Le 6 juin 44, le débarquement en Normandie va nous mener jusqu'à la Libération et la capitulation de l'Allemagne nazie signée le 8 mai 1945.
Francis
Aubert rappelle ainsi l'épisode des V1. Le lundi 12 juin
1944, Hitler ordonne « tout sur
Londres ». Le mardi 13, le premier V1 quitte la rampe de
Montauban située à Melleville (forêt
d’Eu). Il tombe { moins de 2 km dans une pâture
où il explose 25 minutes après. Dix engins sont
lancés ce jour, seulement quatre atteignent
l’agglomération de Londres.
Cent onze sites de
départ de V1 à destination des villes anglaises
sont répertoriés en Seine-Maritime, (voir
« L’enfer des V1 en Seine-Maritime durant la
seconde guerre mondiale » de Norbert Dufour et Christian
Doré). Parmi eux, Saint-Paër (château
d’Aulnay), Saint-Pierre-de-Varengeville (Château
Lebreton), Hénouville (Maresogne), Saint-Jean-du-Cardonnay
(château de Polignac), Sainte-Marguerite-sur-Duclair (La
Grande Planitre) et Jumièges.
De fin de 1943 au 30
août 1944, l’entreprise Fili-beck est
chargée par les Allemands de creuser des galeries dans la
falaise entre Duclair (hameau de Saint-Paul) et la Commune de
Mesnil-sous-Jumièges. Des français requis, des
républicains espagnols et des ressortissants
d’Afrique du Nord sont employés sur les chantiers.
Sur une distance
d’environ huit cent mètres, plusieurs grottes sont
ouvertes. Elles devaient ensuite être reliées
entre elles pour constituer un long couloir destiné
à stocker les engins. Ceux-ci de-vaient ensuite
être acheminés par une rampe sur le site de
lancement alors en cours de construction dans la forêt de
Jumièges, au lieu-dit la Chapelle,
appelée aussi la Mère-de-Dieu.
La trajectoire pour
rejoindre l’Angleterre (axe Nord-Est) passait au dessus de
notre ville !
Que se serait-il
passé si le site était devenu
opérationnel ?
Rappelons que beaucoup
de communes de Normandie et du Nord ont subi
d’énormes dégâts, avec un
nombre important de victimes, en raison du mauvais fonctionnement de la
nouvelle arme.
Le 27 juillet 1944,
vers 4h40-4h50, un V1 tiré depuis Saint-Jean-du-Cardonnay
s’écrase dans le centre de Barentin pour exploser
entre 5h05-5h10.
Les grottes existent
toujours. Elles sont situées dans des
propriétés privées, converties en
garages, caves, remises… Des constructions [une plate-forme
bétonnée, une réserve d’eau,
un bâtiment dont le toit (poutres en bois !) est
effondré] sont aussi encore visibles en forêt de
Jumièges.
Jeudi
15 juin 1944, 17h. Duclair subit son premier bombardement d'envergure.
Objectif : le bac, qui avait déjà
essuyé plusieurs
mitraillages en rase-motte. Plusieurs maisons du quai sont
endommagées.
Saint
Paër Des agriculteurs sont rançonnés Dans
la nuit du 19 au 20 juin, trois individus masqués ont
pénétré dans la ferme de M. Alfred
Gis, herbager
à Saint-Paër, et l'ont obligé
à leur remettre
la somme de 3.200F, six livres de beurre, six litres d'eau de vie et
diverses denrées. Les malfrats se retirèrent en
menaçant leur victivme de représailles s'ils
étaient dénonçés
à la gendarmerie
avant 48 heures.
Un vol identique avait été commis précédemment chez M. Folliot, cultivatuer dans la même commune. Celui-ci dut, sous la menace, remettre une somme de 2.000F et diverses denrées. Le
journal de Rouen
|
8 juillet : bombardements sur Yvetot et Duclair. Les 11 et 13 juillet auront lieu les premiers bombardements de nuit sur Duclair. |
Duclair subit
un nouveau bombardement Un mort - un blessé Dans
la nuit de dimanche à lundi, Duclair a subi un nouveau
bombardement. Une bombe est tombée sur une maison de
maître, route de Barentin, tuant Mme Délu,
âgée de 94 ans, et blessant sa fille, Mlle
Délu,
heureusement peu gravement. D'autres bombes sont également
tombées rue Savalle et route d'Yvetot, causant des
dégâts.
Journal de Rouen du
12 juillet.
|
Le 13, une
escadrille alliée bombarde Caudebec dans le but d'atteindre
le bac.
|
Duclair
La
RAF a bombardé à nouveau Duclair jeudi vers
18h30.
On compte deux morts. Mlle Denise Beaudelin, âgée
de 14
ans, fille de M. Beaudelin, entrepreneur de travaux publics
à
Dclair et Mme evelyne Lamys, de Grand-Couronne. Il y a eu plusieurs
blessés. M. Jean-Pierre Oursel, employé des Ponts
et
Chaussées, Mlle Denise Lemoine, MM Alfred Perrin et Devaux
fils,
de Barneville-sur-Seine.Un nouveau bombardement La maison de Mme Mazot, commerçante, a été en partie détruite ainsi que d'autres bâtiments. Lors du bombardement, la nuit du 11 au 12 juillet, Mme Leprout, femme de l'ingénieur vicinal a été tuée, Mlle Délu, déjà blessée la veille, a été de nouveau atteinte. Journal de Rouen du
15 juillet
|
Le Journal de Rouen du 22 juillet nous apprend que le maire du Trait exhorte la population a creuser, là où ce n'est pas fait, des tranchées individuelles.
7 août 1944. Raphaël dut se rendre à la gendarmerie du Trait pour y déclarer une bicyclette. Le commandant était le maréchal des logis chef Seguin.
Sur les routes comme sur la Seine, toute circulation est rendue intenable par l'action des avions mitrailleurs combinée aux agissements des groupes de résistance. Pour protéger leurs bacs pendant la nuit, les Allemands les mettent au milieu du fleuve, plus difficile à atteindre par les saboteurs. Avec la complicité du gardien, un Breton habitant au Trait, Perrotte et Bonny disposent une nouvelle grenade Nestlé dans la chaudière du bac de Mesnil-sous-Jumièges. C'est le chauffeur allemand qui
provoquera l'explosion lorsqu'il tentera de rallumer son foyer.
Dans la nuit du 9 au 10, à 1 h. 25, Saint-Wandrille reçoit 40 bombes et l'abbaye est touchée.
Le 13, un SS est poignardé dans la forêt de Saint-Martin-de-Boscherville par le résistant Perrotte.
Dans
la
région de Duclair
Duclair
et ses environs ont subi le
dimanche 13 août, vers
13h45,
un violent bombardement. A Berville-sur-Seine, plusieurs maisons ont
été détruits et 60 points de chte ont
été relevés dans un seul herbage
appartenant
à M. Charles Hulin. A Duclair, 6o bombes sont
tombées autour de
la ferme Godalier où sont réfugiées
une cinquantaine de personnes. Il n’y a pas
eu de victimes.Aux environs de Duclair, on a en outre relevé près de 200 points de chute. C'est à Saint-Martin-de-Boscherville que les pertes sont les plus sensibles. En effet, à 12h, les bombardiers ont lancé plus de 50 bombes à la limite de cette commune et de Quevillon. On compte cinq tués, sept blessés grave, cinq blessés léger. Cinq immeubles, dont deux bâtiments de ferme et leurs dépendances, ont été complètement détruits et plusieurs autres endommagés. |
Du lundi 14 au mercredi 16 août, tout est calme. |
Deux morts et deux blessés au Mesnil-sous-Jumièges Jeudi
17 août, vers 10h, des bombes sont tombées
à
Mesnil-sous-Jumièges sur la propriété
de M. Athime
Ligois, cultivateur. Les sauveteurs ont retiré des
décombres les cadavres de Mme Athime Ligois mère
et de sa
belle-fills, Mme Athime Ligois.
M. Athime Loigois a été blessé ainsi qu'une fillette. Après avoir reçu les premiers soins du poste de secours de Duclair, M. Ligois a été transféré dans une clinique de Rouen. |
Jeudi 17 août commencent les journées de bombardement à répétition. Durant toutes ces journées, la famille Quevilly trouve refuge dans les grottes de la falaise, près de la centrale. Plusieurs morts au Trait où une quarantaine d'avions alliés ont largué des bombes à 16h10.
Un
bombardement fait 13 morts et
15 blessés au Trait
La laborieuse agglomération du Trait a été l’objet d’un nouveau bombardement jeudi soir. A 17h30, de nombreuses bombes furent lancées sur la cité faisant, hélas ! de nombreuses victimes. Aux premières nouvelles, on avançait 13 morts et 15 blessés, une vingtaine de maisons complètements détruites et l’on compte plus de 250 nouveaux sinistrés. |
Vendredi 18 août. Raids aériens à 19h, 20h, 21h entre le bac de la Mailleraye et Jumièges auxquels répliquent des tirs de DCA. Pas de victimes. La nuit ne ramènera pas le calme.
Samedi 19 août. Reprise de l'activité aérienne de 7h à 14h. Les circuits de la centrale sont détruits et interrompus.
Ce samedi 19 août, à 8h du matin puis à midi, les fortesses volantes touchent l'hôtel de ville de Duclair qui s'embrase. Tout est détruit, jusqu'aux archives.Durant dix jours la ville va subir d'incessantes attaques.
Explosion aux chantiers du Trait à 20h. Nuit calme. Légère pluie.
130 maisons ont été détruites ou endommagées à Duclair au cours d’un violent bombardement
|
Dimanche 20 août. Matinée calme. Temps couvert. Le Trait enterre ses morts. A 12h15, reprise de l'activité aériennes. Notamment à 18h30 sur le Mesnil et Yainville. où la DCA réplique. 19h20. Les Allemands débutent la destruction systématique des chantiers du Trait avant de nouvelles vagues aériennes. Peu après 20h, sept avions opérant sur Yainville et Jumièges piquent vers Le Trait. Là-bas, explosions, incendies, mitraillades. De 23h à 23h20, explosions à Yainville.
Etrait d'un article de Paris-Normandie, Olivier Cassiau, août 2019 :
Ce sont les derniers soubresauts de la bataille de Normandie qui se sont déroulés fin août 1944 autour de Rouen. Le 21 août, les Alliés parviennent à fermer la poche de Falaise. Les unités allemandes encore à l’extérieur battent en retraite vers la Seine. « De Duclair aux Andelys, une trentaine de points de passage sont utilisés par l’armée allemande », souligne Patrick Coiffier, passeur d’histoire et auteur du livre Rouen 1940-1944, 1 543 jours sous l’Occupation. À Duclair, ce sont 10 000 hommes et 2 000 véhicules qui traversent de nuit pour rejoindre le nord et continuer le combat. Dans les méandres de Caudebec-en-Caux, entre le 15 et le 30 août, 30 000 hommes et 3 000 véhicules parviennent à atteindre la rive droite. À Quillebeuf-sur-Seine, avant que le bac soit bombardé, 8 000 soldats traversent le fleuve avec leurs véhicules. « L’armée allemande est en retraite, mais pas en déroute. La retraite reste maîtrisée, elle est organisée par la marine allemande. Des dizaines de milliers de soldats, mais aussi de nombreux véhicules légers vont parvenir à passer la Seine. Ce sont des soldats expérimentés que l’on retrouvera six mois plus tard lors de la contre-offensive des Ardennes », souligne Patrick Coiffier.
Un seul pont à Rouen
En fait, les Allemands utilisent tous les points de passage encore disponibles, et tous les moyens à leur disposition. À Poses, dans l’Eure, le génie allemand va construire un pont flottant. Pour ne pas être la cible d’attaques aériennes, il n’est utilisé que la nuit et démonté très tôt le matin. Selon un rapport de l’aviation anglaise, plus de 100 000 soldats et 5 000 véhicules vont l’utiliser. Bourgtheroulde devient une plaque tournante qui permet aux troupes allemandes de rejoindre Duclair, Rouen, ou Elbeuf.
À Rouen, tous les ponts sont détruits. Sauf un. Le viaduc de chemin de fer d’Eauplet permet encore de traverser la Seine. Dès le 23 août, des milliers de véhicules se massent sur la rive gauche, dans l’attente de traverser. Les engins stationnent sur cinq kilomètres de quais, à l’abri des arbres et des feuillages sur les places et les avenues. Il pleut, la visibilité est mauvaise, les avions alliés ne peuvent survoler la zone.
Les Allemands ont placé des planches sur les rails du viaduc et ce sont près de 7 000 véhicules qui vont franchir la Seine sur le viaduc aussi baptisé pont aux Anglais. De nombreux véhicules sont aussi immobilisés, faute d’approvisionnement en essence.
En aval, à Grand-Couronne et Petit-Couronne, d’énormes bacs sont aussi en service. Et permettent d’évacuer des milliers de véhicules et de soldats. Outre le pont d’Eauplet, ils sont comme les trois autres construits par le génie allemand dans le port, la cible des attaques des bombardiers au soir du 25 août. « Le beau temps est revenu. Vers 19 h 30, une trentaine de bombardiers de la 2nd Tactical Air Force de la RAF pilonnent les quais ainsi que les bacs. Le pont de bateaux que les Allemands construisaient est détruit, ainsi qu’un bac. Celui d’Eauplet est touché. Il est peu endommagé, trois arches sont intactes, une seule a été détruite. Il va être réparé à la hâte », détaille l’historien.
« Pas un stalingrad normand »
Les jours suivants, on assiste à de nouvelles vagues de bombardements. « Le 27 août au soir, tous les bacs sont hors service sur Rouen, mais le trafic continue de s’écouler sur le pont de chemin de fer. » Cette fois, les véhicules stationnés sur les quais sont pilonnés, et on dénombre, selon les différents rapports publiés par la suite, entre 250 et 350 soldats tués, et 1 700 véhicules détruits. « Loin des milliers de victimes que la propagande a annoncés dans les jours qui ont suivi. Cela n’a pas du tout été le Stalingrad normand annoncé », nuance Patrick Coiffier. Celui qui prépare justement un ouvrage sur ce mois d’août 1944 en Seine-Inférieure et dans l’Eure a retrouvé un rapport anglais qui estime que la retraite allemande a été en fait un succès et que les Alliés n’ont pas su éviter que des dizaines de milliers d’hommes franchissent la Seine. On estime en effet qu’entre 150 et 200 000 hommes ont réussi à passer la Seine entre Duclair et Poses, dont 50 000 à Rouen. Jusqu’à la veille de la libération de Rouen par les Canadiens le 30 août, des Allemands, souvent par petits groupes isolés, vont encore franchir le viaduc d’Eauplet.
Dans l’après-midi du 30 août, quand les premiers Canadiens vont descendre de Bonsecours et entrer dans Rouen, ils ne croiseront pas ou peu d’Allemands. Cette fois, la bataille de Normandie est vraiment terminée.
Reprenons. Dès le 21 août, les éléments des 5e et 7e armées blindées allamandes, composantes du groupe d'armées D commandé par le Feld Machal Model, commandant en chef à l'Ouest, se replient vers la Seine. Ils espèrent s'accrocher à une ligne Elbeuf-Honfleur pour arrêter la progression des alliés. En vain...
Lundi 21 août. Petite pluie allant s'intensifiant à partir de 2h du matin. Aucun avion. Seul un V1 déchire le ciel. On circule beaucoup sur les routes. La centale réussit le tour de force de redonner du courant dans la soirée. Un bateau à moteur est en panne à Yainville. Nuit calme. Temps couvert allant s'éclaircissant.
Ce 21, le dernier bac en service sur la Seine est coulé à Quillebeuf. Celui de Caudebec sera bombardé en piqué dans quelques jours. L'état-major F.F.I., en liaison constante avec les alliés, ordonne d'intensifier les guérillas dans tout le département.
Mardi 22 août. Matinée calme. Le temps s'est éclairci vers 11h30. Reprise des bombardements vers 16h45 sur Le Trait dont les chantiers sont toujours en feu
Mercredi 23 août. Toujours des bombardements répétés. Les alliés approchent. Les communes riveraines de la Seine constituent des poches de résistance allemande qui passe ses troupes par les bacs de Duclair, La Mailleraye, Caudebec. 21h à 23h: pluie abondante. Violents bombardements dans la région du Mesnil. Dans la nuit, des plots lumineux sont largués par des avions alliés pour observer les mouvement.
Jeudi 24 août. Les chantiers toujours en feu, toujours secoués d'explosions. 10h25: passage d'avions alliés. 12h45: violente pluie. Elle cesse en fin d'après midi. 20h30. Nouvelle activité aérienne. La DCA allemande semble avoir été renforcée. La nuit sera encore chaude.

L'hôtel de ville Duclair ayant été détruit, les services de la Mairie et de perception trouvent refuge à partir de ce même 24 août dans une habitation troglodyte, route de Rouen, sur la propriété de M. Morel.
Vendredi 25 août. Un temps exceptionnel. Et toujours un déluge de feu tout au long de la journée. Bombardements notamment à 8h40 sur le Mesnil et Jumièges. Une péniche, face à la cale du Trait, est la cible répétée de la RAF. 11h25: fort bombardement dans la région de Jumièges, mitraillade. A 19h également. Dans le secteur du Trait, Pierre Leroux aura disparu en traversant la Seine à la nage, au cours d'une mission. Qu'observe-t-on ce 25 août : un grand arc de cercle allant d'Elbeuf à Caudebec en Caux s'est resserré autour des restes de divisions allemandes disséminées et acculées au fleuve.
Trève de 21h à 23h. Nuit relativement calme dans les airs. Des troupes en retraite passent sans cesse de la rive gauche à la rive droite.
Samedi 26 août. Le temps est toujours très beau. L'activité aérienne moins intense. Pas celle des troupes allemandes qui, dans la nuit, on pillé des maisons abandonnées. Au matin, le QG allemand se replie à Roumare pendant que l'Etat-Major de la 21e Panzer occupe le château des Malartic, à Yville. L'Etat-Major de la 116e division allemande composée de Polonais, Tchèques, Roumains et Russes est localisé entre Caumont et La Mailleraye.
Les raids alliés se portent plutôt sur la forêt du Trait ou ont trouvé refuge de nombreux civils. Sous les coups des forteresses volantes et chasseurs bombardiers, la 15e armée blindée s'effrite et cherche à passer la Seine, à Duclair notamment.
20h: grondements sourds vers Rouen. Le soir, les Allemands franchissent toujours la Seine à différents points à l'aide d'un va et vient. Dans la nuit du 25 au 26, la 15e armée blondée est à hauteur de Barneville.
Daté du samedi 26 et dimanche 27 août 1944 paraît le dernier numéro du Journal de Rouen, "le grand quotidien normand fondé en 1762". Il n'y en aura plus d'autres sous ce titre...
Nicolas Navarro :
Les sous bois occupés par les soldats et les véhicules allemands.
Dans la nuit du 26 au 27, plusieurs unités d'artillerie allemandes prennent position et s'aligne sur les hauteurs de Duclair.
Dimanche 27 août, elles tirent sur les positions alliées pour couvrir le passage des hommes et des matériels qui tentent de franchir la Seine. Un impératif : faire passer les 1500 hommes et 20 chars de la 9e Panzer SS. Le canon est tout proche. De plus en plus proche... Si La Bouille est libéré, Caudebec, La Mailleraye, Saint-Pierre-de-Manneville ou Quevillon sont sous le feu de l'artillerie alliée. Le soir, à partir de 21h15, des dépôts de munition sautent rive gauche.
22h: de Jumièges à La Mailleraye, quinze foyers d'incendie. Dans le bois d'Heurteauville, le spectacle est effarant. Des fusées multicolores s'échappent des dépôts en flamme. Toujours la débandade jusque tard dans la nuit. L'aviation ne bombarde pas. Elle photographie.
Dans la nuit, Sustranck, décidé à déserter l'armée allemande, quitte la batterie du Trait et retrouve Schmitt sous la voûte, à Yainville. De là, ils se rendent à la ferme Jonquais, le maire de Saint-Paër. C'est François Charles qui leur a donné l'adresse. Seulement, il y là un détachement SS. Un sergent s'avance. "Notre unité est à proximité, expliquent les deux "Malgré nous". Nous venons chercher du lait comme nous en avons l'habitude". Et ils entrent dans le bâtiment de ferme. Mme Jonquet fait sortir les deux Alsaciens par une porte arrière. Ils passeront la nuit dans le grenier d'une petite demeure. Pendant ce temps, sur les rives de la Seine, la nuit est secouée de canonnades. La bataille de Duclair a commencé.
A cette époque, mon père se fait réquisitionner son cabriolet par un Oberlieutenant qui lui laisse en échange sa traction hors d'usage. L'ordre est griffonné sur un titre de dédommagement à l'intention de M. Billard, un fermier...
Lundi 28 août. Les trois jours qui viennent vont meurtrir la centrale d'Yainville. Un obus éclatera dans une cheminée. Deux autres seront percées ainsi que des tuyauteries de vapeur. La toiture, les installations électriques, la maison du directeur et du chef de centrale seront endommagées. Des familles sont réfugiées dans les falaises.
Mais tout commence par un épais brouillard matinal. A la ferme Jonquet, les Allemands sont partis. Le fils Jonquet donne aux deux Alsaciens des vêtements civils. Ils filent vers Duclair...
Toujours le va et vient sur la Seine, toujours les incendies, les bombardements. Légère pluie vers 14h. Éclaircie vers 15h30. 16h10: six avions frappent en piqué Heurteauville, face à la cale du bac du Trait. A 19h30, Berville est la cible de 72 forteresses volantes. En deux vagues successives, elles détruisent hommes et matériels massés du Haridon jusqu'à la cale du bac.
Des batteries ont été établies vers le Landin et toute la nuit elles crachent un feu nourri sur nos rives. 600 ? 1000 obus ? Toujours des passages d'Allemands qui fuient vers le Rhin. Les Alliés pensent que l'armée allemande résiste en haut des falaises et des coteaux de la rive droite. Alors on canonne. Des Français traversent pour demander un cessez-le-feu. On n'accorde guère de foi à leur témoignage.
Mardi 29 août. A 7h, la canonnade cesse enfin. 7h45: une colonne de fumée s'élève de la centrale d'Yainville. Commencées la ville, les opérations de sabotage se poursuivent. En quittant les lieux, les Allemands auront détruit à l'explosif cinq alternateurs, des transformateurs. 8h: les dépôts d'explosifs sautent encore à Heurteauville. Puis c'est un calme impressionnant. Les Allemands tentent de faire passer des chevaux à la nage. Bientôt le fleuve charrie des cadavres. 14h15: la batterie placée sur le plateau du Trait réplique à celle du Landin. Les tirs vont se multiplier sans toutefois atteindre l'ampleur de la veille. De ce 29 août, on retiendra que l'Etat-Major allemand , pris en tenaille dans une boucle allant d'Elbeuf à Yville via Bourgtheroulde, Orival, La Bouille, la forêt de La Londe, aura ordonné la retraite. Les Allemands ont autour d'eux la totalité de la 1ère armée canadienne, la 2e division blindée américaine etc.
Duclair compte 1230 sinistrés dont 395 totalement. 372 maisons auront été touchées dont 82 entièrement détruites.
Mercredi
30 août. 8h: l'embarcadère allemand
situé
à Heurteauville est en feu. 8h30: grosse rafale
d'artillerie.
10h. Il n'y a plus de soldats allemands dans le pays. Sinon des
éléments isolés. La
résistance fait son
apparition.
Le groupe FFI de Yainville, rattaché à celui de
Duclair,
compte neuf hommes. Il arrête cinq Allemands qui se livrent
sans
résistance. 12h: les tirs d'obus reprennent. La résistance aura beau passer rive gauche pour donner un état des lieux, on aura beau hisser le drapeau tricolore, les Alliés tirent encore et encore. Au vacarme s'ajoute à 16h20 le bruit des blindés anglais sur l'autre rive. Puis le calme s'abat après 17h. Rompu à 19h30. par des sifflements, une rafale à 21h30. Il pleut toute la nuit. |
Au château
du Taillis
Saviez vous que huit bombes sont tombées autour du château ? Que le billard dans le vestibule du château servait de table d’opération pour les soldats allemands blessés ? Que les Allemands ont commencé par vider la cave du château en juin 1940, et qu’il s’en fallut de peu qu’il vide le reste de la maison ? Ou encore que la famille Borde avait préparé des tranchées dans le parc du château, mais que finalement, sous les bombes, ils ont préféré vivre dans la cave pendant plusieurs jours ? (Source : Nicolas Navarro, Paris-Normandie, août 2019). |
« Ce qui sauva Jumièges de la destruction… »
La bataille de Normandie a
durement affecté toute la région riveraine de la
Seine et en particulier celle
de Duclair. Elle a été l’objet de
bombardements intensifs les 29 et 30 août, de
la même manière que la rive gauche de la Seine
à Rouen. La retraite allemande a
tenté d’utiliser les possibilités de
passage que la Seine pouvait encore
permettre et l’usage des bacs par les troupes ennemies a
entraîné de sévères
bombardements aériens, tant à Duclair
qu’à Caudebec-en-Caux. C’est ainsi que le mercredi 30 août, un très grand nombre de véhicules appartenant aux formations motorisées étaient massées rive gauche à Berville-sur-Seine au passage d’eau de Duclair. Ces véhicules, au nombre d’un millier, étaient embouteillés. 72 forteresses volantes ont survolé le parc automobile qu’elles ont détruit sur toute la longueur de la route qu’ils occupaient. Les batteries anglaises de la rive gauche tiraient sur la rive droite où les batteries allemandes répondaient au feu. Néanmoins, le 30 août, les gendarmes de Duclair capturaient des prisonniers allemands. A Duclair, peu de maisons restent debout mais toutes ont subi des dégâts importants. Il y a eu néanmoins fort heureusement peu de victimes, la plupart des habitants s’étant réfugiés dans les grottes aménagées au cœur de la falaise. Le chef de gare de Duclair a été tué par un bombardement. De Berville à la Mailleraye, les tirs d’artillerie ont pareillement causé de gros dégâts ainsi qu’à Mesnil-sous-Jumièges et au Trait. A Jumièges même, le bombardement s’avérait très dangereux lorsque deux jeunes gens eurent la présence d’esprit et l’audace de passer la Seine en barque sous la protection du drapeau blanc qu’ils avaient arboré. Ils purent ainsi se rendre auprès des autorités anglaises et leur faire savoir que les Allemands avaient complètement abandonné Jumièges. Leur démarche fut comprise et le tir d’artillerie allongé. Ce qui sauva Jumièges de la destruction. Le journal de Rouen |
A Duclair, comme à Canteleu et partout où il y a un bac, des Allemands tentent encore de franchir la Seine. Les bacs trop chargés
coulent. A Berville, plus de 1.000 véhicules allemands sont accumulés sur la rive. Tout comme cela s'est produit à Rouen, les forteresses volantes font le nécessaire. Un duel d'artillerie se poursuit mais les gendarmes ont déjà maîtrisé tous les Allemands de la région de Duclair en attendant l'arrivée des Canadiens. Malheureusement, il y a eu des victimes. Le chef de gare a été tué dans un bombardement.
La Libération racontée par le major John Marc Elli lors de l'un de ses pèlerinages sur les lieux : "Alors que nous marchions en direction du passage du bac de Duclair, l'odeur de la chair brûlée atteint nos narines. Le temps était orageux. Il avait pu terriblement la veille. Des deux côtés, la route était jonchée de véhicules de toutes sortes : chars, enfins blindés, transports motorisés ou charrettes y fumaient encore, restes du terrible bombardement que les troupes allemandes avaient subi le soir du 28 août. Cette odeur nauséabonde émanait des cadavres d'hommes et de chevaux. Epouvantable ! Ceci ne nous empêcha pas d'installer notre roulante et de nous restaurer avant de passer la Seine."
Le 30 août 1944, on pensait bien que la libération était proche. Mais quand ? Et à quel prix ? Svein Evensen, un Norvégien qui avait développé une activité de résistant officiellement reconnue, voulut, en ce matin du 30 août, voir ce qui se passait et gagna le centre de Duclair.
Dans la localité où, pendant la nuit, de violents combats avaient encore eu lieu sur la Seine, le silence régnait et les rues étaient désertes. Les Duclairois, terrés dans un troglodyte, abri dans lequel une employée tenait la mairie, s’interrogeaient. Or, à l’extérieur, on entendait parler. Tous prêtèrent l’oreille. Était-ce de l’allemand ? Non, du français mais avec un accent caractéristique. Il s’agissait de Canadiens, une présence qui signifiait évidemment libération. Ces soldats canadiens qui avaient traversé le fleuve, demandaient : « Y a-t-il des Allemands par ici ? »
Fusil canadien et camion allemand
Pour Svein Eveinsen, ce fut la même découverte : un véhicule militaire canadien était dans la ville et la conversation s’engagea très vite avec les hommes à son bord. Mais à un moment, surgit un camion allemand et des coups de feu furent échangés. Svein Evensen prit part à la lutte, avec une arme canadienne qu’on lui avait donnée. L’affrontement fut de courte durée : les Allemands n’étaient que deux et, légèrement blessés, ils prirent la fuite à pied, abandonnant leur véhicule.
Les Canadiens, alors, remercièrent Svein Evensen de son aide, lui firent cadeau du fusil utilisé dans l’escarmouche, et lui dirent que, prise de guerre, le camion allemand lui appartenait.
Ainsi donc, si la Libération était bien une réalité, la prudence restait de mise. C’est ainsi que l’abbé Jules Carpentier, curé de Duclair, s’appliqua à tempérer les ardeurs de ceux qui voulaient déjà sonner les cloches et hisser les drapeaux. « Les troupes ennemies pourraient se regrouper sur le plateau au nord du pays, et revenir. On risquerait alors un massacre », dit-il.
Mais peu après, la libération étant bel et bien réelle, chacun put s’adonner à la joie. La liesse était toutefois accompagnée d’actes condamnables : des femmes que l’on tondait au prétexte, disait-on, de collaboration. Ces faits, bien éloignés des combats de résistance, ont révolté Svein Evensen qui en garda rancœur au point de ne pas vouloir, lui qui avait la double nationalité, devenir Français.
C’est donc en tant que Norvégien ayant accompli des actes de résistance au sein du réseau Hamlet Buckmaster et ayant obtenu, à ce titre, le grade de sous-lieutenant, que, dans une France libérée, il circula, des années durant, au volant de son camion, pris à l’ennemi.
Pour la journée du 30 août, on déplore la mort de M. Vatey, tué à Duclair. Duclair ayant été officiellement libéré à 12h30 après 4 ans, 80 jours et 23 heures d'occupation.
Au cours de la Libération, à Yainville, les neuf hommes de groupe FFI arrêtent cinq Allemands qui se livrent sans résistance. La commune compte 17 prisonniers et rapatriés. On sollicite les entreprises pour leur constituer un livret. La Havraise décline, elle a déjà engagé des fonds dans ce domaine. Des sabotages ont été opérés par les Allemands à la centrale. 5 alternateurs ont reçu une charge d'explosif qui endommage le bobinage et les couvre-enroulements. Le groupe de secours, des commutatrices et le groupe synchrone ont subi aussi des dommages ainsi que sept transformateurs. Il faudra six moispour remettre tout en état. Des Havrais viendront en renfort.
Le vendredi 1er septembre paraît le N° 1 de Normandie. Tous les journaux ayant paru sous l'occupation sont interdits. Le journal de Rouen est du nombre. La remise en état de la centrale durera six mois pour 26 millions de francs dont 22 imputables aux sabotages allemands, le reste aux bombardements alliés.
En octobre, de Gaulle est acclamé à Rouen comme l'avait été Pétain.
En 44, le conseil d'Yainville ne se sera réuni que trois fois, les 16 mai, 1er octobre et 20 décembre 1944. Ce jour là, alors que Dominique Piot et Albert Brunet, cultivateurs, ne semblent plus faire partie de l'assemblée, le conseil vote au général de Gaulle une motion " d'admiration et de confiance pour l'oeuvre accomplie depuis quatre ans et confiance pour le relèvement de la France dont les premiers résultats se sont déjà fait remarquer." Pendant ces années de guerre, la paroisse a été desservie par les abbés Lecossais et Lenouvel.
Curieusement, du 20 décembre 1944 au 19 mai 1945, on verra siéger au sein du conseil Mme Blaise. C'est pourtant son mari qui était jusque là titulaire du poste mais il reste prisonnier de guerre. Le registre des délibérations ne fait aucune mention de la nomination de la première femme au conseil. Elle sera suivie en 45 de Suzanne Marotte puis de France Marcilloux.
A la Noël, les Quevilly se rendirent au camp Twenty-Grand. Mon frère y vit le premier Noir de sa vie : Un GI américain.
1945
En janvier 1945 eut lieu un scandale à Duclair lié à un trafic opéré par des prisonniers allemands.
Avril 1945. Le conseil décida de demander un devis à M. Noël, du Trait, la tombe d'Émile Silvestre ayant été profanée. On accorda une prime à Dufay, le garde-champêtre de Yainville.
29 avril 45: élections. Jean Lévêque est écarté. Sont élus: MM Passerel, Blaise, Riaux, Georges Piot, Le Corre, Quevilly, Gouard, Conchis, Suzanne Marotte et André Bidaux, encore mobilisé.
Avril 1945 : une prime de Libération va à Duffet, le garde champêtre. Le conseil municipal va bientôt changer, des opérations électorales étant prévues à la fin du mois. L'équipe soertante de Jean Lévêque est alors composée de MM. Raphaël Quevilly, Riaux, Paul Le Corre, électricien à la centrale, François Coté, mécano à la centrale, Pierre Chéron, Marcel Maurisson, chef de bureau à la savonnerie, Pierre Macchi, maaçon, le résistant François Charles et Mme Blaise, épouse de prisonnier.
Le 8 mai 1945, l'Allemagne nazie capitule.
