L'oubli



Vous étiez de chez moi,
Et parce que vous avez dit,
Des mots comme là bas,
Des riens des presque riens,
Un quartier, une rue, un bal oublié.
J’ai entendu des rires,
J’ai reconnu des voix
Alors doucement je me suis réveillée,
J’ai remonté ce temps que j’avais effacé.
Pour qu’il devienne, enfin, réalité,
Réelle ou irréelle mais à toucher des doigts.
Mes yeux fermés s’ouvraient,
Pour tout retrouver et tout recommencer.
Nos échanges amicaux, jusque là, arrêtés,
Ont pu continuer, comme avant,
Des enfants innocents,
Qui se retrouvent après un si long temps.
Et reprennent sans changement,
Nos rires, nos délires et notre accent,
Qui racontent si bien les moments de bonheur
Mais de douleur aussi.
Puis tout s’est arrêté, comme dans un mauvais rêve,
Le silence est venu, a remplacé les rires
Il fallait une fin à ces moments si courts,
Où vous parliez de moi et je parlais de vous,
Où nous avons ensemble, juste pour quelques jours.
Effacé le présent, aboli les distances,
Construit des lendemains délicats et précieux
Légers, parfumés comme le souffle,
Effleurant un instant nos fronts réunis.
La vie nous a repris comme elle nous a donné.

 
Yvette PASCUAL


Quatre poèmes sur "Là-Bas"


Nos jeunes filles | Notre langue | L'oubli | 5 juillet 1962

Bonus

L’exil...

Partir il a fallu, effrayés et vaincus.
Vers ce bateau, où ils nous ont poussés.
Eux sont restés, certains malheureux
De nous perdre à jamais.
D’autres heureux, amère victoire,
Ont regardé, sans regret, s'éloigner
Ce long cortège de copains, amis, voisins.
Un adieu sans retour, assurés de leur droit,
Ce   pays ils voulaient, pour eux seuls garder
Toutes ces vies, toutes nos vies, effacées,
Nous devenions étrangers.
Las,  depuis, nos maisons sont occupées,
Nos souvenirs transformés.
Mes yeux d’enfant plus jamais ne verront,
Ces riens, ces beautés qui remplissaient ma vie.
Des nôtres ne sont plus, à l’espoir ils ont cru.
De pouvoir, juste un peu, effacer le passé.
Mais nous sommes encore là, 
La tête pleine de toutes ces choses vécues.
Et, malgré nos réussites, notre soif du demain.
Le cœur toujours meurtri  d’un mot « Algérie ».

                                              Yvette PASCUAL.

                                           Août 2006