Par Laurent
Quevilly-Mainberte
1946.
La guerre s'éloigne, une nouvelle centrale se profile.
Yainville
songe à s'équiper d'une salle des fêtes
mais aussi
d'un comité indépendant. Mon père s'en
chargera.
Avant de ramasser une veste...
La guerre est derrière nous.


Arrière-plan d'une photo prise depuis l'emplacement de la future salle des fêtes. Aucune construction ne s'élève encore entre la maison Beyer, qui fut un temps le presbytère d'Yainville et le café de l'église.
Voilà bientôt une décennie que mon père siège au conseil municipal. En janvier 38, il avait été nommé trésorier de la commission des fêtes. Avec ma mère, Andréa Mainberte, il est très proche des Colignon dont le chef de famille, Louis, conseiller municipal, est mort de tuberculose durant l'Occupation. Le couple fréquente aussi les Nouvel, les Kubista, les Conchis et bien d'autres...

Léguées par la veuve d'Émile Silvestre, carrier et maire d'Yainville, quatre maisons ouvrières font face à celle de mes parents, près de la mairie de l'époque. Sur cette image figurent Andréa Mainberte, ma mère, Odile Colignon et mon frère Jean-Claude
C'est en octobre 1946 que fut voté le projet d'une salle des fêtes en dur. On en est bientôt à débattre de son architecture. Derrière Passerel, le maire, les conseillers Quevilly, Gouard et Riaux s'opposent à une façade de style normand. Derrière Blaise, l'adjoint, Piot et Le Corre, pourtant Breton, sont plutôt pour... On se mit en tout cas d'accord pour solliciter l'avis d'un homme de l'art le sieur Pruvost, exerçant ses talent d'architecte rue de la Seille, à Rouen.
En 46, il existe alors une kermesse organisée par la Société de Sports et Loisirs qui avait été mise en sommeil avec la guerre. La commune la subventionne. Sous l'impulsion de Jacques Combe, cette Société va bientôt fonder l'USY.

1947 : les ambitions de Quevilly
Après de nouvelles élections, en octobre 1947, Raphaël Quevilly affiche ses ambitions face à Gaston Passerel. Quand la liste élue se réunit pour désigner le maire, mon père se présente contre le sortant. Raphaël Quevilly obtient triomphalement... une voix. La sienne !
Alors, il tente sa chance au poste d'adjoint. Là, il échoue d'un cheveu. six voix vont à Marcel Blaise, le sortant, ancien prisonnier de guerre, contre cinq à son challenger. Entêté, les prochains rendez-vous électoraux en tête, mon paternel ne se décourage pas : il se fait nommer dans trois commissions : bureau de bienfaisance, celle des travaux, et encore et toujours celle des fêtes où il siégera en compagnie de Georges Piot, Henri Beyer et Paul Le Corre.

La maison de mes parents, propriété communale. A droite, dans son prolongement, celle de Rachel Lefrançois, alors veuve et indigente. A l'arrière plan, on aperçoit la mairie. Ces maisons furent rasées dans les années 60.
Lors de la séance du 8 novembre 47, le dossier de la salle des fêtes revient sur la table. Et repart manifestement à zéro. Raphaël Quevilly est chargé par le conseil de rechercher les prix d'un bâtiment en dur... mais aussi d'un baraquement ! Bref, notre commune au budget serré hésite encore. En décembre, le maire est mandaté pour demander audience au préfet sur le sujet.
48 : vive la Révolution !
Menée par le maire, une délégation composée de Raphaël Quevilly, Henri Mezeray et Georges Piot va comme prévu exposer à Rouen son projet de salle des fêtes au représentant de l' État. Et le 19 mai 48, le conseil confie à Raphaël Quevilly la mission d'intervenir auprès de l'architecte "pour que toute diligence soit faite". 50. 000 F sont en effet votés pour la continuation des plans et devis.
On fête le 11 Novembre 48 par un dépôt de gerbe après messe suivi d'un vin d'honneur, illumination du monument et de la mairie. Puis c'est le Noël des enfants.
1949: projet d'école des filles
En mai, c'est la fête des Mères. Là, on leur offre une séance récréative suivie d'un vin d'honneur avec gâteaux. Ce sont les conseillers municipaux qui montent et démontent la scène, aidés du garde-champêtre. Les réjouissances ont lieu à l'emplacement de la future école des filles.
Juillet 49. On organise encore une fête des prix, le 14 Juillet avec des jeux divers sous des guirlandes, un dépôt de gerbes. La commission arrête le contenu de la Sainte-Madeleine et le niveau de la course cycliste.
Cette année 1949, Raphaël Quevilly est le seul conseiller à s'opposer à la construction d'un nouveau groupe scolaire sur le terrain communal sis à l'arrière de la mairie-école. Ses arguments : conserver l'endroit pour les fêtes. Il suggère un emplacement près de la cité EDF pour profiter du tout-à-l'égout. Mais n'y a-t-il pas une raison personnelle. Raphaël Quevilly est en train d'édifier une maison à proximité du terrain communal. Sans doute craint-il un voisinage bruyant à l'heure des récrés...
Mais le 18 décembre, un malheur frappe la famille Quevilly. Leur fils, né en 42, fait le bonheur de la maison. Et on a attend maintenant une fille. Hélas, la petite Catherine qui vient au monde ne survit pas.
A l'arbre de Noël des écoles, amère, mon père monte encore la scène. En plus du jouet, on distribue aux enfants une orange, un petit pain au chocolat et un cornet à la crème.
1950 : projet de comité
Dès le mois de mars, Quevilly, Piot et Le Corre sont chargés de rechercher des personnes susceptibles de constituer un comité des fêtes.

Avril 1950. Sente aux Gendarmes, actuelle rue Jules-Ferry, mon père construit seul sa maison sur un terrain vendu par Mme Dorléans. A l'arrière-plan, on aperçoit les baraquements d'urgence érigés en 1946.
11 juin 1950, fête des mères. On remet une enveloppe de 500 F à Mme Dubreuil.
C'est dans la séance du 17 juin 1950 que Raphaël Quevilly, et lui seul, fut encore chargé de rechercher les membres d'un futur comité des fêtes
En juillet, la fête des prix est fixée au 9 juillet à 15h. Le 10, si les finances le permettent, les enfants iront en voyage à Cayeux. Jeux divers pour le 14 juillet avec dépôt de gerbe, achat de guirlandes.
Nouveau Noël. Quevilly, Piot, Blaise et Le Corre montèrent la scène le samedi 23 décembre 50.
1951 : la salle des fêtes est lancée
A la fête des Mères, c'est Mme Thiollent qui reçut 1000 F. Les mères qui avaient assisté régulièrement à la pesée des nourrissons furent récompensées.
Deperrois était alors indemnisé pour sonoriser les fêtes yainvillaises. Leur calendrier ? La fête des Mères, le 1er Mai, le 8 Mai, les Prix, le 14 Juillet, la Sainte-Madeleine, le 11 Novembre, l'arbre de Noël.
C'est le soir du 29 juin 51 que fut adopté le projet de salle des fêtes à l'économie présenté par Percheron. Raphaël Quevilly vota contre en compagnie de Henri Beyer et France Marcilloux. Le projet fut donc adopté par Passerel, Blaise, Lévêque, Pourhomme, Charles, Piot, Le Corre. Mezeray était absent. L'entreprise Charles Tois et la Construction normande sont retenues pour l'exécution du projet.
Lors de la même séance, Beyer et Piot confirment leur démission de la commission des fêtes.

Le 4 juillet, en deux cars, accompagnés par Emma Conchis, Fernande Pourhomme et Louise Colignon, les écoliers iront à la mer à Houlgate.
Le 8, ce sera la distribution des prix.
Raphaël Quevilly, Paul Le Corre et Théophile Pourhomme furent chargés d'organiser la fête du 14 Juillet "en accord avec le comité des fêtes récemment créé", nous dit-on. Il faudra pourtant attendre encore deux ans pour qu'il soit officialisé. Le programme comprendra à 15 h un mat de cocagne, des courses d'enfants de la commune et jeux divers, une sonorisation mais pas de bal.
Toujours lors de la séance de juin 51, le conseil décida de transférer la mairie et ses dépendances dans la salle de réunion situé au-dessus de l'école. Cette même salle est sollicitée par Bellet pour les réunions de cellule du Parti communiste. Légal ? On se renseignera en préfecture.
20 jours après cette séance eut lieu un événement capital. Enfin pour moi. Je suis né le 19 juillet. A la maternité de Caudebec, ma mère ayant trop peur de renouveler sa triste expérience de 1949.
En octobre 51, on décide de confier la maçonnerie de la salle des fêtes à M. Bai. Elle sera placée "à 5m environ de la nouvelle limite du terrain communal." Bai est un entrepreneur établi à La Mailleraye, proche de la famille Macchi qui tient le café du Passage.
7 novembre 51. Après que ma famille ait quitté son logement communal pour sa maison neuve, rue Jules-Ferry, le conseil décide de confier au comité d'hygiène le soin de déterminer si cette maison pouvait être louée en l'état ainsi que celui occupé par Rachel Lefrançois.
Lors d'un séance suivante, 7 décembre 51, on voit cinq élus approuver sa location et trois voter contre : Georges Piot, Gaston Passerel, maire et... Raphaël Quevilly, à la fois juge et partie. Pour quelles raisons ? On croit comprendre que les trois hommes ont promis le logement à Rachel Lefrançois qui occupe depuis belle lurette le logement mitoyen.
1952 : l'affaire de la maison Rachel
Au conseil suivant, celui du 26 janvier, trois voix attribuent l'ancien logement des Quevilly à M. Dubois et deux à Lionel Lépron. Les trois élus opposés à la décision quittent la salle.
La commission travaux est chargée de visiter le bâtiment en question pour évaluer son état. Résultat : chez Mme Lefrançois, les plâtres, le toit et le pignon sont à refaire, un cellier vétuste et dangereux à remplacer. Trop cher crie la commission des finances. Seule solution : démolir la maison et reloger Rachel. Cette fois, ce sont les cinq conseillers opposés qui quittent la salle, à savoir Henri Beyer, Théophile Pourhomme, France Marcilloux, Jean Lévèque et Eugène Charles. Les quatre restant décident de louer à Rachel le logement laissé vacant par les Quevilly en attendant mieux.

L'intérieur
de la propriété communale dite "Maison Rachel".
Ma
mère, Andréa Mainberte, figure sur
cette photo.
Nouvelle séance. Le rapport de l'architecte Percheron sur les réparations à effectuer à la maison Rachel font qu'après deux tours de scrutin le projet est refusé. Maintenant faut-il louer le local vacant à Rachel ou Dubois ? Là, les votes se partagent à égalité. Alors, on attendra que le conseil soit complet.
Ce qui est le cas le 26 mars 52. Et là, les pro-Rachel l'emportent par 5 voix contre 3 et obtiennent même de la loger gratuitement. Un nouveau vote décide de la démolition de la maison Rachel, des réparations de celle qui restera...
Seul Raphaël est toujours contre l'édification du groupe scolaire près de chez lui. Il argue les avis contraires formulés par l'urbanisme, l'architecte et l'administration scolaire. Comme la population vient de rejeter le projet d'un nouveau cimetière par pétition, il propose un référendum. Demande rejetée. Du coup, une pétition sera aussi lancée sur le sujet. Mais elle déclarée nulle et non avenue.
Le 23 mai 52, Pourhomme et Piot complètent la commission des fêtes. On retrouve souvent Raphaël Quevilly en embuscade. Ainsi, lorsque le conseil décide de ne pas offrir de bouquet aux mères récompensées, il s'y oppose avec Henri Beyer.
1953 : création du comité des fêtes
En janvier 53, Raphaël Quevilly alerte le conseil sur des malfaçons dans le chantier de la salle des fêtes et retire sa confiance à Percheron. Le conseil le suit sur cette question tout en constatant d'autres défauts de construction.
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Le 14 mars, le
comité des
fêtes est officiellement créé.
Raphaël
Quevilly en est le président, secondé par
André
Bidaux et Armand Greux. Le trésorier est Gilbert Dumet, le
secrétaire André Raulin. Membre : Paul Le Corre.
Bref, c'est très connoté EDF.
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André Bidaux | Raphaël Quevilly | Armand Greux |
Mais les élections approchent. Le 19 avril 1953, l'association des sinistrés du Trait procède à celle de la duchesse du canton de Duclair, salle Léo-Lagrange. Celle-ci nous représentera à l'élection de la duchesse de Normandie. Deux orchestres animent la soirée. En l'appelant sur scène, Brétéché, maire du Trait, salue Raphaël Quevilly venu représenter le comité des fêtes. "Voici le futur maire d'Yainville". De la main, l'intéressé met un frein prudent à cette prophétie enthousiaste. Il n'a pas tort...

Président du comité des fêtes d'Yainville, Raphaël Quevilly est en retrait à l'extrême-gauche sur la photo. Sinon, on reconnaît Constant Paris, le marchand de meubles, Nicole Willemdoor, dame d'atour, Lilette Mayeu, la duchesse du canton qui participera à l'élection de la duchesse de Normandie, Liliane Enault, seconde dame d'atour, Martial Foret, Raymond Brétéché, M. Jouen.
Laurent
QUEVILLY.

Archives de Raphaël Quevilly : dossier conseil municipal., collection photographique.
Délibérations du conseil municipal d'Yainville, numérisation : Édith Lebourgeois, transcription : Laurent Quevilly.
La vieille maison : montage audiovisuel de Jean-Claude Quevilly.
Paris-Normandie, samedi 25 et dimanche 26 avril 1953, consulté par Jean-Claude Quevilly.
Recensements de la population d'Yainville.
Gilbert Fromager, le canton de Duclair 1950-2000, p. 57.