Le dimanche 18 février 1798, à Yainville, on planta un nouvel arbre de la Liberté. Le premier n'avait pas survécu. Compte-rendu de la cérémonie.

Aujourd'hui, trente pluviose an six de la république française une et indivisible, à trois heures d'après-midy, sur la place publique de la commune de Yainville, d'après l'invitation du citoyen Le Sain, agent municipal et du citoyen De Lepine, son adjoint, tous deux domiciliés audit lieu, se sont réunis en armes tous les citoyens composant la garde nationale et les citoyens préposés aux douanes de ladite commune pour planter un arbre de la liberté en remplacement de celui précédemment planté et peri par accident, lesquel arbre a été donné par le citoyen Estienne Desrains, propriétaire de la commune de Jumièges dont la générosité a donné le choix sur tous les abres existant sur son fond, attendu qu'il ne s'en est point trouvé dans la commune de Yainville propre à la chose.

Quelques jours plus tôt, pour les mêmes raisons et avec un texte et un cérémonial pratiquement identiques, Jumièges avait également replanté son arbre de la Liberté.

A Yainville, le cortège s'est rendu au manoir, derrière  l'église où résidait le Sain puis revint devant Saint-André,, sur la place publique, pour planter l'arbre de la liberté.

Le cortège ainsi réuni s'est transporté avec pompe chez le citoyen agent où était déposé ledit arbre, il est trouvé le citoyen Michel Le Villain, assesseur de la dite commune, l'arbre a été pris et porté par un vieillard âgé de soixante douze ans de ladite commune avec d'autres Républicains.

Lesdits citoyens agent et adjoint municipaux et assesseur cy dessus dénommés se sont fait une gloire de toucher pendant toute la marche l'arbre qui est l'emblème de la liberté dont ils sont les soutiens.

Le cortège de retour sur la place publique a confié au vieillard le soin de planter le susdit arbre et l'a placé dans l'excavation à ce destiné et la soutenu pendant que d'autres Républicains ont achevé la plantation.

Des décharges de mousqueterie

Après quoi les citoyens agent et adjoint muncipaux ont fait placé auprès dudit arbre un Banquet où tous les citoyens se sont approchés et ont crié, Vive la République, Vive la Constitution, Vive Buonaparte, un roulement de caisse long tems prolongé et plusieurs décharge de mousqueterie ont retenti dans les airs.

Une chanson patriotique analogue à la circonstance a été chantée par les citoyen agent et adjoint municipaux, et repetés par tous les citoyens et a été suivies de danses et de jeux.

On danse toute la nuit

Ce fait, tout le cortège dans le même ordre ont reconduit les citoyens agent et adjoint municipaux en leurs domicille on a fait une décharge de mousqueterie et les cris ont redoublé de Vive la République et Vive l'agent et l'adjoint municipaux de la commune, les danses ont été continués dans une grande partie de la nuit et les Republicains se sont glorifiés de la fête que leur avait donné les citoyens agent et adjoint municipaux.

Ainsi fait et signé à Yainville les jour, mois et an susdits et sera le present procès verbal déposé aux archives de l'administration municipale du canton de Duclair.

Le Sain
agent
 De L Epine
 adjoint

NOTES

Etienne Desrains était propriétaire de la grande dîmière d'Heurteauville depuis le 28 janvier 1791.

La famille Delépine est issue de Geroges et Marie Rose Boutard. A Yainville, on lui connaît Jean, né à Jumièges le 17 juillet 1777, qui épousa à Yainville Marie Marguerite Masson le 21 prairial de l'an 9. Martin Georges, qui épousa à Yainville  Marie Geneviève Tiphayne, le 25 germinal de l'an 4. Enfin Marie Catherine qui épousa à Yainville Pierre Lafosse le 19 février 1787.

Michel Le Villain est fils de Michel et Marie Madeleine Clément. Il a épousé à Yainville Marie Marguerite Fleury le 7 février 1780.

François Lesain : voici sa biographie



Abbé Henri Grégoire. Essai historique et patriotique sur les arbres de la liberté. Paris, an II, in 18.
« Dans un grand nombre de communes de France, à l'époque de la Révolution, on planta des arbres destinés à rappeler, ainsi que de véritables monuments commémorâtes, l'avènement des libertés nouvelles. C'est ce qu'on appela dans le langage du temps les arbres de la liberté (...) A Paris, dés 1791, on comptait deux cents arbres de la liberté. C'était devenu bien vite un prétexte à réjouissances et à manifestations. Le jour de l'inauguration, devant l'arbre enrubanné, fleuri, décoré d'inscriptions, on prononçait des discours, on débitait des strophes patriotiques, les enfants chantaient des chœurs, puis la cérémonie s'achevait par des danses et un banquet. En mai 1792, à l'époque où nos ennemis redoublaient d'efforts, on vit dans toutes les communes des arbres élever leurs têtes majestueuses et défier les tyrans ; le nombre de ces arbres monte en 1794 à plus de 60 000, car les plus petits hameaux en sont ornés, et beaucoup de grandes communes du Midi en ont dans presque toutes les rues et même devant la plupart des maisons. »

La Grande Encyclopédie, tome 2., p. 589-591

  « La tradition des arbres de la liberté reparut en 1830, puis en 1848 : la France en fut couverte. En 1870, après la proclamation de la République, on planta de nouveau quelques arbres de la liberté, surtout dans les villes du Midi. »

Source : ADSM, Cote L3220. Recherche et numérisation : Josiane et Jean-Yves Marchand, transcription : Laurent Quevilly.