Par
Laurent Quevilly-Mainberte.
14 h 18 ! A Claquevent, ce lundi 9 août 1934, une terrible explosion secoue la région. Toute la presse nationale se fait l'écho de ce vacarme assourdissant. Trois morts sont à déplorer, des blessés. Yainville est sous le choc...

Et elle investit un million de francs dans le capital de cette filiale qui, aux heures creuses de la centrale, consomme de l'électricité pour fabriquer de l'acétylène, de l'oxygène et de l'hydrogène par électrolyse.
1928 : le montage du gazomètre d'occasion qui va exploser. De gauche à droite, un ouvrier Chti venu du Nord pour procéder à l'assemblage, Maurice Pépin, époux de Babeth, Jumièges, Jean Rebours, époux d'Yvonne Beyer, André Riaux, Raphaël Quevilly et un autre Chti, Henri, compagnon du premier.
C'est aussi par l'intermédiaire de cette filiale que la centrale participe, en 1928, à la construction de la savonnerie à hauteur de 25%. Le reste est entre les mains de Fournier, à Marseille.
Derrière les produits électrolytiques se trouve par ailleurs une cartonnerie. Bref, le site de Claquevent se développe et assure la prospérité du pays.

29 octobre 1928 : une vue des installations intérieures...
Et c'est le drame...
(De
notre envoyé spécial)
A mi-chemin entre Duclair et Le Trait, la commune d'Yainville est devenue depuis quelques années une petite agglomération industrielle. Trois ou quatre usines se sont élevées sur son territoire et une cité ouvrière a poussé en bordure de la route. Cette cité est aujourd'hui en deuil. Trois ouvrier ont en effet, hier après midi, trouvé la mort dans des circonstances tragiques.
Une explosion d'une exceptionnelle violence s'est produite à l'usine de la Compagnie des produits électrolytiques dont le siège est à Paris. Cette usine n'emploie heureusement qu'un petit nombre d'employés et d'ouvriers : un directeur, un comptable et un aide comptable, un contremaître, six ouvriers.
Si le personnel eut été plus important, on aurait certainement à déplorer beaucoup plus de victimes, car l'explosion a anéanti la presque totalité de l'usine, projetant des débris à plus de 500 mètres.
L'explosion
Il était 14h18. L'horloge placée à l'intérieur du magasin, près de la porte du bureau des comptables, s'est arrêtée sous le souffle de l'explosion. Cinq personnes se trouvaient à l'intérieur de l'usine : le comptable, M. Pierre Chéron, le contremaître, M. Louis Brunet et deux ouvriers MM. Marc Le Maréchal et Albert Prévost.
Deux autres ouvriers étaient partis faire une tournée de livraison. Le dernier, blessé récemment, ne travaillait pas. a
Le directeur, M. Frison, était encore à son domicile, à proximité de l'usine. L'aide-comptable, M. Montagné, venait de partir faire une course.
Une flamme immense montait vers le ciel
Une première explosion dont on ignore et dont on ignorera sans doute toujours la cause se produisit. Les uns disent dans le magasin où étaient placés de nombreux tubes remplis d'oxygène et d'acétylène. Les autres prétendent que c'est le gazomètre qui explosa le premier. Les rescapés ne s'étant pas rendus compte eux-mêmes de l'ordre de succession des explosions, il est impossible de savoir quelle fut la première phase de la catastrophe.
Toujours est-il que tubes et gazomètres – Celui-ci contenant près de 150 m3 de gaz – explosèrent, à quelques secondes d'intervalles, puis des petites explosions, celles de tubes de gaz, succédèrent à ces deux premières, tandis qu'une flamme immense montait vers le ciel.
Projetés à 500 mètres
Le toit du magasin, contigu au trois bureaux du directeur et des comptables, s'effondra à demi, alors que le couvercle du gazomètre était déchiqueté. D'énormes morceaux de métal, des tubes déchirés et tordus, des débris de fonte, de tuile, de verre, furent projetés au loin. Certains allèrent tomber dans les champs et les jardins, à cinq cents mètres le là.
En face de l'usine, le mur d'une maison a été traversé par un tube de gaz lancé par l'explosion comme un projectile. Partout, le sol était jonché de débris de toutes natures. De nombreuses vitres des immeubles, notamment de l'usine de la Société havraise d'énergie électrique, avaient volé en éclats. |
On écrira ailleurs qu'il fut retrouvé, de l'autre côté de la Seine, une pièce en fonte... de 100 kg ! Sans
doute exagéré... |
Des centaines de curieux

L'incendie menaçait de succéder à l'explosion. Une immense flamme, ainsi que nous l'avons déjà dit, s'était élevée après celle-ci au dessus de l'usine et l'on craignait que le feu détruise ce qui restait des immeubles.
Les secours
Mais les secours furets prompts. Dès la première explosion, s'empresse de préciser le Journal du Trait, les Ateliers et chantiers de la Seine maritime envoyèrent sur les lieux une équipe de vingt hommes sous le commandement de M. Durieux, contremaître. Avant 15 h, poursuit le Journal de Rouen, les sapeurs-pompiers de Caudebec, sous les ordres du capitaine Mauger, ceux de Duclair, commandés par le lieutenant Baron, l'équipe de l'usine de La Mailleraye, dirigée par M. Petit-Jean commençaient à combattre le sinistre.
Peu après arrivaient le fourgon-pompe de Rouen et le side-car avec le commandant Méré et l'adjudant Thomas.
L'aile gauche du bâtiment a été totalement pulvérisée. Les pompiers noient l'incendie.
Si quelqu'un peut scanner les photos dans l'édition papier pour une meilleure qualité...
Deux grosses lances furent mises en batterie sous 8 kilos de pression, alimentées à deux cents mètres, dans la Seine.
L'incendie fut rapidement maîtrisé et aucune nouvelle explosion ne se produisit, ce qu'on redoutait particulièrement, car une quarantaine de tubes de gaz étaient encore proches du foyer.
Le service d'ordre auquel participaient les gendarmes de Duclair, sous les ordres du maréchal des Logis-chef Grimbert, le garde-champêtre du Trait, M. Porchon et le garde de l'usine maintenaient cependant la foule des curieux à distance respectable, car tout danger de devait être écarté qu'à la fin de l'après-midi, lorsqu'on eut cessé le travail de déblaiement.¨
On signalera la bravoure du lieutenant Tavernier, des pompiers de Caudebec, qui aura rampé sur 200 m pour voir sur le lieu du sinistre si un risque de nouvelle explosion existait et rapporter ces renseignements aux sauveteurs. Les sapeurs Foutrel, Foloppe, Cattanéo et Bourdin avec le commandant Mauger et le garde champêtre Maillard se sont enquis de trouver des brancards et ont recueillis les restes des victimes...
Les victimes

Un autre était blessé, M. Pierre Chéron, 59 ans, comptable, atteint légèrement au front. Après pansement, il put d'ailleurs revenir à l'usine.
Une seule des personnes présentes à l'usine au moment de l'explosion était indemne : l'ouvrier René Dubuc, 29 ans, qui était occupé à des travaux de nettoyage du côté opposé aux gazomètres et au magasin sinistré.
Le danger d'incendie conjuré, les sapeurs-pompiers, sous les ordres du commandant Méré, s'employèrent à retirer les cadavres des décombres, car il n'y avait, hélas, aucun doute possible: les trois disparus étaient restés sous l'énorme amoncellement de poutres, de tuiles et de tubes que le souffle de l'explosion avait poussé contre le mur du magasin, à proximité du chemin.Le
corps de Louis Brunet fut retiré le
premier, puis après de courageux et longs efforts, celui de
Prévost,
méconnaissable, littéralement
écrasé par une masse de tubes à
gaz, et enfin, à 17h30, celui de Le Maréchal,
aussi affreusement
déchiqueté que le second. |
On dira que la dépouille de Brunet fut portée dans une villa voisine. En revanche, des débris humains furent ramassés un peu partout. Jusque sur la route. Sur un brancard recouvert d'une couverture rouge, on les amena à la chapelle ardente improvisée à la hâte. |
On retire le dernier cadavre : celui de M. Le Maréchal (Photo : Le Journal de Rouen). Mon cousin laissait une veuve de 27 ans, née Marguerite Lefèbvre, de Saint-Marguerite. Elle figure, je pense, en arrière-plan sur la photo. Elle se remariera à son cousin par alliance, Bernard Chéron, le capitaine du bac de Yainville.
Le préfet salue les victimes
Aussitôt après avoir été avisé de la catastrophe, Monsieur Le Beau, préfet de la Seine-Inférieure, est allé saluer les victimes, il était accompagné de MM. A. Marie, député et De Heyn, conseiller général.
On remarquait également la présence de :

-
MM Lévêque, maire
d'Yainville, Chéron, adjoint frère d comptable
blessé, Poissant, conseiller municipal de Rouen,
Chenavard, adjoint au maire du Trait et Lecret, conseiller municipal,
Dupont, de Duclair, Lambert, directeur de la
Société havraise
d'électricité, Delemare, directeur de l'usine de
La Mailleraye, Roy, secrétaire général
des chantiers du Trait. (Le
Journal du Trait et le
Pilote ajoutent à cette
liste Huré, ingénieur et
Chazelas, chef de service aux chantiers du Trait etc.)
Pierre Chéron
M. le capitaine Pascouau, commandant la section de gendarmerie de Rouen, est venu au cours de l'après-midi diriger lui-même le service d'ordre.
Les causes et les dégâts
Il est impossible à l'heure actuelle et il sera probablement toujours impossible de déterminer les causes de la catastrophe. Court-circuit ? Imprudence d'un ouvrier ? Mauvais état d'un appareil ? Mélange détonnant accidentellement réalisé ? Toutes les hypothèses sont permises. Il ne reste rien pour en étayer, rien, pas même, hélas ! un témoignage.
Les dégâts sont importants. On parle d'un million environ. Il ne reste à peu près rien du magasin sinistré dont il faudra abattre les murs. Les bureaux sont dévastés. La toiture de l'immeuble a été totalement emportée. Des centaines de tubes sont brisés ainsi que les appareils de charge. Le gazomètre explosé est vraisemblablement inutilisable.
Il ne peut néanmoins être question de chômage pour le personnel rescapé. Il y aura au contraire à présent beaucoup à faire pour déblayer et remettre en état ce qui peut être de nouveau utilisé.
Assez de douleur s'est abattue sur la petite équipe de travailleurs de l'usine des produits électrolytiques. Toute la population d'Yainville et celles des communes voisines qui ont vu comme nous le sinistre spectacle sont profondément émues. Chacun pense aux familles des victimes, aux enfants du contremaître Brunet.
Nous sommes persuadés que cette pensée ne sera pas éphémère et que ceux qui ont été éprouvés par l'explosion d'Yainville trouveront les consolations et s'il en est besoin les secours qui pourraient être nécessaires.
R.G.
Un terrible secret
Les obsèques des victimes de la catastrophe de lundi auront lieu jeudi prochain. Celles de MM Le Maréchal et Prévost seront célébrées en l'église d'Yainville, à 9h. La levée des corps sera faite à l'usine des produits électrolytiques.A 11h seront célébrées, en l'église de Duclair, les obsèques de la troisième victime, celles du contremaître Brunet.
Hier, le Parquet de Rouen s'est rendu à Yainville où il a commencé son enquête. MM. Pierre Chéron et René Dubuc n'ont pu fournir que de très brefs renseignements sur l'explosion dont ils faillirent être les victimes. Ni l'un ni l'autre n'ont pu indiquer nettement de quel côté provenait l'explosion. On conçoit aisément qu'en de telles circonstances, ils ne se soient pas même rendu compte de ce qui se passait.
Les enquêteurs ont également entendu le directeur, M. Frison, et l'ingénieur, M. Cagran. Mais il est probable que les ruines de l'usine garderont toujours un terrible secret. Des experts se sont également rendus hier sur le théâtre de la catastrophe.
Les obsèques
Les malheureuses victimes de l'explosion de l'usine électrolytique d'Yainville ont été inhumées hier, le contremaître Brunet à Duclair, les ouvriers Marc Le Maréchal et Albert Prévost à Yainville. Les deux cérémonies ont été suivies par des foules émues et par de nombreuses personnalités. Non seulement, en effet, les circonstances tragiques dans lesquelles disparurent les trois victimes justifiaient une telle affluence, mais la profonde sympathie dont jouissaient auprès de tous ceux qui les connaissaient, contremaître et ouvriers, appelait un tel cortège funèbre.
Les obsèques de MM. Le Maréchal et Prévost furent célébrées d'abord à Yainville. La levée des corps fut faite aux Établissements de la Seine maritime, à proximité du théâtre de la catastrophe. Les cercueils disparaissaient sous les couronnes et les gerbes de fleurs.. On remarquait notamment celles offertes par les ingénieurs et le personnel de la Compagnie des produits électrolytiques et de la Société havraise d'énergie électrique, le conseil d'administration des Produits électrolytiques, la direction et le personnel de la Société normande des Corps Gras etc., etc.
Les cordons du poêle étaient tenus par le personnel de l'usine : MM Bréard, Côté, Cauchois, Oliviereau, Montagné, Joseph Brunet, Lemarchand et Paris.
L'office religieux fut célébré par M. l'abbé Debris, curé de Jumièges, qui remercia après l'absoute la très nombreuse assistance et adressa ses condoléances aux familles.
Le
mariage de Marc
Maréchal
Au cimetière, M. Frison, directeur de l'usine, prit la
parole au nom de la Compagnie des produits électrolytiques,
du conseil d'administration et en son nom personnel. Il rappela dans un
discours dont l'émotion gagna rapidement l'assistance, les
liens d'amitié qui unissent tous las collaborateurs, du
premier au dernier de l'usine qu'il dirige, et montra combien cette
amitié fut cruellement éprouvée par la
catastrophe. A côté des élus de la région et des directeurs des usines avoisinantes, ajoute le Journal du Trait, Monsieur Roy, secrétaire général des Ateliers et chantiers de la Seine maritime représentait les Chantiers du Trait. Nous tenons à reproduire quelques extraits des émouvantes allocutions prononcées par Monsieur Frison, directeur de l'usine sinistrée qui a su parfaitement traduire l'affliction générale et la profonde sympathie dont jouissaient les victimes. Voici d'abord l'adieu de Monsieur Frison au deux ouvriers, Marc Le Maréchal et Victor Prévost :
« Celui a été votre chef, votre patron comme vous l'appeliez entre vous, celui qui chaque jour partageait un peu de votre vie de laveur, ne veut pas vous laisser regagner votre dernière demeure sans vous adresser ces quelques mots en signe d'adieu et de suprême hommage.
Vous avez été à l'usine des travailleurs humbles sans doute mais disciplinés et dévoués.
Vous avez accompli sans faillir votre tâche quotidienne. Un stupide accident vous a fauché au seuil de la vie. Vous méritiez cependant un sort meilleur.
Mais le destin dans ses décisions cruelles ignore le bien et le mal, il frappe au hasard, jetant la ruine et la douleur.
Nous ne pouvons, hélas, que nous soumettre à cette volonté et pleurer les innocentes victimes.
Vous êtes tombés en braves au champ d'honneur du travail. Tous ceux qui vous ont connus ne l'oublieront jamais.
M. Marie, député, poursuit le Journal de Rouen, fit ensuite l'éloge des victimes et du devoir professionnel.
Les obsèques du contremaître Brunet furent célébrées à la suite de celles de ses camarades Le Maréchal et Prévost. La levée du corps eut lieu à 11h au domicile du défunt.
Des fleurs et des couronnes offertes par les mêmes personnalités et les mêmes personnels couvraient le cercueil. L'office fut célébré par M. l'abbé Roussel, curé de Saint-Pierre-de-Varengeville.
Des discours furent prononcés au cimetière par M. Frison et par M. Marie, discours qui, comme ceux du matin, suscitèrent parmi l'assistance une vive émotion.
Voici, précise le Journal du Trait, en quels termes Monsieur Frison fit l'éloge du contremaître Brunet.
"C'est au nom du conseil d'administration de la compagnie des produits électrolytiques, au nom du personnel de l'usine, ouvriers et employés, en mon nom personnel, que je suis devant vous, infortuné Brunet.
C'est le cœur bien serré que je remplis ce suprême devoir, que vous dis ce dernier adieu. Pendant six ans, vous avez, à l'usine, rempli votre tâche de contremaître avec probité et dévouement.
Pendant six ans, vous avez été pour moi un collaborateur au-dessus de tous les éloges. Vous étiez de cette race d'ouvriers dont la conscience professionnelle est exemplaire. Intelligent, d'un caractère franc d'esprit, gai par nature, toujours prêt à rendre service, vous avez su conquérir la sympathie générale. Ceux que vous commandiez vous respectaient et admiraient vos nombreuses qualités professionnelles. Vous avez été bon Français, bon époux et bon père, enveloppant votre femme et vos enfants d'une affectueuse tendresse. Courageux à l'excès, travailleur acharné, vous vous imposiez en dehors de vos heures de présence à l'usine, des veilles tardives dans le seul but d'augmenter le bien-être de votre petite famille et de vous élever à force de travail et d'économie. Tant de qualités, tant de vertus n'ont pas trouvé, hélas, leur récompense. Vous disparaissez trop tôt, arraché brutalement à l'affection des vôtres et de tous.
Comme je le disais, il y a une heure, devant la tombe ouverte de vos deux compagnons d'infortune, frappés en même temps que vous, le destin dans ses décisions cruelles ignore le bien et le mal, il frappe au hasard. Nous ne pouvons, hélas, que nous soumettre à cette inexorable volonté et pleurer les innocentes victimes.
Votre souvenir, Brunet, restera longtemps vivace dans nos mémoires et nous garderons au fond du cœur le regret lancinant de vous avoir perdu. Dormez votre dernier sommeil en paix. Nous veillerons sur ceux qui vous étaient chers par dessus tout, en nous souvenant de l'homme que vous avez été et dont la vie pourrait être citée en exemple à chacun.
Le Journal du Trait conclut : "La population du Trait tout entière a pris une grande part à la consternation dans laquelle cette catastrophe a jeté toute la région et nous renouvelons aux familles si durement éprouvées nos condoléances les plus émues."
Parmi les personnalités qui assistaient à l'une et l'autre des cérémonies, reprend le Journal de Rouen, on remarquait la présence de :
MM. Marie, député, de Heyn, conseiller général, de Malartic, conseiller d'arrondissement, Lévêque, maire d'Yainville et les membres du conseil municipal, Cabanis, directeur de la Société électrolytique, représentant le conseil d'administration et Frison, directeur de l'usine d'Yainville, Lambert, directeur de la Société havraise d'énergie électrique, Roy, secrétaire général des Ateliers et chantiers de la Seine maritime, Maurisson, directeur de la Société normande des corps gras, Harang, président de la Société des A.C. du Trait, Guérin, adjoint au maire de Duclair, Tartarin, Bobée, Prévost, Larillon, Germond, Baron, conseillers municipaux, Roussel, président des Familles nombreuses, Dupont, président de la Fanfare de Duclair, Mégissier, ingénieur des Ponts et chaussées, Debeauveais, directeur de l'école de garçons de Duclair, Piard, directeur d'école à Yainville, Ferté, président du cercle Guynemer, Carbonnier, secrétaire général de l'usine Mustad, Hermier, directeur de l'école Michelet de Rouen, Cahan directeur du cours complémentaire d'Yvetot, Me Sédille, notaire, MM. Petit et Lacheray, huissiers, Cassé, du Dac, Marcel Pèlerin, chef de la fanfare de Duclair, Harley, délégué cantonal du Trait, Chéron, comptable à l'usine électrolytique, Me Guillemot-Treffainguy, notaire à Jumièges, des délégations des usines voisines, Grimbert, maréchal des logis-chef à Duclair etc.
La compagnie des produits électrolytiques ne se remit jamais de cette catastrophe. Reconstruite, elle finit par quitter les lieux en 1952.
Voici comment le Prolétaire normand, journal du PC, relata ces mêmes événements.
Entre Duclair et Le Trait, à côté de la Centrale de la Compagnie Havraise d’Electricité, s’élève une petite usine de la Société Électrolytique, où par l’électrolyse de l’eau on fabrique de l’oxygène et de l’hydrogène comprimés et aussi de l’acétylène. La rationalisation était telle que seulement 6 ouvriers suffisaient au fonctionnement de l’usine dont un parmi eux assurait le service de nuit.
Lundi dernier, une formidable explosion retentissait ; des bouteilles d’oxygène et d’hydrogène sautaient à plusieurs centaines de mètres et retombaient dans la Seine et même sur l’autre rive et dans les prés. L’usine avait sauté, tuant les 3 ouvriers alors de service. L’un d’eux avait un bras et une jambe déchiquetés, l’autre avait le ventre ouvert et le contremaître, déshabillé par la déflagration se sauva une trentaine de mètres en hurlant et s’effondra dans un treillage. L’explosion avait allumé des incendies partiels dans l’usine et brisé les carreaux des maisons environnantes.
La cause de cette effroyable tragédie ? L’état actuel des décombres ne permet pas de la fixer exactement, mais elle, est sans doute due à une fuite d’hydrogène et d’oxygène qui a produit un mélange détonnant. Il est bien compréhensible qu’un nombre si réduit d’ouvriers 3 ou 4 à la fois ne pouvait effectuer, en assurant le remplissage des bouteilles, une surveillance suffisante du matériel.
A côté de cette usine existait un atelier qui n'a pas encore fonctionné, mais est équipé tout prêt pour la fabrication de gaz en temps de guerre.
C'est une chance qu'aucune des maisons ouvrières et des chaumières environnantes n'aient reçu des débris de l'explosion. Il faut que les ouvriers d'Yainville empêchent sa reconstruction et exigent sa démolition, que le déblaiement ne soit pas effectué ni par les ouvriers ou les soldats, mais par les gardes mobiles, que les ouvriers sans travail touchent une indemnité de débauchage et ensuite l'indemnité de chômage.
L'explosion du 9 août 1934 retentira
longtemps dans la mémoire de la région. Trois
vies fauchées, des familles brisées et une
communauté en deuil témoignent de la violence de
cette catastrophe dont les causes demeurent incertaines.
Malgré la solidarité des secours et
l'émotion collective, l'usine, bien que reconstruite, ne
retrouva jamais son élan et ferma ses portes en 1952. Ce
drame reste un poignant rappel des dangers industriels et des
sacrifices des travailleurs.
Laurent
QUEVILLY.
Sources
Le Journal de Rouen, numérisé aux archives départementales par Jean-Pierre Hervieux.
Le Journal du Trait qui s'est contenté de recopier son confrère en y ajoutant un ou deux détails et les éloges funèbres.
Le Pilote, de Caudebec relate dans les mêmes termes que le Journal du Trait.
Le Prolétaire normand, organe régional du bloc ouvrier et paysan (PCF). Vos réactions