Par Laurent Quevilly-Mainberte

Un livre de compte ! Pour toutes mémoires, c'est qu'a laissé derrière lui Patrice Costé, l'ancien maire d'Yainville des années 1900. Mais sous la sécheresse des chiffres fourmillent mille petits détails qui nous éclairent sur la vie du pays...

D'abord, qui est Patrice Costé. Il est né à Yainville le 26 septembre 1824 de Patrice Constant, maître de bâteau et de Caroline Emélie Virvaux, mariés ici quatre ans plus tôt. Les témoins de sa naissance furent deux voisins : Pierre Denis Varin, cultivateur de 36 ans et le garde-champêtre, Jean Louis Benoist, 64 ans.



Adulte, Patrice Costé quitta le pays pour mener carrière dans les Douanes. La retraite venue, il raccrocha son uniforme de brigadier et regagna la maison natale. Là, durant trente ans, il sera conseiller municipal puis maire de 1895 à 1904.


A son retour à Yainville, Patrice Costé est établi sur l'emplacement de la future savonnerie. Il tient là une ferme d'un bon rapport et va développer un commerce de sable et de caillou. Bref, c'est un entrepreneur. Il est le voisin d'Émile Silvestre, maire d'Yainville depuis quatre ans. 
Le carrier de Claquevent règne sur une imposante flottille. Des indices laissent à penser que Costé entretient de bons rapports de voisinage avec l'homme fort du village. En 1880, mais peut-être avant, il a son navire, la Laurentine, du port de un tonneau, lancé en 1874 chez Lefranc, à La Mailleraye. Avant que le journal de Costé ne commence, de 1880 à 1888, c'est au mois d'août qu'il arme chaque année son navire...

1888: la boulangère vient de Duclair


Il est temps d'ouvrir le livre de compte de Costé. Première phrase au dos de la page de garde : "Dimanche 24, mefse à Yain..." Ce n'est pas daté. Costé écrit encore les "ss" comme sous l'ancien régime : mefse...
Messe à Yainville, Costé est donc croyant. On retrouvera une livraison dans son livre "à Monsieur le curé".
Peut-être manque-t-il des pages à son registre. Tout commence brutalement, sans préambule, à la date de Xbre 1888. Là aussi, style vieille France. Septembre s'écrit encore 7bre, Octobre 8bre, Novembre 9bre et décembre Xbre. Souvenir du calendrier romain qui ne comptait que dix mois. Nous sommes pourtant au seuil du XXe siècle.


Durant l'hiver 1888-1889, les dépenses engagées par Costé portent sur du charbon de Cardif qu'il règle à Leseigneur fils. Il l'achète par 500 kg. Mais aussi des razières de Coke et de poussier.

C'est Mme Rollin, la boulangère de Duclair qui apporte le pain. Une ou deux miches de six livres à chaque passage. On la paye généralement tous les trois mois.

Augustin est alors le domestique de la maison, payé 15F le mois. La somme est versée à Mme Buré.

Costé achète régulièrement de la farine d'orge et du son pour ses bêtes. Le 9 novembre 88, on envoya la vache au taureau. Résultat: "Nul".

1889: les journées de lessive


 
Le 8 janvier 89, Costé fait l'acquisition d'un crible à caillou, le 22 d'un porc. Ce même mois, Costé paye cinq jours de travail à un certain Poignant. Il va verser des journées jusqu'en juillet à M. (ou Mme Lecoq). Mais aussi des journées de "grange", de "laveuse" et de "lessive". En mars on réglera quatre jours à Poignant "pour les arbres".

1er février 89. "La vache est retournée au taureau".

Février 89. Costé vend pour 75F plusieurs mines de seigle et d'orge ainsi que deux bottes de paille longue.

28 avril. La vache retourne au taureau. Toujours nul.

Le 31 avril 89, achat de 100 paquets de "jomarins" à Lhérondelle pour 10F.

22 juillet 89: "La vache est allée au taureau chez Vétu".

15 août 1889 : Patrice Costé arme son navire, la Laurentine.

12 décembre 89 apparaît pour la première fois M. Maignant comme fournisseur de bottes de foin. Il reviendra encore dans les comptes avec aussi des bottes de paille d'avoine.

Au final, pour 1889, Costé récolta 186 bottes de trèfle de pays, 528 de trèfle rouge et 549 de foin.

1890: il fait couvrir sa maison


3 janvier 1890: achat de peinture à M. Collemberg.

Le 7 avril 90, un nouveau domestique, Léon Decaux, fut engagé. On fixa ses gages à 170F par an. Il fit son entrée à la maison le 15 mai 90.

"La vache a vêlé le 2 mai 1890, amené une génisse vendue 65F".

16 juillet (sans indication de date. 1890 sans doute): "La vache est allée au taureau chez Albert Jeanne".

Été 90: "Le fils d'Orléans est entré en travail de réparation le 30 juillet..." En tout pour neuf journées.

15 août 1890 : Patrice Costé arme son navire, la Laurentine.

Le 25 août, Costé paya à Émile Dorléans 63,26F pour journées et fournitures. Costé nota 1 hectolitre de pommes de terre le 19 août pour 7F. Une même quantité le 26 pour 5,50F.

7 Septembre 1890. Costé reçoit d'Alphonse Grain 52 bottes de paille "pour couvrir le 16 septembre" (30F) et deux paquets de volette. Alphonse Grain sera la victime d'un fait-divers sordide six ans plus tard. 

17 septembre; 16 bottes de paille et deux paquets de volette.

30 septembre : 17 bottes de paille de blé. Costé avance ce jour-là 50F
à Grain .

14 octobre 90: le paiement du pain à Mme Rollin s'effectue "devant sa demoiselle".

19 octobre: réglé à M. Grain Alphonse 114 botte de paille 70F et une mine de blé 22F, soit 92F "compris les 50F qu'il devait."

28 octobre 1890: "payé à M. Émile Duval 93,50F pour travaux de couverture de chaume."

Fin décembre 90, Mme Neal vint en journée. Du vendredi 24 au 29. Ce jour-là, on fit appel aussi à MM Dorléans et Manœuvre.

Il arrive que le pain soit refusé (une fois un pain, un autre jour les deux). Ou qu'il ne soit pas livré (10 novembre, 1er décembre 90).

Au final, pour 1890, Costé aura rentré 800 bottes de fourrage minette. Cette année-là, on aura vu partir le dernier curé de Yainville, l'abbé Enault. Le presbytère est vide. Ce sera bientôt la mairie.

1891: Il loue une tranchée au carrier


En 1891, Patrice Coste fit procéder à un nouveau recensement de la population. Avec sa femme, il avait pour domestique Léon Decaux, 18 ans. Yainville comptait 294 âmes, 71 maisons, 72 ménages.

Février 1891. Costé reçoit de Pierre Cauvin 75F pour la tranchée qu'il lui loue. On retrouvera ces encaissements tous les six mois dans les années qui suivent. Cette tranchée, est-ce la carrière Cauvin, à l'entrée du Trait ?


La propriété Cauvin au premier plan. A l'arrière se trouve une écurie. A droite, plus en retrait, l'ancienne école des filles.

Costé perçoit aussi tous les ans une rente de Mlle Julie Marie, échue à la Noël.

En mars 91, on note huit passages de la boulangère dans le mois. Cinq jours, on lui a pris un pain, et trois jours deux. Le 4 avril, 36F  de pain , manifestement pour trois mois, furent réglés à la boulangère "avec les œufs". Régulièrement, Costé achète des œufs de caillotte.

Avril 91. La boulangère est appelée Mme "Veuve" Rollin.

Mai 1891. Costé reçut de M. Maignant une cinquantaine de bottes de paille, tant longues que courtes.

28 mai 1891: "Tambour a passé à la visite pour la remonte, passé 5e classe. Il est âgé de huit ans". C'est le cheval de la ferme. Celui qui sert certainement aux déplacements en voiture de Patrice Costé. La remonte, c'est le recensement des chevaux effectué par l'armée. On dispose d'une photo prise à Jumièges.

 Le 30 mai : "vendu à M. Grullé Alfred, cultivateur au Sablon, Jumièges, la vache achetée à Sainte-Marguerite." (225F). Alfred Grulley ! Il était le gendre de Pierre Vital Ouin, un homme qui, en 1876, a abattu sa femme avant de se donner la mort.

11 juin 91. Costé achète à la foire de Saint-Barnabé, à Bourg-Achard, une vache à son 2e veau. 275F. "Elle a vêlé le 17 juin, amené une génisse".

Un cahier de comptes étranger au livre dont nous parlons et d'un format supérieur renseigne sur la production fruitière de l'entreprise Costé. Parmi les fruits tendres, de juin à fin août, il produit de l'agriotte, de la cerise ou encore du "bigaro" commercialisés en "basquettes", des mûres, des poires Madeleine, des prunes précoces, des prunes de blanc. Le 30 juillet, il note 22 basquettes gaillon "pour l'Angleterre". On trouve encore dans ses basquettes des prunes rognon de coq et violette, Manifestement, Costé fait le marché de Duclair. Il livre des clients répondant aux noms de Fleury, Bouchard... La saison rapporte 578F.

26 juillet 91. "La vache est allée au taureau chez Paul Groult (nul)".

Juillet 1891. On voit que Léon Decaux est toujours employé. A ses côtés, engagé par quinzaines, Avis Rollin travaille aussi sur l'exploitation. Il sera encore là fin septembre. En fin de carnet, on apprend que la casquette d'Avis est trop petite.

9 août 91. Costé verse 40F à "Ybert père" pour la réparation du banneau. Nous connaissons Jules Ybert, le forgeron de Jumièges, présent sur une photo du 4 mai 1909 où sont réunis cinq gaillards de 100 kg. Jules Ybert était aux côté de Jules Martin quand ce dernier assassina le maire de Jumièges, le 14 juillet 1910.

15 août 1891 : Patrice Costé arme son navire, la Laurentine.

22 septembre 91: "La vache est allée chez Albert Jeanne".

30 septembre 1891, le ramoneur de Sainte-Marguerite vint nettoyer la cheminée de la maison et celle du four. 90F. Le même jour, "envoyé à Léon une lettre, id. envoyé ses effets".

1er octobre 1891: "Loué Avis Rollin 16F par mois".

Octobre, le mois des pommes. Costé a MM Fillon, Lejeune pour clients.Les variétés? Reinette de Caux, pomme pigeon, Canada d'hôpital. Il fournit aussi des pommes à brasser.

25 novembre, Costé paye à Martin 49 bottes de foin. Le jour même, il livre à Hamel 14 bottes d'osier qui lui sont réglées le 27 pour 17F.

En 1891, Costé aura récolté 90 bottes de trèfle, 650 de foins qui s'ajoutent à 230 notée "Ancien". Il ajoute encore dans sa liste 22 bottes de foins, 66 gerbes de seigle, 103 d'orge et 190 d'avoine.

1892: il répare sa voiture


5 mars 1892. Costé reçoit deux pioches et deux coins.

En avril, du 19 au 28, Costé effectue huit livraisons de sable à M. Pierre pour un total de 75F. Manifestement par baneaux
Ces livraisons se poursuivent en mai, du 5 au 24, pour le même client. Parallèlement, du 9 au 23, jusqu'à deux voyages par jour sont effectués pour M. Pontif, à Jumièges. Un voyage est même opéré le dimanche 22 mai.

Patrice Costé a besoin de réparer sa voiture. Les matériaux transitent par chez Silvestre.

"Fournitures prises pour la voiture chez M Sylvestre
17 mai: 2,75m bois de chêne pour le limon de la voiture, 1 boulon 9cm, 2 vis à bois 8cm, 1 crampe.

3 juin : 2 pitons en fer 16 cm."

La saison des fruits tendres reprend. Avec de la cerise agriotte, de la sûre, du bigaro, de la Reine Hortense, "gaillon pour l'Anglais". Cette expression reviendra encore avec pour variante "Langlais". Désigne-t-elle un négociant britannique ou tout simplement un quidam de ce nom.

14 juin 92: "La vache Caillot est allée au taureau chez Alphonse Leroy. Payé 2 F la saison (nul)." Alphonse Leroy! Dans 8 ans, il sera élu maire du Trait.



En fin de carnet est noté sous la date de 1892: "Été, chemin de fer du Trait, arrivée de Caudebec au Trait, matin 6 heures 20 minutes, dix heures 8 minutes, après dîner, 4 heures 10 minutes, soir 8 heures 15 m."

5 juillet: "Caillot a été au taureau pour la seconde fois chez Alphonse Leroy (nul)".

Juillet 92. Avis Rollin est toujours là. "La vache est allée au taureau chez Poulard, au Taillis (saignée)."

8 août: "vendu le veau de Caillot âgé de 2 mois et demi 140F. Acheté le même jour un porc de lait 29F."

"Entrée Angelina le 9 août 1892." Voilà une nouvelle domestique à la ferme.

15 août 1892 : Patrice Costé arme son navire, la Laurentine.

17 août: "La vache est retournée au taureau chez Alph. Leroy".

15 septembre: "vendu ledit porc 83F". C'est celui qu'il avait acheté en août pour 29F.

Le 22 septembre, on marqua à Yainville le centenaire de la bataille de Valmy.

1893: une nouvelle boulangère


14 mars 93.
"Payé à M. Grain une mine de blé, une demi quart de foin" (sic)." Le tout pour 20 et 5F.

25 mars 1893. "La vache a avorté d'un veau. Vendu à M. Eliot la vache 245F".

3 avril 1893. "Acheté une vache à M. Elliot, boucher. Une vache de 5 ans à son 3e veau, 400F, soit-disant en terme le 20 avril".

"Angelina est partie malade le 5 mai 1893." Elle revint le 18 mai.

24 mai 1893; "La vache Caillot a vêlé d'un mâle".

29 juillet 93. Si, en janvier dernier, Costé a encore réglé Mme Veuve Rollin, la boulangère de Duclair, il verse cette fois 34 F à Mme Lenormand pour 39 pains de 6 livres.

15 août 1893 : Patrice Costé arme son navire, la Laurentine.

1er septembre 93. Le ramoneur de Sainte-Marguerite est encore de passage chez Costé. Il nettoie la cheminée de la cuisine et celle du four.

"Payé à Angelina le 18 octobre 1893 le dernier mois qu'elle a fait chez moi".

"Le 1er octobre, engagé chez moi Ernest Mauger à raison de 12F par mois. Payé son premier mois le 5 novembre 1893."

15 novembre 93: "Acheté un porc de lait 28F". Il sera revendu le 5 février suivant 43F.

En 93, Costé acheta "1 plateau pour limon de la voiture."

Une carte de visite est glissée dans le livre de comptes de Costé. Celle d'Auguste Toussin, greffier du 2e canton, membre de la commission centrale des greffiers de France. Il habite 9, rue de L'Epée, à Rouen.

1894: il est élu maire !


15 janvier 1894. Ce n'est plus Pierre Cauvin qui verse les 75F de loyer semestriel pour la tranchée. Mais Mme Veuve Cauvin. Très vite, les versements seront effectués ensuite par Georges Cauvin, leur fils à l'évidence.

1894: "M. Calais, pannetier, est entré en ouvrage le 22 janvier à raison de nourriture 9F la semaine."

5 février 94. Costé verse à Calais 98,50F pour "50 couverts de basquettes, 2 paniers de 2 razières, 12 tourilles et 100 basquettes."
Calais, se prénomme Louis Alexandre Onésime, originaire de Lisieux, 24 ans cette année-là. Il fait en effet profession de vannier. L'an prochain, il épousera une fille de ma famille, Marie-Joséphine Mainberte. Le couple mettra au monde le futur maire de Jumièges, Alexandre Calais.

17 février 1894 Loué la maison à M. Leconte, employé chez M. Sylvestre, la somme de 110F par a".

Le samedi 10 mars 1894, Costé fut convoqué en mairie du Trait par Chéron, l'adjoint au maire. On veut lui soumettre des travaux. Lesquels ? On ne sait. Au dos de la convocation, Costé a écrit "Le 28 août, pris chez M. Sylvestre 3,66 m de planche, 8 rivets, livré par Leconte".

Mai 94. C'est le mois où Patrice Costé succède à son puissant voisin, Emile Silvestre, dans le fauteuil du maire d'Yainville. Il en était l'adjoint. Silvestre, patron des carrières, vient de décéder brutalement à 56 ans. Avant de procéder à l'élection de son successeur, il fallut compléter le conseil municipal. Costé le présida comme "faisant fontion de maire" et l'on accueillit les sieurs Carpentier et Couteau. Après quoi, il fut élu à l'unanimité. Pour son adjoint,  Beaufils ne l'emporta qu'au bénéfice de l'âge.

15 mai 1894 : Eugène Leconte verse 25,50F pour trois mois de loyer.


"Acheté un beton à M. Jouanne. Le beton a vêlé le 19 mai d'un mâle. Elle est arrivée chez nous le 26 mai".

"Livré Tambour à Jouanne le 28 mai ainsi que la voiture, le banneau et tous les harnais".

13 juin 1894, Costé vend "le fruit tendre à l'arbre" à M. Marc, marchand de fruit et fermier de M. Bellet, à Duclair. Costé ajoute: "Pleine année, remis 50F pour les dégâts de la grêle".  L'homme reviendra  chaque année, au moins jusqu'en 1897.

Juin 1894. H. de Kat, propriétaire à Caudéran, près Bordeaux, adresse une lettre type à Costé. Il est de ces vignerons qui répugnent à passer par des intermédiaires, les prix sont trop bas. Car la récolte a été trop abondante en 93. Alors, il traite directement avec les consommateurs et propose des barriques rendues "franco à votre gare". Au dos du prospectus, Costé s'est exercé à rédiger une délibération concernant les comptes de l'exercice budgétaire du receveur d'Yainville, M. Vallée, pour l'année 92.

"Le 2 juillet, Caillot est allée au taureau chez M. Leroy au Trait". Il réglera la chose en mars prochain.

7 juillet 94. Costé renouvelle son abonnement au Petit Rouennais. C'est un journal radical.

Pour fêter dignement le 14 juillet, Patrice Costé a demandé au préfet des subventions. Seuls 20 F inscrits au budget étaient destinés aux pauvres sous forme de distribution de pain et de viande. Ce sera une délibération constante du mandat de Costé qui aura cette formule récurrente : "Considérant qu'il est désirable que dans toutes les familles on puisse apprendre à aimer
et à chérir cette date mémorable..."

15 août 1894 : Patrice Costé arme son navire, la Laurentine.

21 août 94. C'est encore à Mme Lenormand que l'on paye trois mois de pain.

12 septembre 94. Nouveau passage du ramoneur.

29 décembre 94. "Payé au Petit Rouennais neuf francs pour 6 mois d'abonnement" Il est écrit en dessous: "Le 16, avancé à Mme Barbey 5F sur le mois à sa fille".

1895: Jeanne Vautier entre à la ferme


11 avril 1895:
"La vache Caillot a vêlé d'une génisse après neuf jours de terme".
Du 17 avril au 11 mai, du 14 au 20 mai et du 21 mai et du 21 mai au 19 juin, Costé rémunéra une certain Louis Dreuzes pour 53 heures de travail. Une tâche qui n'est pas précisée si ce n'est quelques francs pour du fauchage.

24 mai 1895 : "La vache est allée au taureau chez M. Lafosse, à Jumièges (nul)".
Mai toujours à propos des fruits tendres Costé note "annonce demi-année".

24 juin: "La vache Caillot est allée au taureau pour la 2e fois (nul)".

15 juillet: "3e fois".

15 août 1895 : Patrice Costé arme son navire, la Laurentine. 

Je ne sais s'il faut attribuer à 1895 ce détail. Les comptes ne se suivent pas dans un ordre rigoureusement chronologique et certaines dates sont dépourvues de l'année. Toujours est-il qu'un 28 novembre, Costé porta une dizaine de chemises à réparer chez Mme Lecoq. 

Le 10 décembre 1895, Costé engagea Jeanne Vautier, 16 ans, native d'Heurteauville, d'une fratrie de onze enfant dont les parents étaient journaliers. Ses gages furent fixé à 12 F par mois. Elle allait bientôt être augmentée de 3,15 F. Puis passer à 25. Mieux: Patrice Costé étant sans descendance, c'est elle qui héritera de la ferme à sa mort. Belle histoire...

1896: On couvre encore la maison


1er mai 1896:
"La vache Caillot a vêlé d'une génisse, support 15 jours".

Mai 1896 toujours: "Vendu à M. Provost, cultivateur, 11 razières pommes de terre à 1F. 18 mai, une génisse 58F". La facture sera réglée le 13 octobre.

19 mai 96: "acheté un cochon de lait 28F. Vendu le 18 août le cochon 60F". Le jour même, Costé rachète aussitôt un cochon de lait. Il sera tué le 6 novembre et pesait, vidé, ses 53 kg. On le débita "à raison de 60 centimes le 1/2 kg".

"La vache Caillot est allée au taureau chez M. Lafosse le 21 juin, un dimanche".

"Le 10 novembre, acheté 2 petits porcs de lait 30F".

20 novembre 96. Louis, couvreur, reçut de Costé 91,80F. La facture fait état de 80 bottes de paille, 3 paquets de vollette. Le même jour, Costé acheta une demi-cent de farine d'orge, autant d'arcoupe et autant de son.

1897 : de grands travaux



A la mairie, Patrice Costé est entouré de MM Emile Carpentier, Emile Delaune, Athanase Leroy, Pierre Levreux, Louis Lucas, Laurent  Mazot, Auguste Masse, Albert Prévost, Achille Chauvin.
..

"Caillot a vêlé d'une génisse le 7 avril à 1h du matin. Supporté 16 jours."


13 avril: "Vendu à M. Provost la génisse 55F". Il réglera le 27 mai suivant.

13 et 20 avril: achat de deux cochons de lait.

Le 11 mai, à midi, Patrice Costé reçoit la veuve Silvestre en mairie. Ils établissent un procès verbal suite à la mort d'un ouvrier aux carrières de Claquevent, Eléonore François Caron, demeurant au Trait.

23 juin 97: "Caillot a été saillie par le taureau à M. Lafosse"

13 juillet: acheté porc 23F.

De fin avril à début septembre 1897, Costé reçu une grande quantité de matériaux. Des pouches de plâtres, des milles de briques, du ciment de Portland, des hectolitres de chaux. Le 20 mai, c'est pour M. Sabatier qu'il prit 4 pouches de plâtre. Dans le même temps, il emploie plusieurs ouvriers pour des journées de maçon. Ils ont pour noms d'Orléans, Le Chantre, Le Manœuvre, Dudouis à partir du 9 juin. Costé note leurs jours de présence, l'heure à laquelle ils s'absentent. 4 mai: "D'orléans parti au train de neuf heures pour aller trouver Sabatier pour le billet de cent francs." Le 4 juin: "Le Chantre parti à neuf heures pour enterrement". On trouve des ouvriers plus occasionnels. L'un, appelé "le nouveau" le 3 mai, le 11 juin: "après dîner, le frère à Maréchal" "1 maçon" le 26 juin.
Cet autre commentaire sans date: "D'orléans a fait prendre 5 pouches de plâtre pour travailler chez Sabatier, pris par Maréchal". Un commentaire daté: "7 septembre, Maréchal a pris et porté chez Provost une pouche de plâtre".

Entre temps, le 27 juin 1897, au conseil, Patrice Costé expose que la fête nationale approche et qu'il convient de conférer un caractère de solennité à cette cérémonie. Seulement, Yainville n'a pas le sou. Aussi sollicite-t-il une aide départementale. Il considère aussi "qu'il est désirable que dans toutes les familles on puisse apprendre à aimer et à chérir cette date mémorable, décide que les deux articles inscrits au budget sous la rubrique fêtes publiques seront employés à faire une distribution de pain et de viande aux indigents."

Pour la première fois, Costé n'arma pas son navire en août. Il est dit en réparation. La Laurentine sera finalement démolie.

Le 17 septembre 97, le nom de Georges Cauvin apparaît pour 8,25 m de caillou. Il n'est pas précisé dans quel sens s'est effectuée la transaction.

La même année, Costé note 679 bottes de luzerne en grange. "Le 9 juillet, 21 quarre de foin nouveau plus 18 bottes sur le grenier de l'étable. " Costé établit à la suite cette liste: récolte 80F, Tarare 8F, outils 10F, brouette 10F, cageots 11F, chaudrons 10F, herse 10F, razière 1/2 8F, loge au chien 147F. Soit un total de 147F.

Le 28 novembre, Patrice Costé préside un conseil qui accorde une aide médicale à Mlle Albertine Barbey et Mme Oscar Barbey. Jusque là, un piéton était rétribué par les Silvestre pour distribuer les télégrammes sur la commune. La veuve Silvestre ayant quitté Yainville, la commune prend le relais.


1898-1900 : un accident !



Le 21 avril 1898, à 11h, Patrice Costé reçut en mairie Louis Persil, chef de chantier pour le compte de Léon Lamy, aux carrières de Claquevent. Blessé la veille par un bloc de pierre, Louis Leboucher, un ouvrier de 60 ans, est mort ce matin.

Le 30 mai 1898, après une étude opérée par l'instituteur, secrétaire de mairie, le conseil décide d'adhérer enfin à la Société de secours mutuel de Duclair. On considère que les ouvriers d'Yainville sont suffisamment payés pour cotiser à une telle caisse alors que jusque là ils sollicitaient de la mairie une aide médicale gratuite. Or, les prestations de la Société sont plus avantageuses et cette formule soulagerait le budget communal.

Le 25 juin, il appuie une demande de dispense d'un rappel sous les drapeaux émanant de Henri Clovis Mutel. Motif : il est chargé de quatre enfants.

14 août 1898. Curieux débat au conseil. La préfecture place la commune devant ce choix : conserver son instituteur ou accepter une institutrice. Cette dernière proposition est rejetée par l'équipe de Patrice Costé. Arguements : la commune a une gare de chemin de fer, un bureau télégraphique, un passage d'eau, elle longe la Seine, environs 80 ouvriers travaillent dans les carrières, les accidents y sont malheureusement fréquents, une vingtaine de bateaux plats y ont leur port d'attache, enfin on compte quinze enfants assistés. Du coup, le secrétariat de mairie a foule de formalités à remplir qui ne se rencontrent pas dans des communes importante. "Il est à craindre qu'une jeune institutrice soit peu apte à se mettre vivement au courant de ces divers services."
Malgré l'insuffisance de ressources de la commune, on souhaite donc que Charles Hébert garde son poste le plus lontemps possible et qu'en cas de départ il soit remplacé par un autre instituteur...

Fin 98. Tous les ans, le conseil municipal établit la liste des répartiteurs de la contribution mobilière. 10 titulaires, 10 suppléants, choisis parmi les propriétaires. Dans chaque catégorie, deux doivent être étrangers à la commune.  A titre d'exemple, Geogges Cauvi, du Trait, est retenu cette année-là. Je vois apparaître aussi sur la liste mon grand-oncle, Pierre Chéron. On compte aussi Edmond Reniéville qui tenait un café en bas de la cote Béchère. C'est ensuite l'Administration qui choisit et nomme les répartiteurs qui établiront les valeurs locatatives des  bâtiments à usage d'habitation.

8 janvier 99 : la commune, qui est chargée de vérifier chaque année les comptes de la fabrique de l'église d'Yainville demande un curé. Considérant
1) que la commune d'Yainville n'a plus de prêtre depuis neuf ans,
2) que Monsieur le Doyen de Duclair étant décédé récemment, Yainville ne va plus pourvoir être desservi par monsieur le vicaire de Duclair.
3) que la commune d'Heurteauville, autrefois desservie par Yainville, n'a pas de prêtre et que Yainville est la commune qui est le plus plus près d'Heurteauville.
4) que la fabrique d'Yainville à une rente de 400 F qui est donnée comme supplément au prêtre de la paroisse,
5) Qu'Yainville a une gare de chemin de fer, une église monument historique, un presbytère avec une cour plantée et un jardin.
6) que la commune est assez religieuse et réclame un prêtre.

Emet le voeu à l'unanimité

1) qu'il plaise à monseigneur le cardinal l'archevêque de nommer un prêtre à Yainville et s'engage à faire tout son possible pour lui rendre le séjour agréable  ;
2) que le prêtre d'Yainville desserve Heurteauville dont la résidence est moins agréable que celle d'Yainville ;
Enfin le conseil accepterait avec grand plaisir Monsieur l'abbé Rivière, vicaire de Duclair, qui bine Yainville depuis plusieurs années et y est connu et très estimé.

5 février 99 : on approuve cette fois une demande de dispense d'exercices militaires formulée par Ursin Léopold Brument, soutien de famille, d'autant plus que la commune s'estime trop pauvre pour subvenir aux besoins des réservistes indigents.

26 février 99 : Costé vend au boucher de Duclair, Eliot, les boues provenant des rues d'Yainville avec la bénédiction du conseil.

Une délibération qui revient également chaque année, c'est la subvention à accorder à la maîtresse d'ouvrages à l'aiguille opérant à l'école. 29 filles suivent cet enseigment et il faut acheter le matériel.

Yainville dispose alors d'une maison mortuaire. Il faut rémunérer les brancardiers qui transportent les cercueils à l'église puis au cimetière, un forfait quelle que soit la distance et la durée de la cérémonie. En revanche, elle est majorée sur les familles ont pris une concession. Le garde-champêtre est aussi à indemniser lorsqu'il assiste à la fermeture d'un cercueil destiné à quitter la commune ou a constater l'état d'un cercueil à l'arrivée.

En mai 1899, l'arrêt des travaux de la Basse-Seine plonge la centaine d'ouvriers des carrières Lamy et Guibert  au chômage. "Jamais pareille situation ne s'est vue dans la commune. Certains de ces ouvriers sont des carriers de professions qui sont incapables de faire un autre métier. Il en est qui sont âgés de plus de 60 ans.  Beaucoup sont chargés de famille. A bien peu d'exception près, tous ces ouvriers sont malheureusement des gens qui vivent au jour le jour et qui vont se trouver absolument sans travail et sans pain. Il n' a pas de chantiers dans les envions où on puisse acutellement embaucher ces ouvriers. Plusieurs sources indiquent que les caisses mises à la disposition des infénieurs chargés des travaux sont vides. on demande donc au ministre des Travaux publics de les reflouer pour fournir un peu de travail. La situatoin intéresse aussi Le Trait, Heurteauville, Jumièges et Duclair où sont domiciliés une partie des ouvriers. Le sénateur Waddington et le député Quilbeuf sont alertés pour appuyer la démarche.

Ces ouvriers, ajoute une nouvelle délibération, sont sans économie, il va falloir leur distribuer des bons de pain. Or les ressources de la commune sont insuffisantes. Il lui faut un secours du Préfet.

Nouveau siècle, nouveau mandat


Rien dans son livre de comptes. Si ce n'est mention de l'employée de maison, Jeanne Vautier et le paiement du loyer Cauvin en 
1900, année où Alphonse Leroy, paysan que connaît bien Costé, est élu maire du Trait. Le village du Trait est plus proche de la ferme de Costé que le bourg d'Yainville. Le Trait compte alors 23 cultivateurs et 31 journaliers, un batelier et deux mariniers, deux charrons, un maréchal-ferrant...
Yainville compte 281 habitants. Quatre cafés, dont celui de l'église tenu par Henri Bruneau et Marguerite Mainberte. Aristide Cuffel est bourrelier et sa femme tient un magasin de confection.


Costé a bon cœur et son conseil le partage. Voilà dix ans que Joséphine Godard est au lit, malade, incapable de travailler. A 63 ans, son mari, Alphonse Levasseur, ne va guère mieux. Comme on a fini de rembourser un emprunt dû à la Veuve Silvestre, on décide de créer une pension en faveur de Joséphine.
La commune n'enverra pas de délégation ouvrière à l'exposition de 1900. Ici on extrait la pierre brute. Il n'y a pas de manufacture. On n'y apprendrait rien...

En mai 1900, Patrice Costé est réélu. Cette fois, apparaît dans son conseil Maurice Ray, peintre parisien, ami de Roger Martin du Gard. Il vit à la Broche, le manoir qui sera plus tard celui de Sacha Guitry. Le reste du conseil est inchangé. Costé obtient 8 voix, Ray 2.  Pour l'election de l'adjoint Athanase Leroy obtient 8 voix et Levreux 1. On note un bulletin blanc.

1901 : la nourriture de l'époque


A partir de février 1901, Costé note ses dépenses en nourriture. Il réserve 70F par mois, somme qu'il confie sans doute à Jeanne Vautier. Mais les dépenses sont généralement supérieures. Le mois de la bonne figure avec 25F.
Les produits sont du plus banal: boucherie, produits laitiers café, huile, allumettes, sucre, pâtes, tapioca (écrit tapioka), vermicelle, semoule, miel (écrit souvent mielle) etc. Parfois du poisson (morue, sardine, anguille avec lepot de crème). On connaît la moutarde, les figues. On achète aussi du prétrole et de la gazoline, Le terme de "Croute" écrit aussi "Croutte" revient souvent. L'écriture se fait malheureusement de moins en moins lisible.
 Le recensement fait apparaître 278 habitants à Yainville.

10 août 1901. Georges Cauvin verse toujours les 75F de loyer pour la tranchée.

A la fin de l'année 1901, Costé, sûrement amateur de grand cru,  reçoit une lettre-type, intitulée "Vente à la haute clientèle", de Mlle Suzanne Bellemand d'Empare, propriétaire du château d'Empare à Sallèles-d'Aude. Le prospectus est daté du 10 novembre 1901.

1902 : un vieil ami...


En 1902, le conseil municipal de Patrice Costé doit faire face à une invasion de lapins qui dévastent les cultures.
Mais aussi une prolifération de braconniers. On demande donc au préfet l'autorisation de tuer les lapins au fusil à l'aide de titulaires d'un permis de chasse.
En 1902, Yainville compte 78 maisons. 10 sont vides. La population, en un an, a baissé considérablement. En matière d'imposition, "si le contingent communal devait rester le même pendant 10 ans, s'alarme-t-on, ce serait la ruine pour les habitants."

Le 6 juillet, Patrice Costé fit voter son conseil à l'unanimité sur nouvelle dispense de convocation sous les drapeaux. Elle émane de l'un de ses voisins qui n'est autre que mon grand-père, Emile Mainberte. Il s'agissait d'une seconde période de 21 jours. Peu après, Aristide Cuffel bénéficia du même traitement.

Le 31 décembre 1902, Charles Hébert, nommé instituteur à Clères
"envoie à Monsieur Costé l'expression de ses vœux bien sincères et affectueux. Il lui souhaite une excellente santé et une vie exempte de soucis. Il est heureux de se rappeler les belles années qu'il a passées auprès de lui comme collaborateur." Hébert a en effet dirigé l'école et reçu en 1900 une médaille du Ministère du Commerce pour son action en faveur des caisses de retraite.

1902-1903 : des mouvements de navires


Février 1903. On vote encore en faveur d'une pension pour Jean Leblond, ancien carrier, plusieurs fois blessé et qui, impotent des jambes, ne peut plus guère accomplir de menus travaux comme journalier. Souffrant de troubles mentaux, sont épouse ne peut se livrer à aucun travail.

Ernest Bruneau, lui, demande l'exemption du service militaire pour charge de famille. Sa mère est veuve et il vit avec son frère aîné qui a eu la jambe coupée. Ses autres frères sont mariés et chargés de famille. Ajourné dans un premier temps, Ernest sera pourtant incorporé en 1903. Mobilisé en 14, il mourra au combat en compagnie de son frère Henri, époux de Marguerite Mainberte, qui tenaient le café de l'Eglise.

Le 13 septembre, on appuie la demande d'un scieur de long ambulant, Joseph Athanase Lenoir, vivant seul dans une voiture, pour ainsi dire indigent. Le peu qu'il gagne nourrit sa femme et ses trois enfants. Un peu plus tard, ayant accompli sa période de 13 jours, on lui apportera un secours financier.

En 1903 et 1904, plusieurs bateaux viennent régulièrement charger du sable et du caillou chez Costé. Malheureusement, son écriture se dégrade. Il est bien difficile de déchiffrer les noms des navires, encore plus ceux deux leur patron et je les donne ici sans garantie. On croit reconnaître  Le Parfait, de M. Cauvin, La Madeleine, Le Victor  (patron Saint-Saulieu), La Béatrice (patron Persil), La Suzanne, patron Mutel, mais aussi Deconihout (écrit Conillou, Déconillou) Le Robert, La Stéphanie, La Charlotte, patron Larchevêque,
Le Voltigeur (écrit Votigeur)...
On relève
"Un bateau sable à Ruault". Ruault est alors le passeur du bac. Ces mouvements de navires semblent se poursuivre dans le livre de Patrice Costé jusqu'aux premiers mois de 1911. Malheureusement, ces notes ne sont guère exploitables.

1904 : il cède son écharpe

Janvier. On vote cette fois une pension pour l'épouse de Leblond, Victoire Vilamaux, paralytique et "frappée d'idiotisme".

Mai 1904 : Patrice Costé ne brigue pas un nouveau mandat mais restera conseiller municipal. Athanase Leroy est élu au bénéfice de l'âge face à Guibert, carrier. Son mandat va durer 18 ans. Il s'agit d'un arboriculteur résidant dans la dernière maison de Yainville, au Hameau des Fontaines, près de la Seine. 

Roger Martin du Gard, qui effectue des fouilles à Jumièges, réside au hameau de la Broche, à Yainville, chez son ami le peintre Maurice Ray. 

27 juin 1904, Costé renouvelle son abonnement à son journal qui a changé de titre en 1903. Le Petit Rouennais s'appelle désormais La dépêche de Rouen. Il lui en coûte 9,20F.

30 octobre 1904, Yainville. Vauquelin reconnaît avoir reçu 50 francs de Costé pour un coin de cour qu'il lui cède à usage de dépôt de sable et de cailloux.

1905


29 avril 1905, Vauquelin loue toujours son coin de cour. La quittance est encore attesté par un timbre à 10 centimes.


1906-1909 : un naufrage


Rien de daté durant cette période.
1906 : 242 habitants à Yainville.
7 septembre 1907, Jeanne Vautier perdit sa mère, Florence Bouteiller, à Heurteauville. Elle avait 61 ans.
Notons qu'en 1908, au Trait, Alphonse Leroy cède son écharpe à Paul Aubert.

Dans la nuit du 12 septembre 1909, le chaland N° 5 quitte Claquevent. Destination Le Trait. Il fait très sombre. Il est abordé par le vapeur Sauternes, fleuron de l'armement Worms & Cie. Et coule. Pas de victime.

1910


En 1910, on rentre toujours du foin chez Costé. On vend toujours des fruits ((à Loutrel, d'Heurteauville), du sable et des cailloux. Curieusement, l'écriture est plus claire.


La fin du carnet, la fin de Costé


En fin de carnet, Costé a noté que Georges Pinat, médecin vétérinaire à Pavilly, successeur de M. Caudebec, consulte tous les mardis matin, de 9h à midi, sur le quai de Duclair, devant l'hôtel Denise.

Costé souffre de conjonctivite. On y trouve aussi une recette pour combattre l'inflamation des yeux :
Dix centimes de fleur de Florence,
Dix centimes de coupe de rose blanche
Dix centimes de sucre candi blanc
Dans un litre d'eau fraîche, laisser tremper une nuit, couler dans un linge, se laver les yeux le plus souvent possible.

Une autre recette pour conserver les œufs dans de l'eau de chaux.
Prendre 50 litres de chaux vive, la faire étendre 12 heures dans 15 litres d'eau, le vase hermétiquement fermé, placer ses œufs le bout rond en l'air dan un pot de Talvane placé dans un endroit sec et on ne le bouge pas, ni pour mettre ses œufs, ni son eau, on en met jusqu'à la consommation, verser l'eau de chaux filtrée sur ses œufs, couvrir son pot hermétiquement.

Cette autre encore pour exterminer les chenilles :

Dans un litre d'eau de puits ou de Seine, faire dissoudre cinq gramme de sel de soude + 30 grammes d'huile de lin en agitant le mélange jusqu'à ce que l'émulsion soit produite, asperger les nids de chenilles avec ce mélange. Les chenilles sont détruites instantanément. On peut se servir d'une seringue ou d'un pinceau lorsqu'ils sont à portée de la main.

Tout en fin d'ouvrage, écriture encore difficile à déchiffrer. Costé a noté que la casquette à Avis était trop petit, l'adresse de M. Cordier fils, du Trait, rue de Fontenelle, 70, épicerie et liquides. Et toujours des mouvements de navires avec notamment La Charlotte, patron Larcheveque.

Quelques phrases isolées: "Pêche à l'anguille", "Vendu à M. Hauchard l'ozier à raison de 25 F".

7 mai 1910, Jeanne Vautier, héritière de Costé, épousa Louis Raubiet, douanier de son état, originaire de Mauny. Le mariage civil eut lieu à Yainville, la cérémonie religieuse au Trait.

Juillet 1911 : derniers mouvements de navires dans le carnet. C'est l'année où Guitry achète le manoir d'Yainville, non loin de là. Mais qui a écrit ces lignes. Car Patrice Costé a été inhumé le 1er janvier 1911 à Yainville et le Journal de Rouen le donne comme "un brave et excellent homme" droit de caractère, apprécié, regretté de tous. Il est mort à 86 ans.


Ils étaient voisins à Claquevent. Ils sont voisins au cimetière. Patrice Costé repose aux côtés d'Emile Silvestre dans le cimetière d'Yainville. (Photo: Marc Ribès)

Epilogue


  Jeanne exploitera la ferme seule. Son mari tomba, en effet, le 11 juin 1918 à Saint-Maur, dans l'Oise, sous l'uniforme du 412e RI. Il avait 35 ans. Onze ans plus tard, en 1929, Jeanne fut expropriée par Société havraise d'énergie électrique. Elle alla alors s'établir un peu plus loin, près du passage du Vieux-Trait où la famille Robiet est toujours présente. Pierre Robiet nous parle de cette ferme disparue de longue date: " Il y avait plusieurs bâtiments, tous situés près de la Seine. Dans les années 45-50, je me souviens qu'il y avait encore quelques pans de murs en ruine à cet endroit. Elle avait des locataires, les Cornet.

"Dans son entourage immédiat, il y avait aussi les Cariel, pêcheurs. Mon père était un ami d'enfance du père Acron qui vit encore et qui habitait aussi dans les parages. Ils ont fait leur communion ensemble à Yainville et ils n'étaient que tous les deux cette année là...

" Patrice Costé était aussi propriétaire de l'herbage au dessus du corps de ferme et qui s'étendait jusqu'a la route principale, grosso modo de la cathédrale de la savonnerie à la Bucaille.

Jeanne Vautier et Louis Raubiet en 1915 en compagnie de leur fils, futur patron en second du bac d'Yainville.

"Quant à Cauvin il avait fait construire sa maison à la fin du XIXème siècle juste en aval de la cale du passage d'eau du vieux Trait. (cette maison appartient actuellement au docteur Curie).

"A ma connaissance il exploitait trois carrières au Trait. Une au dessus de la chapelle à l'emplacement de la gendarmerie, une autre à l'emplacement des HLM en bordure de la route principale au vieux Trait et enfin une troisième en bordure de Seine à 100m en amont du passage d'eau. Il reste actuellement à cet endroit des vestiges de l'appontement où venaient charger les gribanes bien visibles à marée basse. Cette troisième carrière lui servait aussi de dépôt et allait jusqu'à la route principale.

"De l'autre coté de la route principale toujours à ce niveau (à toucher la Bucaille) une carrière a été exploitée par Monsieur Dubosc après la guerre 39-45 mais, à mon avis, rien à voir avec Cauvin...

"En 1929 la Société havraise d'électricité était propriétaire, après expropriation, de tous les terrains allant jusqu'à la route du passage du Trait exceptée la propriété Raubiet qui est située juste en amont de la cale du bac. Il y avait encore après la guerre 39-45, quatre maisons d'habitation occupées par les familles Gouard, Leblond, Fontaine et Delestre. A la fin des années 1940 la centrale EDF à même fait l'acquisition de la propriété Cauvin (occupée par le chef du personnel de la savonnerie, Monsieur Choulan) et, en 1952, le docteur Commin en a fait l'acquisition."

Laurent QUEVILLY.

Source


Merci à Pierre Raubiet qui nous a généreusement confié cet ouvrage.

Vos réactions


Laurent : Site très bien formaté, clair net et précis ! depuis 3ans, je recherche les traces ma grand-mère née à Yainville le 19 août 1895 Marguerite Florentine MUTEL - fille de Henri Clovis MUTEL  batelier, qui disparut en août 1920 en quittant le domicile conjugal ( épouse de  Aubert Couturier) et abandonnant ses 3 petites filles. L'histoire de cette jeune femme pourrait elle être restée dans la mémoire  rapportée d'un Yainvillais ? Merci pour votre aide.

Martial Grain : L'expression  GAILLON pour L'ANGLAIS, est je pense une variété de Gaillon. On produisait ces variétée de fruit a jumieges Le vrai GAILLON        
Le batard GAILLON
Le Gaillon Anglais

JOMARINS comme vous le dites, c'est Les Ajoncs marin, recoltés dans les marais. Je me demande si on en faisait usage de litiere a vaches ? Je demanderai a mon père.

Les Volettes: Ce ne serait pas les Liteau de l'époque ? Sorte de baguette d'osier, posée sur les toiture pour y fixer le chaume ?


Pour les Jomarins, on se servait de ceux-ci, en bottes que l'on disposait au pied de jeunes arbres  nouvellement plantés, afin de garder l'humidité. Aujourd'hui, on dispose du films plastic.
Voilà.
Pour la Volettes, je ne sais pas!