Par Laurent Quevilly-Mainberte
En juillet 1818, Dawson Turner descendit dans une auberge de Duclair. De là, il visita Boscherville et Jumièges. Et dut passer très vite devant l'église d'Yainville. Car voici ce qu'il en dit...


L’église de Yainville diffère sensiblement des deux autres [celles de Léry et Pavilly] : sa tour centrale carrée et basse a une base bien plus large que celle de Léry. Les bras du transept ont été démolis ; et au-delà de la tour, vers l’est, ne subsiste qu’un ajout qui ressemble davantage à une abside qu’à un chœur — un petit édifice semi-circulaire, coiffé d’un toit à pente extrêmement aiguë, semblable à ceux des chapelles en pierre que l’on trouve en Irlande. 
J’espère pouvoir vous démontrer par la suite que ces dernières étaient incontestablement d’origine normande.

John Sell Cotman accompagnait Dawson Turner. Il signa ce dessin le 3 juillet 1818. Les proportions de la tour ne sont pas  respectées, la ferme-manoir a disparu. Ce dessin est conservé... à New-Haven ! Mais dans le Connecticut au Centre d'art britannique de Yale, la plus riche collection du genre en dehors de Royaume-Uni.

Mais le trait le plus curieux de ce bâtiment, c’est qu’un de ses contreforts est percé d’une étroite fenêtre en lancette — preuve irréfutable que les Normands considéraient les contreforts comme faisant partie intégrante de l’édifice dès sa construction initiale, et qu’ils ne les ajoutaient pas ultérieurement dans l’éventualité d’un affaiblissement de la structure. 
En vérité, ce que l’on appelle généralement des contreforts normands — comme ceux que l’on trouve à Yainville et à l’hôpital des lépreux de Saint-Julien — présentent un si faible ressaut qu’ils semblent avoir été conçus bien plus pour ajouter un ornement ou une variété visuelle que pour répondre à une fonction véritablement structurelle.

Sa biographie

La description est rapide. Trop peut-être. La tour n'est pas centrale. Et d'où Turner tient-il que les bras d'un transept ont été démolis, que l'abside constitue un rajout ?... Quarante ans plus tard, Anthony Lower, son compatriote, contestera cette description ainsi que celleRichard Charles Hussey (1806–1887), un architecte britannique spécialisé dans les édifices religieux du Moyen Âge. Lui aussi a vu une tour centrale...

Né à Great-Yarmouth en 1775, Dawson Turner était un banquier britannique passionné de botanique et d'antiquités. Il a publié plusieurs ouvrages scientifiques, notamment A Synopsis of the British Fuci (1802) et The Botanist’s Guide through England and Wales (1805), contribuant ainsi à l'étude des algues et des plantes au Royaume-Uni. 
Il a également collaboré avec l'artiste John Sell Cotman pour documenter les antiquités architecturales de la Normandie. 
Turner était un mécène influent et a entretenu des liens familiaux avec des figures éminentes telles que Sir William Jackson Hooker, directeur des jardins botaniques royaux de Kew, et l'historien Francis Palgrave.


Laurent QUEVILLY



SOURCES



Turner a publié sa description de l’église de Yainville dans Account of a Tour in Normandy, 1820
. Cette notice figure dans la Lettre IX du Volume I adressée au révérend James Layton, à Catfield. La description de Jumièges constitue la Lettre XV du volume 2.





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