Le 10 mai 1864, pour "la réunion des deux rives", le conseil municipal d'Yainville demande un service de bac à Claquevent Il lui faudra attendre encore un peu...
En 1867, le conseil municipal en est encore à demander "une embarcation permanente pour le passage de la Seine entre Yainville et Heurteauville."
Enfin, à compter du 13 novembre, le passeur du Trait, Louis Napoléon Neveu, est tenu d'entretenir une annexe à Yainville. En préfecture, les deux passages lui sont adjugés au prix de 1.500F de loyer annuel.
Alors, il réalise bien quelques passages. Mais se décourage. Il doit y placer un homme et un bateau. Et cela ne lui rapporte pas 1,25 F par jour. Du coup, le service est mal assuré. Voire pas assuré du tout. Du coup, le maire de Yainville, Jean-Augustin Lafosse, s'en plaint au préfet. Requête entendue. On présente à Neveu un cahier des charges sans ambiguïté pour le nouveau bail de 1868. Il doit assurer le service. Sinon !..
Seulement, Neveu s'entête. Ça ne rapporte pas un clou. En 1868, le passage de la barque d'Yainville, annexe du bac du Trait, est cependant confié à un certain Bocachard, "vieux pêcheur en mauvais état".
Dans le même temps, le passeur de Jumièges, lui, en profite pour résilier son bail en arguant de la "concurrence" que lui fait Yainville. Ce qui fait éclater de rire l'ingénieur des Ponts et Chaussée: "L'annexe de Yainville ne passe des voyageurs qu'en petite quantité!" C'est si vrai que le cahier des charges de 1870 ne prévoit son fonctionnement que de Pâques à la Toussaint. |
Le bac de La Mailleraye...
Le bac n° 1, du port de 7 tonneaux, construit à La Mailleraye en 1870, relie quant à lui Le Trait à Guerbaville. II fut armé pour la première fois le 2 septembre 1870, commandé par Onésime Aubert, son propriétaire. |
Yainville, passage principal
Début 1873, renversement de situation! Le chemin de grande communication allant d'Heurteauville à Saint-Vaast Dieppedalle est classé. Aussitôt, on stipule sur le cahier des charges du batelier du Trait: "Le passage principal sera transporté à Yainville dès que les cales destinées au chemin de grande communication n° 20 seront terminées."
La réalisation des cales fut adjugée à l'entreprise Silvestre. Le patron des carrières d'Yainville promit de fournir gracieusement les matériaux et fit don de terrains pour la réalisation des cales. Mais le projet fut mal tracé. Il fallut le rectifier avant de poser la première pierre...
Durant les travaux, c'est à 100 mètres du chantier, en amont, que fonctionne le passage pour piétons d'Yainville. C'est encore le cas en 1874. Jusqu'alors Delépine, un chaufournier de Claquevent, tolérait que les voitures traversent son terrain pour y récupérer les marchandises destinées au marché de Duclair. Mais depuis les dernières élections, il s'y oppose.
Cauvin succède à Neveu
Après Neveu, Cauvin est le fermier du passage du Trait et de l'annexe d'Yainville Son bail va du 18 décembre 1873 au 31 décembre 1878. Il s'élève à 950 F et ne bénéficie d'aucune subvention. A Jumièges, c'est Tabouret, à la Roche et au passage d'Yville, Brigaux, à Duclair et La Fontaine, Bellest.
A Yainville, les cales neuves furent terminées en juin 1875 par Silvestre. Aussitôt on en fit le départ pour les piétons. Rive gauche, il ne restait plus qu'à réaliser un dernier tronçon de route avant de faire d'Yainville le passage principal.
En attendant, mon arrière-grand-père, Pierre Delphin Chéron, fut sans doute le batelier du passage du Trait. En 1877, il est dit habiter le hameau à ce nom situé à Heurteauville lorsque Pascaline Mauger accouche d'un garçon.
En décembre 1877, le sieur Cauvin demande une révision de son bail. L'essor du marché de Routot a fait fuir les marchands qui se rendaient à celui de Duclair. De plus, depuis le 1er janvier 1876, la voiture publique de Rouen à La Mailleraye a cessé d'emprunter le passage du Trait.
C'est encore à Heurteauville que Pascaline mettra au monde un autre garçons en 1879, son mari étant toujours dit batelier.
Et le bac coule !
Le bac n° 2, cinq tonneaux, fut construit à La Mailleraye, pour Auguste Sabatier, de Yainville. Il ne navigue qu'un an à compter du 2 janvier 1878. Sabatier est patron mais aussi Delphin Agnès. Le bac fut perdu en Seine en 1879.
En 1879, Yainville délibère pour obtenir le bac du Trait dont la convention arrive a expiration le 31 décembre. La commune espère en tirer un profit de 400 F par an. Sur le bail des années 1880-1891, il est donc précisé : "Pendant la durée du présent bail, le service du bac pourra être modifié de la manière suivante: le passage principal sera transporté à Yainville où des cales ont été construites sur les deux rives dès que le chemin de grande communication sera ouvert sur ce point." | En mai 1879, le cardinal de Bonnechose effectue une visite épiscopale dans le canton. Le 23, à 3h et demie, la péniche des douanes attend Son Éminence au passage d'Yainville. Quatre vigoureux rameurs ne tardèrent pas à la conduire, pavillon flottant au vent, de l'autre côté du fleuve, chapelle du Bout-du-Vent. |
Fin juillet 1879, Émile, 19 ans, membre d'une troupe de saltimbanques dirigée par Henri Metbach, se rendit au Passage du Trait pour y faire boire et baigner des chevaux appartenant à l'Administration. L'un deux ne voulant se mettre à l'eau, il le chevaucha et le fit allez vers le fleuve à reculons. Quand la bête perdit pied. Notre équipage tomba à la renverse dans la Seine. Émile eut beau tenter de paralyser les mouvement du cheval en le saisissant par l'encolure, l'homme et l'animal furent entraînés au fond de l'eau. Leurs corps furent retrouvés plus tard. Cet accident eut lieu sur la rive traitonne...
Histoire du Passager du Trait
Retour en arrière. Construit au Trait en 1850, le Passager du Trait, du port de 5 tonneaux, a appartenu à Jean Thomas Fleury, d'Heurteauville (1854), Bouché (1858), Adrien Prosper Bénard, du Trait (1864), Neveu (1869), Cauvin, du Trait, enfin à Émile Silvestre qui en fera le bac d'Yainville.
Il a connu différents patrons : Jean-Baptiste Scolot, en 1854 et 55, Bouché (1857), Duramé le bien nommé (1858) avec Jean-Baptiste Eliot pour matelot. Édouard Duramé fut d'ailleurs repêché le 10 janvier de cette année-là par le douanier Briffault après le chavirage du navire. Il reprend cependant du service le 15 janvier et l'itinéraire du navire est ainsi précisé : "passage du Trait". On trouve ensuite trois patrons pour la saison 1860-1861 : Eliot, Marette et Duramé. Ce dernier reprend le commandement en 1861, Fréret (1862), Bénard (1864), Neveu (1869).
En septembre 1882, année où s'ouvre la ligne de chemin de fer, le Passager du Trait effectue à Yainville sa toute première traversée. Très vite, nos élus estiment que les cales devraient être renforcées par une contre-pente en amont. Le trafic moyen est de 30 voyageurs et de six voitures par jour. Mais le mardi, pour le marché de Duclair, on compte de quinze à vingt véhicules. Cette fois, le passeur de Jumièges peut vraiment crier à la concurrence. Ce qu'il fait en décembre. Quant au passeur du Trait, le voilà avec des piétons, annexé à Yainville.
Patron Guérin
1882 : Le 8 septembre 1882, Pierre Delphin Chéron débarqua et fut payé à Duclair. Il allait désormais de livrer à la pêche fraîche avant de retrouver le Passager dix ans plus tard. Pour l'heure, le 8 septembre 82, Louis Charles Guérin embarque à sa place, né en 1816 au Trait. Le 1er novembre, le navire arma sous le nom de Bac du Trait, propriétaire Silvestre, patron Guérin. Mais le titre de Bac sera rayé pendant ce nouvel exercice pour être remplacé par Passager.
1883 : désarme le 10 décembre avec les seuls Guérin et Eliot. réarme le 11 avec pour patron Guérin. Matelots : Eliot et Delphin Agnès. Dans dix ans, ce dernier fera l'objet d'un sandale. Le Passager va désarmer le 2 janvier 1885.
1884
: Le 28 mai,
le Pouyer-Quertier
quitte le port de Rouen pour réparer le câble
sous-marin acheminant les télégrammes entre Paris
et New York. Les
invités de Pouyer à ce grand départ
débarquent à Yainville. Un bac "conduit par des naturels du
pays" vint les chercher, écrit le Journal de Rouen.
Des voitures les emportèrent vers la ville, non sans
s'arrêter pour un dîner à
l'hôtel de la Poste. |
Juin 1884. Qu'est-il arrivé à Bobée, le patron du bac de Caudebec. De bon matin, une barque l'avait mené à son domaine en compagnie de son mousse, face à la maison de Bailleul, le maire. Il avait lancé la chaudière puis le mousse avait constaté sa disparition du bord. Suicide, chute ? Veuf depuis peu, ses deux enfants furent confiés à l'hospice. Son corps demeura quelques jours introuvables quand des marins le localisèrent au niveau de la gare. L'équipage du bac alla le repêcher. |
Le
Passager d'Yainville
1886, Le Passager d'Yainville désarme le 6 janvier et réarme le 7, patron Agnès, matelot Louis Guérin. Manifestement, Delphin Agnès ne fait pas l'unanimité En septembre E.B., du Trait, se plaint au journal Le Pilote : "Si vous n'êtes pas l'homme de M. le maire d'Yainville, c'est-à-dire si vous pensez par vous même, n'allez jamais vous plaindre du passeur de cette commune. Malgré le droit payé, on vous laisse errer comme une âme en peine sur l'une ou l'autre rive. C'est ce qui m'est arrivé la semaine dernière avec une voiture chargée de blé.
Ne voulant pas confier le chargement à un enfant de 15 ans, j'allais me plaindre à M. le maire de ce que le passeur était occupé à autre chose qu'à son affaire. Il me répondit : cela ne me regarde pas, d'ailleurs vous n'êtes pas mon homme, faites comme vous pourrez.
Vous seriez bien aimable, Monsieur le Directeur, de m'indiquer à quelle autorité je dois m'adresser."
1887 : Agnès toujours patron, matelot Lesage, novice Félix Baillemont né en 1876 à Guerbaville, Louis Guérin, né en 1876 au Trait.
Louis Lesage, en janvier 1888, habitait à 100 m du Passage. Il était le passager du Trait, affirme la presse locale. Il était carrier rectifie l'état civil. Souvent, sa fille, Joséphine, âgée de 2 ans et demi, allait le rejoindre et l'accompagnait dans ses traversées. Le lundi 9 janvier, sur les coups de 11h du matin, la mère de Joséphine s'inquiète. Armandine Lesage la recherche dans les cours attenantes, chez les voisins. Puis aperçoit avec effroi, flottant à une dizaine de mètres du bord, le corps de sa fillette. Elle hurle, crie au secours. Une petite barque est immédiatement détachée du bateau de Sabatier, exploitant de carrière. On recueille le corps de l'enfant mais il ne donne aucun signe de vie. Le Dr Maillard est alors à Heurteauville. On l'appelle en toute hâte mais il ne peut que constater le décès. L'enfant aura séjourné une dizaine de minutes dans l'eau. Émile Hébert, agriculteur voisin des Lesage, signe avec le père l'acte de décès.
1888 : le Passager d'Yainville
est toujours commandé par Delphin
Agnès, matelot Lesage. 1889 et 1890, patron Agnès, matelots Lesage et Deshays. Le jeudi 23 janvier s'abattit un ouragan commettant de nombreux dégâts en bordure de Seine. La rumeur courut que le bac de La Mailleraye avait sombré en portant secours à un canot à son bord. Il était manœuvré par Auber père et fils. Il n'en fut rien. |
Il existait une activité
de
construction navale à Yainville. En 1888 fut construit ici
le Maria Louisa, bateau non ponté d'un
tonneau qui fut exploité deux ans par Michel Norat
à La Mailleraye pour la petite pêche en Seine. Il
fut vendu en 1900. On signale aussi un cordier, Aimable Betembos, en 1885. |

Carte
de 1889. Le bac n'est pas à l'emplacement que nous lui
connaissons mais dans le prolongement de l'actuelle rue Julies-Ferry,
alors sente aux Gendarmes. Ce chemin longe ainsi le Grand-Marais. En
bordure de Seine, vers Jumièges, apparaît le feu
n°
21, face à la chapelle du Bout-du-Vent. Au Claquevent, le
café du Passage ne semble pas encore contruit. On voit trois
pontons établis par Silvestre. Des bouées
d'amarrage et un mât sont
indiqués.
1890, le Passager d'Yainville est armé le 9 février. Propriétaire : Silvestre, matelots : Louis Lesage, né en 1873 à Jumièges, Deshays, Victor Agnès, mousse, né en 1877 à Guerbaville.
En 1890 encore, un nouveau bac à vapeur est en projet entre Duclair et Caudebec. Il est revendiqué par La Mailleraye. Mais aussi Yainville qui a ses arguments. La commune a une gare de marchandises qui dessert Heurteauville et La Mailleraye.
1891 : Désarmé le 18 février. On retrouve les mêmes mais le propriétaire semble être Noël Petit avec en outre à bord François Deshays né en 1872 à Jumièges et Armand Lesage né en 75 à Berville. Noël Petit est une figure de la région. Postillon haut en couleur, il a une diligence basée en face du bac de La Mailleraye.
Au recensement de 1891, les deux fils d'Agnès, Victor 13 ans et Léon, 11, sont dits passeurs d'eau alors qu'ils sont encore en âge scolaire. Sous le même toit vit aussi Pierre Lefebvre, 20 ans, recensé comme passeur d'eau et ouvrier.
Le 1er mars, on rit sous cape. Les passeurs de Guerbaville, Albert Auber, 18 ans, et Alfred Marcotte, 22 ans, sont verbalisés pour ivresse publique. Du coup, le courrier n'a pu passer le soir...
En mars 1891, la construction d'un bac à vapeur pour La Mailleraye fut confiée au chantier Maillard,, de Rouen, qui avait livré le bac de Duclair. La chaudière de l'ancien bac de Duclair servira d'ailleurs au nouveau bac de Le Mailleraye qui devra être livré pour le 1er octobre.
En août 1891, Baudry, vannier au Landin, avait déploré le vol de sa serpette sur sa croisée. En février 1892, il la reconnaît chez le cafetier Leprince qui jure l'avoir achetée à Gustave Chéron, marin d'Yainville alors âgé de 15 ans. Gueudry porte plainte...
Le retour de Chéron
1892 : Le Passager d'Yainville est armé le 3 janvier avec Pierre Delphin Chéron pour patron. Propriétaire : Petit. L'équipage est composé de Armand Lesage, né en 1875 à Berville. Le mousse est le fils de Pierre Delphin, Gustave Chéron. A La Mailleraye, ils sont rejoints le 2 février par Louis Lesage, né en 1840 à Canteleu et qui remplace son homonyme.
En août Pierre Delphin Chéron est bien dit "passeur d'eau" quand il perd son jeune fils, Gaston, à Yainville.
1893 : Pierre Delphin Chéron commande le bac. Il désarme le 4 janvier et réarme le 5. L'armateur est Noël Petit. Le 20 avril 93, le Journal de Rouen se paye la tête de cette figure de la région.
YAINVILLE. — Une réclamation adressée au conseil général, au sujet du passage d'eau de Yainville par l'adjudicataire a été rejetée dans la session qui vient de finir. Pour quelles raisons ? nous ne saurions le dire à ceux qu'intéresse la question, c'est-à-dire aux habitants de la région desservie par ce passage d'eau d'Yainville, qui savent quo M. Noël Petit, s'en étant rendu adjudicataire an décembre 1892, moyennant une redevance annuelle de 350 fr., demandait au Département la résiliation de son contrat d'affermage en invoquant la concurrence du bac à vapeur crée quatre kilomètres plus loin, à La Mailleraye, cinq mois plus tard, et qui, au lieu de payer une redevance, est, au contraire, subventionné par le Département.
Cc que nous pouvons dire, c'est que c'est sur un rapport de M. Guerrand que la réclamation de M. Noël Petit a été repoussée et que personne n'a pris la parole en faveur du réclamant, pas même un seul de ses amis de la droite à qui cependant il avait recommandé son affaire. On n'est jamais trahi que par les siens, dit un proverbe décourageant. Non seulement le conseil général n'a pas voté la résiliation, mais il a voté un supplément de subvention au bac de La Mailleraye et les amis de M. Noël Petit n'ont pas davantage protesté. C'est à croire que tout le monde s'est mis d'accord pour penser que le passage d'Yainville ne s'en portera pas plus mal, cc qu'il faut souhaiter.
Le
scandale Agnès
Inculpé en juin 1893, Agnès, qui fut longtemps patron du bac d'Yainville, est jugé aux Assises en juillet pour attentats à la pudeur sur ses filles de 18 et 20 ans. Le 12 août 1892, jour de la mort de sa femme, Rose Désiré Troudé, il aurait fait venir à lui ses deux filles et là, en présence du cadavre, aurait cherché les faveurs de son aînée, Henriette. Marie, 17 ans l'accuse des mêmes attaques qui auraient été perpétrées un peu plus tard, vers septembre 1892.
Agnès, défendu par Maître Dieuzy, nie farouchement. Déchu de sa paternité, des circonstances atténuantes le conduisent en prison pour seulement cinq ans. Doit-on compter parmi ces circonstances le fait que l'année 1892 lui apporta quatre décès : ceux de son fils, sa femme et de deux petites-filles ?
1894 : Le Passager d'Yainville désarme le 15 janvier, réarme le 16. Pierre Delphin Chéron a 56 ans quand il marie une fille à Yainville, il est toujours dit "passeur d'eau" et son épouse cabaretière, sans doute le café du Passage. L'équipage est encore composé de Louis Lesage et Gustave Chéron mais on trouve en outre Émile Crevel, novice né en 1876 au Trait ; François Chéron, autre fils de Delphin, novice lui aussi enfin François Vautier, né à Guerbaville en 1868, matelot et Pierre Julien, né à Jumièges en 1849. Le Passager d'Yainville désarme le 5 janvier 1895. Après quoi, Pierre-Delphin et son épouse, Pascaline Mauger, sont allés s'établir à Duclair.
Patrons Mauger, Persil...
1895 : c'est Louis-Albert Sénateur Mauger le patron qui arme le 1er février. Il a pour matelots Pierre Julien, Émile Persil, Victor Mauger...
1896 : le bac
désarme le 31 janvier. Réarme le 1er janvier,
patron Mauger. 1897 : Désarmement le dernier janvier. Réarme le 1er février avec Émile Prosper Persil comme patron. Son épouse, Césarine Célestine Mauger, est dite cabaretière à Yainville. Victrice Mauger, Vigier et Delafesnestre sont matelots. Désarmement le dernier jour de décembre. |
Durant l'hiver 1895, à Rouen comme à Duclair, la Seine gela au point que l'on pouvait traverser le fleuve à pied. L'épaisseur de la glace atteignit les 2 mètres en certains endroits. Le bac resta ainsi bloqué plusieurs jours. On dit même que les ouvriers de Mustad purent faire un feu au milieu du fleuve. Plus loin, à la Mailleraye, une goélette coincée dans la glace coula... |
Patron Ruault
1898 : arme le 4 janvier. C'est désormais Victorien Ruault le "passager" titulaire d'Yainville, né en 1868 à Moulineaux, de Jacques François et Marie Désirée Anquetil. Employé aux Ponts-et-Chaussées à Caudebec, il obtient par adjudication les droits au passage d'eau d'Yainville et à l'annexe du Trait. Il s'acquittera pour cela d'une redevance annuelle de 195 F. Or Ruault voit passer les crises. Et moins d'ouvriers sur ses embarcations. Il demande sur la rive gauche une nouvelle cale d'embarquement à 300 mètres de celle existante, ce qui lui fut refusé. Le bac dut subir des réparations du 9 au 11 juillet. Désarmement le dernier jour de décembre.
Il y eut un incident durant l'année. Alors qu'il remontait à Rouen, le steamer Pictavia, s'échoua en Seine en face d’Yainville. On envoya un remorqueur de Rouen puis l'Abeille N° 8, du Havre. Il fut renfloué le soir du 13 octobre avec le concours d'une seconde Abeille. Le navire arriva à Rouen le 14 à 4h de l'après-midi.

Claquevent en 1889. On distingue l'hôtel Carré, une pension pour les ouvriers...

La cale du bac. A gauche se trouve le café du Passage tenu par mes grands parents, les Mainberte...
Désarmement le dernier de décembre.
1901, armement le 1er janvier, les matelots sont Bonté, Viger, Anfry Recloze, né au Mesnil en 1881, François Deshays, né à Jumièges en 1872.
1902, désarmement le 3, réarmement le 4, matelots : Bonté, Alexandre Caudron, né à Saint-Ouen-du-Breuil en 1885, Narcisse Albert Deconihout, né à Jumièges en 1845, Eugène Lechevalier.
Le bac subit la crise...
Le 18 mars 1902, Ruault écrit à l'ingénieur en chef de la navigation de la Seine. Par suite de modifications apportées dans ses chantiers, explique-t-il, M. Guibert, entrepreneur à Yainville, occupe beaucoup moins d'ouvriers. 25 d'entre eux, qui habitaient la rive gauche de la Seine, n'y sont plus employés. Ils ont donc déserté le passage et la perte est évaluée par Ruault à 700F par an. Ruaut demande donc encore une fois une remise de son fermage.
On remarque dans ses comptes que Ruault rétribue un marin à raison de 90F par mois. 30F de salaire et 60F pour la nourriture. Mais il fait appel chaque mardi (jour de marché à Duclair) à un marin supplémentaire qu'il paye 4F. Commentaire de Buignet, le conducteur divisionnaire : "On ne peut contester que le changement opéré par M. Guibert a eu une influence assez fâcheuse sur les recettes du passage et que la somme qui reste au sieur Ruault qui est constamment occupé au passage, où deux marins sont nécessaires, est faible pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille et à l'amortissement du matériel.
Il nous paraît difficile de revenir sur un marché passé, d'autant plus que les fermiers des passages d'eau ont, lors de l'adjudication, une tendance à ne pas s'inquiéter du prix du loyer, pensant obtenir une diminution quelque temps après. Le contrôle des recettes étant impossible, le service devant s'en rapporter aux intéressés, cela pourrait donner lieu, vu le grand nombre de passage, à des abus qu'il faut éviter.
On fausserait également le système des adjudications, les fermiers pouvant se contenter, suivant leurs aptitudes, à ce travail, de plus ou moins de bénéfice. La seule chose qui pourrait paraître équitable serait la résiliation, mais elle n'est pas demandée.
La situation est la même qu'en 1900. Le bénéfice accusé par le sieur Ruault est faible mais nous pensons qu'avec un peu plus d'activité, il pourrait augmenter le chiffre de ses recettes et arriver à un résultat satisfaisant."
Le 14 juin 1902, l'ingénieur ordinaire abonde dans le même sens: "La situation du passage d'eau d'Yainville n'est évidemment pas florissante et le début de l'année 1902 montre une baisse marquée des recettes. Quelque intéressante que puisse être la condition actuelle du fermier, nous ne croyons pas que cet état de choses puisse lui donner droit à une remise de son fermage qui constituerait un précédent regrettable.
La résiliation amiable serait une solution plus rationnelle, mais outre qu'elle n'est pas sollicité, on peut se demander s'il serait bien logique d'y avoir recours, le bail n'ayant plus que 18 mois à courir."
Le 11 juillet 1902, Ruault reprend la plume pour s'adresser cette fois au préfet. "Le nombre des ouvriers employés aux carrières de Yainville et travaux divers s'y rattachant, a diminué depuis 2 ans de plus de moitié..." La plupart, rappelle-t-il, habitaient Heurteauville. Résultat: les recettes de son fermage ont été amputée de 1000 à 12000F par an. Les recettes actuelles le mettent constamment en déficit et dans une position difficile. Du coup, "il se trouve dans l'impossibilité de pouvoir continuer le passage de Yainville aux conditions stipulées par son adjudication du 5 décembre 1897. Pour ces motifs, il vient prier monsieur le préfet de bien vouloir l'autoriser à résilier purement et simplement son adjudication du 5 Xbre 1897."
Le 21 août 1902, le conseil général émit un avis favorable à la résiliation du bail du passage d'Yainville au 31 décembre suivant.
Le Passager d'Yainville désarmera le 2 janvier 1903. Il va connaître un nouveau patron...
Laurent QUEVILLY.
Pour suivre: Gustave
Chéron ►
Sources
Jean-Pierre Derouard (Un passage de la Basse-Seine, Jumièges, Les Gémétiques, 1993, Bacs et passages d'eau, Berthout, 2003).
Archives familiales Chéron, Quevilly.
Le canton de Duclair à l'aube du XXe siècle, Gilbert Fromager.
Notes annexes

En 1868, à Duclair, Paul Savalle manœuvrait encore un bachot à rame de 13 mètres. 180 personnes ou 20 têtes de bétail pouvaient monter à bord. Durant la guerre de 70, il fut coulé. Sans moyen de le renflouer, Savalle demanda la résiliation de son bail. En 1888, chez Maître Hervieux, à Duclair, on pouvait acheter des actions au porteur du bac à vapeur de Duclair. Au mois de septembre fut en effet fondée une société anonyme au capital social de 40.000F. Pierre Delphin tient bon la barre, se joue des courants, tient ses horaires. Le mécano est aux machines, le chauffeur à la chaudière. Sur le pont agissent les matelots et leurs mousses. Les passages se succèdent de 8h à 19h en hiver, de 7h à 20h en été. La traversée présentait parfois des difficultés. D'une longueur de 18 mètres, 57 tonneaux, construit en 1873 à Rouen, l'un des plus fréquentés de la Seine. On y passe de gros tombereaux de foin, entre les prairies fertiles gagnées sur la Seine et les grosses fermes du Pays de Caux. Le jour du marché, les passagers s'entassent avec leurs paniers bondés.
En 1904, le conseil de Berville émit le vœu qu'un second matelot, résidant dans la commune, lieu de mouillage, fut affecté au bac de Duclair pour assurer le service de nuit en cas d'urgence. On demandait aussi des heures convenables pour le passage des gens prenant le train à Duclair.
Le bac de Duclair est doté d'une machine à vapeur de 30 cv qui fait tourner une roue à aubes faite de trois palettes en bois. Il arrivait que des troncs entravent le système. Alors, il fut recouvert d'une tôle de métal qui leur donna le profil d'une caisse à savon. accueille jusqu'à 120 passagers et huit véhicules. Avant la mise en service de ce nouveau bac, c'est tout juste si l'on transportait 250 voitures par an. Il en accueille 50.000 maintenant, 200 par jour!
15 novembre 1867, à une heure après midi, on a procédé, dans I'une des salles de la préfecture, a l'adjudication des bacs et passages d'eau établis sur la Seine dans le département de la Seine-Infërieure.
Ces droits de passage ont été adjugés dans I'ordre, aux individus et moyennaut Ie loyer annuel que nous indiquons ci-après
Fourneanx, à M. Fleury, à Orival, moyennant 5 ft. de loyer.-TourvilIe à Montreuil Pierre-Charles, 80 fr. — Port-Saint Ouen, à Baudu, de Gouy, 60 fr. — Saint-Adrien, à Revert, de Belbeuf, 100 fr. — La Mivoie, à Hérou, d'Amfreville, 40 f. - Eauplet, à Pelletier. 60 fr. - Haut du Val-de-1a-Haye, à Cotel, 40 fr. Saint-Vauhourg et Hautot à Victor Grosmesnil, 250 fr. — La Bouille et Sahurs, à Letailleur, 1,500 fr. -Saint-Georges, à Royer, 100 fr. — Duclair et aunexe de la Fontaine, à Savalle 3,800 fr. - Laroche et Yville. à Decaux. 20 fr.- Jumiéges,à Poullain, 480 fr.-Le Trait et Yainville, à Neveu, 1,500 fr. - Villequier, à Demarest. N'ont pu étre adjugés, fante de demandeurs, les passages de Freneuse, Bedanne, Croisset, Dieppedalle, Val-des-Leux et la Mailleraie. Manque Caudebec