Marie les premiers savoirs religieux, comme la lecture des Écritures et la prière.

La présence d’autres personnages — qui peuvent être des membres de la famille, des disciples, des anges ou des enseignants — souligne que l’éducation spirituelle est une démarche collective, soutenue par la communauté et protégée par le divin. Ces figures montrent aussi que la foi se transmet non seulement de mère en fille, mais aussi dans un cadre familial et religieux plus large.

Ainsi, cette multitude de personnes autour de Marie illustre l’importance de l’entourage dans sa formation spirituelle, ainsi que la dimension sacrée et communautaire de son apprentissage.

Enfin que dire de la Pucelle dans l'église d'Yainville?

Les représentations de Jeanne d'Arc en France sont beaucoup plus fréquentes en Normandie et en Lorraine, régions liées à son histoire, tandis qu’elles sont plus rares au sud de la Loire. La présence de Sainte Jeanne d’Arc sur un vitrail d’église dans la région de Rouen rappelle son lien historique fort avec la ville où elle fut jugée et martyrisée. Ce choix symbolise aussi le courage, la Foi et la mémoire locale, renforçant l’identité régionale autour de cette figure emblématique. Rappelons toutefois que parmi ses juges figurait l'abbé de Jumièges, Nicolas Le Roux, qui mourut peu après sa condamnation. Mais bien sûr, ce vitrail lui est bien postérieur.


Recueillli par
Laurent QUEVILLY.


SOURCE


Nouveau testament (50-100 ap. J.-C;)