Ah, ces Normands de Paris ! Dans la capitale, ils restent des provinciaux. Dans leur pays, ils sont devenus des parigots. Suivons une famille de déracinés : les Mainberte...

On va le voir, quand les Normands montent à Paris, ils ne restent pas les deux pieds dans le même sabot. Du moins le même appartement. Les miens seront extrêmement mobiles mais restent groupés dans les mêmes quartiers.  En ces années 20, près de 100.000 Normands vivent alors dans la capitale. Ils ont leur journal, Le Normand de Paris et un certain régionalisme joue sa petite musique de fond à qui veut bient tendre l'oreille. Les enseignes de quelques cafés leurs rappellent la verte province. La gare Saint-Lazare les ramène parfois au pays. Bientôt la route et la voiture neuve...

En 1926, nous avons vu tous les Mainberte en Normandie. Sauf Andréa qui échappe aux recensements. Marguerite et Marie-Louise sont à Yainville, Thérèse, Emile et Raymond à Boscherville. Bref, la famille reste cantonnée dans le triangle d'or des abbayes du cru.

Dans la capitale, une cousine sera en quelque sorte leur tête de pont : Denise Lemaréchal, née à Yainville en 1898. Après avoir été paraît-il mannequin, Denise dirige un salon de couture au N° 26 de la place Vendôme. Son atelier est au dernier étage de l'hôtel de Nocé qu'occupe le joallier Boucheron à l'angle de la place et de l'amorce de la rue de la Paix. Mais elle ne semble pas habiter là. 

Sa sœur Lily, encore recensée comme modiste à Yainville en 1926, la secondera bientôt. Les parents des sœurs Lemaréchal ont également quitté Yainville vers 1925. Georges, le père, est porté sur les listes électorales de 1932 à Asnières. On lui donne la qualité de manœuvre. Sans doute à l'usine Chausson. L'adresse est 80, boulevard Voltaire. Un numéro absent du recensement de la population en 1931. En 36, le 80 y figure bien mais sans les Lemaréchal.

Très soudés par la mort prématurée de leurs parents et leur déracinement d'Yainville à Boscherville, les Mainberte et leurs cousins forment un clan. Les filles papillionneront entre la restauration, la couture et la conciergerie, en revanche les hommes, ceux du noyau dur, travailleront tous dans la même branche : la production d'électricité.

Thérèse Mainberte

L'aînée des Mainberte est localisée dès le 15 mars 1927 avec son époux dans le 17e arrondissement de Paris, 83, avenue de Clichy. Deux devantures encadrent la porte d'entrée. L'immeuble compte six étages dont le dernier mansardé. Très marchande, l'avenue de Clichy est l'artère des Nouvelles Galeries et du bazar des Batignolles, on y trouve la gare du train de ceinture, une station d'autobus, le théâtre Moncey... 
Boulanger avant guerre puis marinier après l'Armistice (marnier, nous dit l'Armée !), Jules sera peintre en bâtiment à Paris où il aura pour employeur l'entreprise Legendre.

Les cousines Chandelier

Venues également de Boscherville, on retrouve aussi les deux cousines Chandelier à Paris. Simone habite le 83, avenue de Clichy où Thérèse et son mari ont posé bagages. Simone se marie le 20 octobre 1928 avec Joseph Quémerais à la mairie du 17e et déclare cette adresse.

Mariage Quémerais-Chandelier, octobre 28. Au 1er rang, Joseph Bailly, témoin, et son épouse, Joseph Quémérais et Simone Chandelier, Raoul Chandelier et Suzanne Chéron.
2e rang : X et X, Luciennes Lemaréchal et Gaston Quémérais, Andréa Mainberte et Hjoerdis Topp.
Au 3e rang : Eva Chandelier, Roger Lamarche et Thérèsqe Mainberte, sans son époux.
Les frères Mainberte sont absents de même que Marie-Louise et Marguerite.


C'est  toujours au 83, avenue de Clichy que le couple nouvellement formé s'installe. Deux jours après le mariage, on apprend qu'un locataire de l'immeuble, Raoul Deboux, tombe du marche-pied d'un train en marche, gare de l'Est. Grièvement blessé à la tête, on le conduit à Lariboisière.
En 1931, Joseph est toujours au 83. Il est ouvrier ajusteur chez Hermann. Mais son épouse et sa fille sont rayés du recensement et dits absents du domicile. Notre clan familial fonctionnera souvent ainsi. On investit un lieu en se serrant les coudes. On y fait venir des proches quand on le quitte...

Le 25 avril 1929, Eva Chandelier, sœur de Simone, sténo-dactylo, déclare la même adresse quand elle épouse un inspecteur d'assurances, Roger Lamarche, qui habite quant à lui une rue toute proche, celle de la Condamine. Eva quittera l'avenue de Clichy pour suivre son mari.


Le café des Carrières


Selon ma cousine Solange Mainberte, Thérèse tiendra peu de temps un café à Charenton où la résidence du couple Bruneau est attestée, le 23 mai 1929, au 69, rue des Carrières. Tenir un café suppose une mise de fond. Thérèse n'était peut-être qu'employée dans un estaminet. Ses sœurs l'étaient bien au restaurant Fritz Kobus à la même époque. Selon Solange, en 1929, Thérèse a sous son toit sa plus jeune sœur, Andréa.

Le 17 mai 1930, Jules Bruneau est témoin du mariage de sa belle-sœur, Marguerite Mainberte, veuve Guillaumet, avec un Espagnol, Pascual Arquès. L'acte de mariage domicilie bien Jules à Charenton sans préciser l'adresse exacte. Mais, le couple Bruneau va bientôt se séparer...
Le recensement de 1931 ne fait pas apparaître le 69, rue des Carrières, à Charenton. On passe du n° 67 au 71. Oubli ? Démolition ?

Jules Bruneau est localisé par l'Armée 86, rue des Archives, le 14 juin 1932.
Est-il encore avec sa Yainvillaise ? Le divorce fut, dit-on, prononcé à l'insu de l'épouse par jugement du 29 mars 1934.
Entre temps, Thérèse et sa sœur Andréa vécurent vers 1933 tout près du métro Saint-Mandé-Tourelle.

Nouvelle vie et mort de Bruneau


Après avoir divorcé de Thérèse, on retrouvera Jules Bruneau au 95, boulevard Bessières, dans le 17e, à la date du 5 novembre 1935. Le recensement de 1936 nous apprend qu'il y vit avec une femme de 14 ans son aînée, Alice Bonnard, veuve Rémond, née en 1882 dans le 11e arrondissement. Il l'épouse le 23 mai 1936 à la mairie du 17e devant Michel Schwenck, l'adjoint au maire. Deux femmes pour témoins : Henriette Lebourg, couturière à Boulogne-Billancourt et Marie Frachisse, sans profession, 44, rue des Batignoles.

La nouvelle vie de Jules Bruneau sera brève. Il mourra le 16 août 1938 à l'hôpital Broussais. Stanislas Hélène, employé de l'hôpital, déclara le décès à Ferdinand Beaudelot, adjoint au maire du 14e arrondissement, chevalier de la Légion d'honneur.

Cette séparation fut un drame pour l'aînée des Mainberte. En 36, on retrouve Thérèse avec sa jeune sœur Andréa, alors couturière, de 16 ans sa cadette et considérée par l'agent recenseur comme chef de la maison. Elles habitent toutes deux au 9 de la rue Jeanne-d'Arc, à Saint-Mandé.

Le truculent Rémy Constans



Quand ma mère quittera Saint-Mandé pour Yainville, un homme aura pris pleinement sa place auprès de Thérèse : Rémy Constans. Thérèse sera ensuite concierge 3, rue Grandville, à Saint-Mandé où elle se remarie le 26 avril 1941 avec son compagnon, mon parrain. Alors âgé de 43 ans, il exerçait la profesion de chauffeur-livreur à l'entreprise Brossette. Nous étions sous l'Occupation. Natif de l'Aveyron, mon parrain est un personnage truculent qui aurait pu donner la réplique à Jean Tissier ou Jules Berry. C'était un héros de la guerre de 14 cité à l'ordre son régiment. Sa naissance avait été déclarée en mairie par le carillonneur a la mairie de Montbazens. Fils d'un cordonnier monté à Paris, il épousa d'abord sa voisine qui exerçait la noble profession de doreuse, rue du Chemin-Vert. En se mettant à la colle avec Thérèse, il lui redonna le sourire.
La première vie de Rémy


Cordonnier de Montbazens, Adrien Frédéric Constans alla déclarer deux jours plus tard la naissance de son fils Rémy en mairie. Les témoins furent Joseph Bugel, 69 ans, carillonneur et Antoine Séguy, 67 ans, cultivateur. La mère, Appolonie Vernet, avait 34 ans.

Rémy réside chez ses parents dans le 11e arrondissement, 45 et 47 rue du Chemin-Vert, lorsqu'il est incorporé, le 11 janvier 1916, au sein du 3e bataillon de chasseurs à pied comme 2e classe.
C'est un homme de 1,61m, le front haut, les cheveux noirs, les yeux marrons, le visage ovale et le nez aquilin. Il passe au 11e le 16 mai 1917. Le 25 janvier 1918, il est blessé à l'aisselle droite à Vieuport en service commandé. Il est cité le 24 novembre 18 comme "fusil d'élite plein d'énergie et d'allant, s'est particulièrement distingué au cours des opérations du 18 au 30 septembre 1918. Le 14 mars 1919, il passe au 19e escadron du train et termine sa campagne contre l'Allemagne le 10 octobre 1919. Décoré de la Croix de Guerre, il aura bien-sûr sa carte du combattant.

Rémy est dit chauffeur au moment de son mariage,  le 1er mars 1924, et son père cordonnier. Son épouse, Edith Bauduin est sa voisine, doreuse de son état au 49 de la rue du Chemin-Vert. Le mariage eut lieu en présence du père de Rémy Constans et de Philomène Bauduin, sans profession, 4, passage Thiéré. Edouard Perré, adjoint au maire du 11e arrondissement, scella l'union.
Après son mariage, Rémy s'installe chez son épouse au 49 de la rue du Chemin-Vert. Au recensement de 1926, Edith Bauduin est sans profession. Rémy chauffeur. Ses parents résident toujours au 47 son père cordonnier et sa mère concierge. Il vivent avec une couturière, Suzanne Levet. En 1931, Rémy et Edith restent sans enfants et sont à la même adresse avec tous deux la profession de journalier.




Dans les années 30, après ses belles-sœurs, Thérèse devint concierge rue Grandville, à Saint-Mandé. Elle y sera encore 40 ans plus tard...

Comme les autres Mainberte, Thérèse reviendra épisodiquement au pays. Le 4 juillet 1943, elle apparaît sur une photo prise dans une ferme de Saint-Martin-de-Boscherville en compagnie des Deshayes. Le couple Constans alla bien-sûr rendre visite à Andréa et Raphaël Quevilly, à Yainville. Ils durent loger chez Louise Colignon.


 Quelques jours avant la Libération, la nuit du 22 juillet 1944, 19 petites filles de l'Orphelinat situé tout à côté de la loge de Thérèse, au 5 de la rue Granville, sont arrêtées et par Aloïs Brunner, menées à Drancy et déportées. A Auschwitz, Thérèse Cahen, 46 ans, directrice du Centre, refusera de quitter les enfants  et de passer dans la file des "aptes au travail".Seule Rosette Kromolovski échappera au gazage. 

Il paraît que mon premier long voyage fut pour Saint-Mandé en 1951. Ma mère changeait ma couche sur la table des Constans quand un jet de pipi tiré en arc-de-cercle alla s'évaser sur le plastron de mon parrain. Engoncé dans son quintal, l'ancien Poilu fut dans l'incapacité d'esquiver l'attaque. Cette anecdote s'applique aussi à mon frère. Nous sommes donc deux à revendiquer cet attentat. Toujours est-il que Rémy Constans trépassa six mois après mon baptême en décembre 53.

Avec le tempérament de cochon de son grand-père et dont j'ai paraît-il hérité, Thérèse vécut encore longtemps dans sa minuscule loge de concierge où j'ai effectué quelques séjours enfant. Un serin en cage y luttait vaillamment contre de sournoises émanations de gaz. A l'étage était une figure appelée Madame Courbaton qui donnait du cordon pour un oui pour un non. A titre d'exemple, j'ai séjourné chez ma tante en 1959, moins d'un an après la mort de ma mère. Je viens d'avoir 8 ans. Le dimanche 23 août, elle m'emmena en promenade chez mon oncle Raymond qui, avec sa femme, nous raccompagne par le bois de Vincennes. Le lundi 24, nous visitons le zoo de 13h30 à 17h. Puis à nouveau le bois de Vincennes le mardi. Le mercredi 26, Raymond se propose de me montrer les pur-sangs courir à travers les grilles de l'hippodrome... Thérèse écrivait ainsi mon emploi du temps pour rassurer mon père. En début d'année, j'avais été pris en charge par les Hangard à Ouerray.

A 20 ans, j'ai rendu visite à ma tante en 1972 alors que je sortais de la Marine et résidais à Paris. Barbu, méconnaissable, j'ai sonné pour lui demander, moqueur, si elle louait des chambres. Je fus sèchement rembarré, encore plus lorsque je lui avouais qui j'étais. Puis elle éclata de rire. Et me força à empocher quelques sous...

Thérèse est décédée à la maison de retraite de Fontenay-sous-Bois en avril 1981 après avoir fait don de son corps à la médecine. Ce qui en fit ricaner plus d'un. Elle a légué à sa nièce Raymonde une lettre que lui avait rédigée sa petite sœur et filleule avant de mourir en 1914 à Yainville. C'est le plus ancien écrit de la famille Mainberte. J'en suis aujourd'hui le dépositaire.


Marguerite Mainberte

Elle était veuve d'Arthur Guillaumet décédé à Monchevrel, dans l'Orne, en novembre 1925. Après avoir séjourné quelque temps dans sa maison natale, à Yainville, où une tante tenait le café du Passage, Marguerite va travailler chez Fritz Kobus comme sa sœur Marie-Louise puis, refaisant sa vie avec un Espagnol qu'lle épouse le 17 mai 1930. Elle tiendra avec lui un café au 160, avenue de Paris, à Vincennes. Peu de temps. Cet estaminet appartient aux Aigouy, marchands de vin originaire de Rouen. Peu de temps, car Marguerite fut atteinte d'une tuberculose. Le café était, en 1931, exploité par les Aigouy. Marguerite est décédée le 28 janvier 1933 à Vincennes. "Elle avait 34 ans. Après une messe dite en l'église de Vincennes, raconte Jean-Claude Quevilly, elle fut inhumée au cimetière des Rigolos ironiquement car situé à proximité d'un carrefour du même nom."


Marie-Louise Mainberte

Epouse Hangard, Marie-Louise vivra aussi rue des Carrières selon Solange Mainberte et aura plusieurs emplois successifs dans la restauration.
Formé à la centrale électrique de Yainville, recensé encore à Yainville en mars 1926 avec son épouse. Séparé quelque temps, Marius Hangard aura plusieurs adresses successives :

1) Le 26 juillet 1927, on le trouve à Ivry-sur-Seine, 13, boulevard Sadi-Carnot. Il est manifestement chauffeur dans la centrale qui ne fonctionne pas encore.

2) Le 7 juillet 1930, l'Armée le localise au 37, rue de Seine, à Alfortville. Il n'y figure plus au recensement de 1931.

3) Le 14 juillet 1931, Marius semble habiter à Maisons-Alfort, 27, rue de la Ferme, quand, grâce à Emile Mainberte, ont lieu les retrouvailles chez Marie-Louise, rue Cécile, à Maisons-Alfort.
Début 31, les agents recenseurs n'avaient trouvét à l'adresse de Marius qu'une boulangerie en rez-de-chaussée. Mais le 9 décembre, l'Armée le considère bien rue de la Ferme.

1) Le 25 janvier 1927, Marie-Louise est embauchée comme main-courante de restaurant. La Sam's SA Montaber l'emploie jusqu'au 14 juin.

2) Le 1er août 1927, elle est caissière au restaurant Boulant, 30, boulevard des Italiens, jusqu'au 3 septembre 28.

3) Le 5 septembre 28, passe derrière la caisse de Fritzh-Kobutz où sa sœur est déjà verstiaire. Elle y travaille jusqu'au 18 avril 1930. Entre temps, les deux femmes assitent le 26 novembre 29 au passage de la dépouille de Foch en route pour les Invalides.
Après le mariage de sa sœur en 31, Marie-Louise vit seule sous les toits du 27, av. Gabriel-Péri à Charentonneau. Puis 25, rue Cécile, à Maisons-Alfort.

4) Le 10 avril 1932Christian, seul enfant du couple, naît à Paris dans le 13e arrondissement.

5) Le 6 juin 1933, les Hangard habitent officiellement 25, rue Cécile, toujours à Maisons-Alfort. 

5) Le 1er avril 1934, Marie-Louise obtient une loge de concierge à Saint-Mandé, 12, rue Renault. Le couple y restera une vingtaine d'années. En 1935, Marius est porté sur les listes électorales avec la profession de chauffeur. En 36, il est recensé avec cette même profession à la centrale d'Ivry. Marie-Louise est dite sans profession. Mais je pense qu'elle fut la concierge de l'immeuble jusqu'à la retraite de son mari. J'y ai vécu épisodiquement à la mort de ma mère.



La rue Renault.

Le 27 mai 1943 eut lieu la communion de Christian Hangard.

A la retraite, les Hangard ont vécu plusieurs années à Ouerray, dans la Beauce, où ils ont fait l'acquisition d'un pavillon doté d'un beau jardin. J'y ai vécu également au point de fréquenter l'école d'Amilly. C'était en 1959, quelques semaines après le décès de ma mère. J'avais 7 ans. Affecté par la mort de maman, mon, père avait alors pris du recul en séjournant à Menton. Je m'y suis aussi cassé le bras en tombant de vélo. Ce qui ne me fâcha nullement avec le cyclisme. Je prédisais dans mes lettres une victoire d'Anquetil dans le tour de France devant Roger Rivière, Louison Bobet et Michel Rousseau. Ce fut Bahamontes qui l'emporta. Entre temps, le 27 juin, on alla place Marceau, à Chartres, où un médecin me déplâtra et fit jouer mon articulation.
Lorsque j'étais mataf, à 17 ans, j'ai passé quelques permissions à Ouerray.
Avec leur Dauphine bleue, les Hangard revenaient régulièrement à Boscherville et descendaient au Repos des voyageurs, au hameau de la Carrière. De là, ils rendaient visite à la famille.
Pour se rapprocher de leur fils Christian qui travaillait à la centrale de Chinon, les Hangard ont fini leurs jours à Saint-Laurent-Nouan. Je me suis rendu aux obsèques de Marius, en juin 1978. Mon oncle Raymond Mainberte fondit en larmes en me voyant. Sans doute songeait-il à sa défunte sœur. Je suis retourné à Saint-Laurent recueillir les souvenirs de Marie-Louise. Elle nous a quittés en 1996 à l'âge de 94 ans.

Emile Mainberte


Mécanicien à Boscherville en 1926, il est informé par son beau-frère Marius Hangard que la SHEE recrute à Yainville. Il s'installe donc avec son épouse à l'hôtel Carré. Le 28 avril 1927, il est encore à Yainville quand naît son fils Hubert. Quelque jours vient au monde sa nièce, Jacqueline Perruchet dont ma mère Andréa sera la marraine.
Il arrive de la centrale d'Yainville à celle d'Ivry en 1928 grâce à son beau-frère, Marius Hangard. Il habite brièvement à Alfortville puis Charenton-le-Pont, 54, rue des Carrières, où Solange Mainberte est née le 24 avril  1929.
Une belle-sœur d'Emile vit à Paris, Simone Legay, épouse Perruchet. En 1931, à 21 ans, elle est argentière au buffet de la gare du Nord et habite 6, rue Abel, 12e. Son mari Camille, né dans la Nièvre, est caviste chez Guéraud. Ce seront des proches de la famille Mainberte. Notamment la fille aînée, Jacqueline Perruchet, née en 27 à Yainville et filleure d'Andréa.

En 1934, le fils aîné d'Emile Mainberte, Hubert, se rendit au préventorium du Tumiac, commune d'Arzon, presqu'île de Rhuys. Le château du Raz accueille l'établissement. Emile va tomber amoureux de la région. Mais le 13 août de cette année-là, une catastrophe affecte la famille. Une explosion fait plusieurs victimes à l'usine de produits électrolytiques d'Yainville. Le cousin Marc Lemaréchal y trouve la mort etl laisse une veuve, Marguerite. Qui va se remarier avec un autre cousin : Bernard Chéron. Dans cet accident qui fit grand bruit, l'oncle Pierre Chéron, compable de l'entreprise, est blessé par des éclats de verre. 

Alors qu'Emile travaille toujours à la centrale d'Yvry, il occupe avec sa famille une loge au 90, Chaussée de l'Etang, à Saint-Mandé. C'est là que sont recensés en 1936 Emile, Yvonne, concierge de l'immeuble, Solange et Hubert. La famille restera là 4 ans et cèdera la place à Raymond et Yvonne Mainberte
La famille d'Emile accéda à un pavillon, 48, rue Delaporte, à Maisons-Alfort. En 1938, c'est avec cette adresse et la profession de chauffeur qu'Emile est porté sur les listes électorales du canton de Charenton.
Emile devait acheter une maison en face de celle qu'il louait en été à la famille Quello. Plus tard, c'est Solange Mainberte et son époux qui loueront à leur tour cette résidence estivale.


Nous noussommes rendus à Kerjouanno quelques jours autour du 25 août 1955 pour le mariage d'Hubert. J'étais garçon d'honneur.
A 55 ans, en 1958, Emile prend sa retraite d'EDF et s'établit définitivement dans le Morbihan. Cette année-là, sa sœur Andréa s'éteint à Yainville d'un cancer du sein. Pour Emile, l'espoir de vieux jours heureux s'évanouit aussi trois ans plus tard. Il meurt à Kerjouanno en 1961 d'un cancer de la gorge.



Raymond Mainberte


Charretier à Boscherville, en mai 1927, date à laquelle naît son fils prénommé Max en hommage à Max Poullard, décédé à 19 ans.
Raymond est encore en Normandie en avril 1928 quand vient au monde ma cousine Raymonde.
Raymond serait arrivé à la centrale d'Ivry en 1929 où travaille Marius et logera d'abord dans les habitations à bon marché d'Alforville où nait son 3e enfant, Jacques, en novembre 1930. 
En 1936, il est porté sur les listes électorales sous le nom de... Raymonde Léonide Maimberte (sic !). On le dit employé UDE et domicilié 108, rue Véron. Le recensement confirme en précisant qu'il travaille à l'usine d'électricité d'Ivry.
Au 21 janvier 1940, date de délivrance de son permis de conduire, il est localisé au 90, chaussée de l'Etang à Saint-Mandé, adresse qu'avait occupé son frère aîné. Le voilà donc tout près des Hangard qui demeurent rue Renault. Yvonne fut à son tour la concierge de cette immeuble, fonction qu'elle occupa dix ans.

La chaussée de  l'Etang

En 1960, son adresse est 14, rue Pelé-de-la-Lozère, à Maisons-Alfort. Raymond finit ses jours 143. rue du Maréchal-Leclerc à Maisons-Alfort. Il est revenu parfois en Normandie et poussait jusqu'à chez moi. Nous sommes allés le visiter à Maisons-Alfort, je l'ai vu aussi à Ouerray et enfin à Saint-Laurent-Nouan. Il est décédé en janvier 81.

Andréa Mainberte

Ma mère, vécut avec tout ce monde et fut petite main et à l'occasion mannequin chez Denise "Marchal", place Vendôme. Elle a 14 ans lorsqu'elle monte à Paris mais elle n'oubliera jamais Boscherville et rêvera longtemps de revenir y habiter. 

En 1928, une partie de la famille est au mariage de Maurice Legay et d'Alice Perruchet à Morsoult, dans le Val-d'Oise : Emile et son épouse, Thèrèse et son mari. Alice devient une amie. Originaire de la Nièvre, ses parents se sont établis dans la région parisienne.

Chaque 25 novembre, un cortège de Catherinettes et de Nicolas processionne place Vendôme. Vieille tradition. Ce jour-là, les employés des maisons de couture restés célibataires se voient souvent offrir des cadeaux par leur employeur, en plus du chapeau extravagant préparé par leurs collègues. Puis ils sont reçus à la mairie du 1er arrondissement.
Dès 1930, le 24 novembre, veille de la fête, Adrien Legay, un ami d'enfance d'Andréa Mainberte, lui écrit de Charenton: « En l'occasion de Ste-Catherine, je t'envoies mes meilleures amitiés et te souhaites de trouver un époux le plus tôt possible pour nous faire aller à la noce. Bons baisers. » Adrien est le frère d'un homme dont Andréa était amoureuse à Boscherville mais qui se maria avec une autre. Quant à lui, il convolera bientôt.
En 1930, Andréa a 18 ans et est encore loin de coiffer Sainte-Catherine.

Raymonde Mainberte racontait que, étant assise au bord d'un caniveau, elle vit pour la première fois sa tante Andréa en 1935. Elle était vêtu d'un manteau de velours bordé de Renard et pendue au bras d'un homme en veste croisée. C'était un riche boucher de la Vilette qui avait des libéralités pour la famille.
Alors qu'il la soignait pour un début de tuberculose, le Dr Bourillon tomba lui aussi amoureux de sa jolie patiente.

En août 1936, Andréa revint au pays. Elle fut accueillie par Elise Deshayes, à Boscherville. Thérèse et son ami Rémy Constans étaient du voyage, de même que Christian Hangard. Andréa alla aussi à Kerjouanno avec son frère Emile. Plage, chapelle du Croisty à Arzon...

Le 18 juin 1937 communie Jacqueline Macchi à Yainville. Andréa est présente. Hjoerdis tient alors le café de l'église à l'enseigne de Macchi.

André fréquentait un boucher des halles de Paris. Joli parti paraît-il. Mais lors de ses retours en Normandie, un autre homme va la conquérir : Raphaël Quevilly, mécanicien à la centrale. Andréa va donc quitter le clan très uni des Mainberte pour revenir au pays.

Le 9 de la rue Jeanne-d'Arc, à Saint-Mandé, figure sur le faire-part de mariage de ma mère, le 30 octobre 1937. 
"Les frères et sœurs de Mademoiselle Andréa Mainberte ont l'honneur de vous faire part de son mariage avec Monsieur Raphaël Quevilly et vous prient d'assister à la bénédiction nuptiale qui leur sera donnée le samedi 30 octobre à midi en l'église Notre-Dame de St-Mandé." Le repas fut servi au restaurant du Zoo, 54, rue Jeanne-d'Arc, la nuit de noce eut pour cadre le City Hôtel, 81, rue de la République.

Pour Andréa, ce fut la fin de l'aventure parisienne. Elle sera la seule du clan Mainberte à retourner au pays. Ce qui fut du meilleur goût. Sans ce choix, mon frère et moi ne serions jamais nés....


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