Les années 30 sont marquées par un développement de la centrale d'Yainville avec de nouveaux équipements qui vont tripler, quadrupler sa capacité de production...

Le 27 mai 1930, Jules Canipel patron d'une péniche en déchargement à la SHEE, prend du repos à la terrasse d'un hôtel de La Mailleraye. Sur un banc, une femme coud paisiblement, un enfant près d'elle. Soudain, des cris. Le garçonnet vient de tomber dans la Seine. Canipel plonge et ramène l'enfant, Jacques Demay, trois ans, dont le père est employé à la Standard du Trait. Gageons que le soir même, Canipel fut regardé avec respect par les électriciens yainvillais...



L'état-major de la SHEE en 1930, année où apparaissent les assurances sociales. Henri Laboureur fut remplacé par Henri Lambert, ingénieur diplômé de l'Ecole Centrale de Paris, secondé par Jacques Mauriers. En 1931, Paul Frison est ingénieur-directeur des Produits électrolytiques.
La salle des machines Intervention sur stator de turbine
Nuit du 26 au 27 juin 1930. Des perturbations sont enregistrées à la centrale ainsi qu'au poste de Duclair et sur l'ensemble du réseau. On découvre qu'une tentative de sabotage a eu lieu au bas de la côte de Duclair à Bapeaume. Ingénieur, Cayron porte plainte.

En juillet 1930, une subvention de 6.500 F pour la pose du réseau est accordée à Ambourville lors de l'électrification de la presqu'île. Seuls quelques habitants acceptent le branchement : le maire, le châtelain, le café Paine, Georges Clémpoint, M. Pigache... Certains craignent que cette nouvelle énergie n'incendie leur maison.
En août, la mairie, l'école d'Hénouville sont raccordées grâce au syndicat d'électrification. Mais les hameaux isolés souffriront encore longtemps de leur isolement. Les quatre maisons du Marais, les quatorze foyers de l'Orme et de La Fontaine n'ont encore aucun poteau électrique. Ils attendront encore 18 ans.

"Les excréments se baladent !..."


Octobre 1930, le Prolétaire normand fustige les conditions de travail. : Il y a quelques semaines nous avons signalé les abus de la Société Havraise, et nous avons pensé que notre article aurait fait faire une nouvelle visite de l’inspecteur du travail, mais rien. Aussi les copains font toujours 12, 13, 14 heures de présence.
Nous avons pensé que si l’inspecteur du travail se décidait à venir faire un tour à Yainville. Il pourrait se faire accompagner de M. l’inspecteur de l’hygiène sociale, car dans ce pays de Yainville, on n’est pas inquiété par les visites d’inspecteurs.
A la Havraise, le personnel a tout le confort voulu, des douches depuis 10 ans, aussi j’oublie de dire que l’eau n’a jamais été installée et que les locaux servent d’abri pour le ciment et autres. Il ne faut pas oublier que les chauffeurs et les hommes de cour font chaque semaine la suie, et ils sont vraiment « nègres ». et rien pour se nettoyer. Le réfectoire est parfait, mais à une condition que les hommes puissent manger dedans, car le réfectoire est plutôt une cage à rats. Les cabinets sont d’une saleté repoussante, les excréments se baladent jusque devant la porte.
Voilà les conditions de travail des camarades de la Société Havraise, il est temps que cela finisse, il faut que nous nous organisions dans notre syndicat unitaire pour la lutte pour arracher au patronat des améliorations de salaire et de meilleures conditions d’hygiène.

Le nouvel appontement


En 1930, l'arrière des bâtiments de la centrale d'Yainville est prolongé vers la falaise. Deux turbo alternateurs de 15 MW chacun et un de 5 seront installés, alimentés en vapeur. Mais on décide aussi de créer un nouvel appontement qui permettra d'accueillir  des navires de 6000 T.



18 juin 1931, dragage...

21 juin, rescintrement de la berge.
 Juillet :  travaux en amont du futur appontement. 18 août : pose de poteaux en béton sur la berge.

La construction de l'appontement peut commencer...

 ... la structure prend forme
Dragage et travaux aux abords de la prise d'eau


Le raccordement à la voie ferrée

Le raccordement de la centrale avec la ligne Barentin-Caudebec intervint le 26 août 1931. Voilà qui permettra de recevoir le charbon des mines du Nord et de diversifier ainsi les approvisionnements de la centrale. Ce raccordement nécessite la création de passages à niveau strictement réglementés. Un homme muni d'un drapeau rouge précédera la locomotive tandis que deux signaleurs, en amont et en aval, devront avertir le chef de convoi de l'arrivée de véhicules, ceux-ci restant prioritaires... 


Dans cette cité nouvelle, la vie sociale va s'organiser. En 1931, on construira une coopérative
De 1921 à 1931, la centrale aura fonctionné de 6h à 18h avec des groupes turbo alternateurs de 5 MW alimentés en vapeur.
La nuit et le week-end, c'est un dispositif de 1,5 MW qui prend le relais. En 1931 entrera en service un nouveau matériel. Mais l'usine tournera au ralenti jusqu'en 1933 en raison des délais mis pour réaliser les réseaux de transport et de distribution.
(Image : le château d'eau en haut de la côte Béchère).
Si les années 30 sont marquées par une crise économique, depuis l'effondrement de Wall-Street, la SHEE en a réduit la portée grâce à ses investissements et ses ventes de courant sont en constante augmentation. La société a continue la fabrication et la vente des agglomérés et des briques de mâchefer. Les agglomérés sont faits à froid par simple moulage et les briques, moulées à froid, sont cuites ensuite à l'autoclave.
Les agglomérés comme les briques constituent des matériaux de premier choix susceptibles d'être utilisés dans les constructions de toutes catégories.
Pour faire face à la demande, les sociétés d'électricité de Haute-Normandie s'unissent dans les années 30 pour interconnecter leurs réseaux et importer le courant produit par les régions de forte production. Dans ce but est créée la Société normande d'interconnexion (SNI). A la veille de la Seconde guerre, le partage de l'énergie venue d'ailleurs se fera à partir du poste de La Vaupalière.
La qualité des produits les a imposés non seulement dans la région avoisinant l'usine de Yainville, mais dans un rayon d'action beaucoup plus grand s'étendant jusqu'à Lillebonne, Yvetot et Rouen. La société écoule la totalité de sa production de mâchefer, transformant ainsi en un élément de recettes intéressant des résidus jusqu'ici inutilisés

L'accident de septembre 31


Des ouvriers de la SHEE sont au travail sur un échafaudage installé à une hauteur de sept mètres. L'un d'eux, Georges Martin, célibataire de 23 ans demeurant Jumièges, porte un sac sur le dos, se retourne, pose un pied dans le vide et perd soudain l'équilibre. Il s'écrase, avec le poids de sa charge, sur une chaudière en construction et succombe aussitôt.
"Voici donc deux accidents qui prouvent le manque de moyens de sécurité dans les chantiers, s'insurge l'Humanité du 11 septembre. Une fois de plus, il est utile de rappeler le mot d'ordre de la CGTU pour la création de délégués de chantiers à la protection."



Le 17 septembre 1931, M. Naud, ingénieur en chef du contrôle des distributions d'énergie électrique, un organisme relevant des Pont & Chaussées du département de la Seine-Inférieure, adresse un dossier à chacune des communes du syndicat de Duclair-Rive gauche. A la demande de la Société normande d'électricité, dont le siège est 25, rue de Courcelle à Paris et qui détient la concession intercommunale du syndicat, on soumet aux maires le projet d'implantation des lignes à haute et basse tension nécessaires à l'électrification de cette partie du canton. Sont concernées les communes de Mauny, Ambourbille, Berville, Anneville, Bardouville et Yville. Ainsi, en 1932, le courant alimentera l'école d'Anneville, le presbytère, la mairie...



La mise en place des cheminées est intervenue en août 1931. Ici une carte postale éditée par le café Legendre, situé sur l'autre berge, à Heurteauville.

Le Matin du 18 octobre 1931 donne ce fait divers. Yainville. Un chef d'équipe. M. Charmelot 59 ans. est écrasé par la chute d'une gaine en ciment armé de 14 tonnes, dont il commandait la mise en place.
Charmelot était chef d'équipe à l'entreprise Générale de Paris. Cette gaine était manœuvrée à l'aide de moufles et de crics pour venir coiffer des poteaux en ciment. Une élingue qui tenait la gaine vint à céder, celle-ci broya une partie du plancher de l'appontement et vint heurter Charmelot qui fut renversé et tomba à la Seine, se faisant de nombreuses blessures sur les différentes parties du corps. MM. Lacombe, ingénieur des travaux publics et Enjoux, surveillant des Ponts et Chaussée qui assistaient à la mise en place de cette pièce organisèrent les premiers secours. Un ouvrier de l'entreprise, M. Moreau, se jeta à l'eau pour repêcher le malheureux qui fut retiré avec précaution et ramené sur l'appontement où il reçut les premiers soins. Le Dr Bourlange, du Trait, décida son transfert à la Compassion, à Rouen, mais en cours de route, l'infortuné chef d'équipe expirait.

Le 7 novembre,  Léon Boutard, 49 ans, employé à la centrale et demeurant près de la mairie du Trait, rentre chez lui à vélo quand il est renversé par une auto. Son conducteur, Fel, de Caudebec, a été aveuglé par une autre voiture plein phare. Et qui continua sa route...

L'inauguration du 25 novembre 1931


Le préfet Desmars entouré de tout  le gratin du monde industriel et politique vint inaugurer l'extension de la centrale après un arrêt à la Société de La Mailleraye. Détail amusant : le compte-rendu que va en faire le Journal du Trait sera entièrement repompé un an plus tard par le Journal de Rouen à l'occasion d'une autre visite de la centrale.

"Monsieur Desmars a tenu à s'arrêter à la cité nouvellement construite par la Société havraise d'énergie et situé à côté de la route de Rouen à Caudebec, avec un point de vue admirable sur le village d'Yainville et la vallée de la Seine dans la direction de Jumièges et des collines de la rive sud.
"La cité comprend trois groupes de sept logements ouvriers qui ont tous l'eau et l'électricité. Chaque logement dispose également d'un petit jardin. La disposition des lieux permettra d'étendre largement dans l'avenir ce commencement de cité. En outre, il a été construit pour les ingénieurs et les chefs de service une grande maison à deux logements et deux villas séparées. En face de cette dernière se trouve le vaste bâtiment de la coopérative où va être installé le magasin actuellement situé dans une dépendance de l'usine et qui distribue déjà au personnel, à des prix très bas, les principales denrées alimentaires.
La coopérative comprend des salles-réfectoires pour le personnel et des chambres qui sont destinées aux célibataires.
L'ensemble de la cité est desservi par de larges routes bordées de dortoirs, agrémentés de pelouses et plantées d'arbres fruitiers.


Chaque logement dispose de l'eau et de l'électricité et en outre d'un réseau d'égout pour l'évacuation des eaux usées.




La cité en 1932.

Remontant en voitures, le groupe des industriels, guidé par M. Desmars, est descendu à l'usine.

La visite commença par la salle des machines où sont installées actuellement cinq unités : deux turbines Oerlikon de 5.500 kw, une turbine d'appoint de 1.500 kw et enfin deux turbines de 15.000 kilowatts. L'attention est surtout porté sur ces deux dernières unités qui fonctionnent à haute pression, la vapeur à l'admission étant de 35 kg et à 400° de surchauffe. Ces deux groupes, rajoutera le Journal de Rouen un an plus tard, forment un ensemble impressionnant si l'on songe que la partie mobile ne pèse pas moins de 20 tonnes et tourne à 3.000 tours-minute.
C'est, poursuit le Journal du Trait, ce matériel très moderne de conception et d'exécution qui constitue actuellement la base de la centrale.


1932 : la centrale vue de la rive gauche.

"Après un rapide coup d'œil aux disjoncteurs à 30.000 volts et aux tableaux de commande, les visiteurs se rendirent à la salle des pompes alimentaires et à la chaufferie. Les pompes refoulent aux collecteurs  la pression de 45 kg l'eau dégazée et réchauffée. Ces pompes sont au nombre de trois, deux sont commandées par un moteur électrique et la troisième par une petite turbine à vapeur.

" Dans la chaufferie, qui est maintenant nette et claire, parce que les silos à charbon sont très élevés et dominent de très haut la rue de chauffe, les visiteurs virent fonctionner les chaudières nouvellement installées qui sont destinées à alimenter les turbines les plus récentes. Ces unités sont au nombre de quatre. Leur surface de chauffe est de 575 m3. Elles proviennent de l'usine de Alsthom, à Belfort. Elles peuvent produire chacune à l'heure 28 T de vapeur à 35 kg et à 425°. Ces unités sont complétées par des économiseurs en fonte fabriquées par les Hauts Fourneaux de Pont-à-Mousson. La combustion de charbon se fait sur grilles mécaniques de la Société anonyme des foyers automatiques, les grilles sont soufflées au moyen de ventilateurs, de même, l'évacuation des gaz chauds se fait par un ventilateur à commande électrique.
L'ensemble des commandes de ces chaudières est rassemblé sur un tableau à portée immédiate des chauffeurs, tableau qui comprend également des appareils de contrôle qui vérifient et enregistrent la pression des ventilateurs et diverses températures du circuit des gaz ainsi que la température de l'eau et de la vapeur en plusieurs endroits.
Enfin, les analyseurs automatiques de gaz renseignent sur la combustion. Les visiteurs ont pu constater combien la conception est moderne et combien est devenu facile le travail de la chaufferie.

"En effet, la manutention du charbon se fait automatiquement. A partir du moment où celui-ci arrive sur les péniches ou navires en Seine, jusqu'au moment où il est brûlé dans les chaudières, l'intervention humaine se borne à un contrôle. Le déchargement s'effectue par une grue sur portique alimentant un autre portique de parc qui permet le stockage et la reprise du charbon. Ensuite, le charbon est transporté jusqu'au niveau de la chaufferie par un tapis roulant horizontal souterrain, puis repris par une chaîne à godets qui élève le charbon jusqu'à la rue de chauffe, de là, il est distribué dans les différents silos au moyen d'un autre tapis roulant à système de basculage spécial qui dépose le charbon à l'endroit où on en a besoin. Le charbon descend alors par gravité jusqu'aux trémies en passant par des bascules automatiques, ce qui permet un contrôle serré de la dépense de charbon pour chaque chaque chaudière.

"En fin de journée, les visiteurs jetèrent un coup d'œil d'ensemble sur les travaux en cours au nouvel appontement. Cet immense chantier apparaissait la nuit d'une façon très nette, tout illuminé par des lampes électriques éclairant les ouvriers occupés au coffrage et au ferraillage de la super-structure.
Cet appontement qui est exécuté par la Société générale d'entreprise, aura environ 100 mètres de long et permettra, par le tirant d'eau existant devant lui, de recevoir des cargos de 6.000 tonnes quand le besoin s'en fera sentir.
Cet appontement recevra un portique de déchargement du charbon, il sera en outre desservi par une voie ferrée raccordée à l'embranchement particulier de la centrale."


19 janvier 1932 : arrivée d'un train de péniche. Fin 32, le premier navire à accoster au nouvel appontement sera le charbonnier anglais Smerdis.


Maintenant, la situation est-elle si florissante que cela à Yainville ? Certes, des usines se sont installées sur son territoire, mais par une délibération du 28 février 1932, la commune, "en prévision d'un débauchage probable aux chantiers installés dans la commune décide de s'affilier à la caisse départementale de chômage." Le même jour, au Mesnil-sous-Jumièges, des ouvriers de la centrale demandent à la municipalité des cartes de chômage.

Le garage en feu !



Les premiers mois de l'année 32 furent marqués dans la région par trois accidents de voitures tombant en Seine à la cale des bacs. Lambert, à Duclair, participa aux recherches d'une des victimes en fournissant un projecteur. Mais la centrale va encore connaître sont lot de faits-divers.
9 mars 1932.
Un violent incendie d'une extrême violence s'est déclaré mercredi matin vers cinq heures dans une dépendance de la station centrale d'électricité de la Société Havraise.
Il s'agissait d'un bâtiment de 30 mètres de longueur construit en planches, parqueté et couvert en bois et carton, bitumé à usage de magasin de matériel, atelier de réparations et garage d'automobiles.
L'alarme fut donnée par des employés de l'usine logeant à proximité du bâtiment en flammes, mais, malgré une rapide intervention du personnel et la mise en action du service d'eau de la station, aucun sauvetage ne pût être opéré.
Les dégâts, exclusivement matériels, sont très importants. Outre trois voitures automobiles et un important outillage d'atelier de mécanique et d'ajustage, une réserve très important de matériel électrique, transformateurs, disjoncteurs, compteurs, moteurs, fils de cuivre et sous plomb, isolateurs, raccords, etc. ont été complètement détruits et la valeur de tous ces objets s'élève à 500.000 F environ.
Les causes de ce sinistre sont inconnues et le service de ronde et de surveillance qui fonctionne chaque nuit ne remarqua rien d'anormal lors de ses différentes tournées d'inspection. Quelques explosions ont été entendues aux environs. Elle provenaient vraisemblablement de l'éclatement des réservoirs à essence des voitures ou de récipients contenant quelques produits inflammables.
Une comptabilité importante de magasin est totalement détruite. La chaleur fut intense et des pièces de bronze soudées entre elles sous l'action du feu forment des lingots à l'aspect bizarre.
Fort heureusement, le temps calme et l'absence totale de vent ont permis aux sauveteurs de circonscrire le foyer à ce seul bâtiment et d'en préserver un autre construit de même façon et situé seulement à quelques mètres de distance.
La gendarmerie de Duclair, informée vers 8 heures, dépêcha sur les lieux les gendarmes Letoré et Lecaudrey qui procèdent à une enquête minutieuse.

Le chauffeur tombe dans la trémie


Lundi 19 juillet, 4h du matin : le charbon, humide, coule mal. Yves Gourvest, 41 ans, chauffeur, est monté sur la passerelle du silo pour piquer le charbon aggloméré contre les parois. Il est seul. Tout à coup, ses camarades de la chaufferie l'entendent appeler à l'aide. L'alerte est donnée, le personnel est peu nombreux à cette heure, mais tous se portent au secours du Breton. On le découvre, tombé dans la trémie, le corps recouvert de charbon. Alors, on lui lance un tuyau auquel il s'agrippe. Mais au moment où on allait le sauver, un nouvel éboulement recouvre entièrement la victime. Vite, à l'aide de pelles, on tente de le dégager. Vains efforts. Le charbon s'éboule au fur et à mesure qu'on l'enlève. Il fallut alors vider le charbon par deux autres goulottes. Cette opération prit du temps et après avoir retiré 150 tonnes de combustible on peut enfin dégager Gourvest. Le Dr Roussel, de Duclair, alerté entre temps, prodigue inutilement ses soins. Yves laisse une veuve et trois orphelins. L'inhumation a lieu le jeudi à Yainville en présence d'une foule nombreuse et émue.

Le 18 septembre 32, les inquiétudes exprimées voici peu s'estompent avec le projet d'implantation d'une fabrique de matières grasses près de la centrale. "L'usine projetée paraît conçue avec toutes les précautions hygiéniques désirables," observe le conseil municipal, "l'importance de cette usine permet de prévoir l'emploi d'une nombreuse main-d'œuvre non-spécialisée." Et puis c'est tout bonus pour le budget communal.

La visite d'octobre 1932


Le 4 octobre 1932,  alors que l'usine vient de tripler sa puissance, elle reçoit la visite de l'Union des industries diverses de la région havraise. Lambert est absent et c'est Jacques Maurier ingénieur et sous-directeur, qui représente la centrale. Tout commence par un déjeuner à l'hôtel du château de Caudebec. Il rassemble entrepreneurs, politiques, hauts fonctionnaires, dont le sous-préfet.  Après les discours, les visiteurs s'arrêtèrent à la cité ouvrière. Le Journal de Rouen va recopier à la lettre ce qu'avait déjà écrit un an plus tôt son confrère du Trait. Belle supercherie. Les journalistes rouennais se content de réactualiser cet article avec quelques rajouts tout en indiquant que l'appontement est terminé.
Cette construction en béton armé d'une longueur de 100 mètres environ et d'une largeur de 20 mètres permet de recevoir des bateaux de plus de 6.000 tonnes. Il est complété par le portique de parc à charbon et par la voie ferrée qui vient jusqu'à l'appontement même. Cet ensemble est installé de façon que l'approvisionnement en charbon de la centrale puisse être fait sans aucun à-coup par voie d'eau ou par voie ferrée.



Ah ! Le site industriel de Claquevent a aussi ses mauvais sujets. En octobre 32, un frappeur d'Heurteauville vole la montre de son camarade de travail resté dans un paletot accroché aux vestiaires. Il part purger un mois de prison.
En octobre, le charbonnier anglais Smerdis inaugure le nouvel appontement de la SHEE. C'est le premier navire de mer qui stoppe devant cette installation de 80 m de long située au km 299.500 et construite en ciment armé. Auparavant, la centrale recevait son charbon par péniche avec transbordement. Cette plate-forme aurait pu être inaugurée de plus triste manière. Sorti de l'hospice de Caudebec, Louis Lefebvre, 61 ans, s'était jeté dans la Seine de l'appontement et on ne sait comment il fut sauvé. En revanche, on le retrouva pendu quelques jours plus tard à Heurteauville, sa commune d'origine.
Bref, la centrale d'Yainville fait parler d'elle dans la région. Reste que devant cette manne tombée du ciel, la municipalité à tout de même ses exigences. Le 18 novembre 1932, "
le conseil refuse de vendre, au prix offert, le chemin vicinal passant devant son usine à la Havraise d'énergie électrique..." On finira par se mettre d'accord le 8 avril suivant.

La suite : L'avant-guerre


 
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