Par Laurent Quevilly-Mainberte

En 1907, les rares automobiles sont encore regardées comme des machines infernales. Aussi un accident est-il un événement extraordinaire. Celui d'Yainville fit grand bruit au point que le Journal de Rouen lui consacra une page spéciale...

En 1907, les accidents de la route ne datent pas d'hier. Combien de cochers, de paysans sont alors tombés à l'avant de leur attelage et se sont faits rouler sur le corps ! Mais avec l'apparition des premières automobiles et des vélocipèdes, ces événements changent de forme. Le cheval reste cependant roi sur la route et la voiture à moteur est vue comme une intruse. Sur les quais de Duclair, les gendarmes déploient tout leur zèle pour verbaliser celles qui, au doigt mouillé, dépassent les 30 km/h. Les constats se font souvent à l'amiable. On voit des conducteurs verser un dédomagement aux victimes et reprendre leur route.
En mai 1907, le 17, un accident mortel a déjà fait les choux gras dans le département. Le 27, celui de Yainville attire à son tour l'attention si bien qu'un envoyé spécial est dépêché sur les lieux par le Journal de Rouen. Il est accompagné d'un dessinateur qui croque un paysan du cru, François Michel coiffé de la casquette traditionnelle. L'article fait parler les témoins avec des tournures patoisantes. Mais François Michel est né en 1850 à Ventrol, dans les Basse-Alpes. Il a épousé Victorine Delépine, native d'Hauville. Laissons plutôt parler le Journal de Rouen...






Sur la route de Caudebec


Sept heure un quart du soi, lundi dernier. A trois kilomètres de Duclair, sur la grande route qui va de Rouen au Havre par Caudebec-en-Caux et à quelque distance du château du Taillis, une petite charrette s'en allait cahin-caha, traînée par un âne. Elle était montée par M. François Michel, cultivateur, âgé de 57 ans, qui s'en retournait à Yainville, où il habite.
M. Michel tenait sa droite et autour de sa voiture son chien folâtrait en aboyant joyeusement. Tout à coup, un coup de trompe. M. Michel tourne la tête et derrière lui il voit venir au milieu d'un nuage de poussière une automobile de couleur grise. Tenant sa place réglementaire sur la route, le cultivateur n'a pas aucune préoccupation, mais par prudence, il siffle son chien pour le ramener près de sa charrette.
L'animal accourt à l'appel de son maître et sa prompte obéissance va causer la catastrophe que rien ne fait prévoir.

L'accident


Le conducteur de l'automobile — M. Charles Vestu, qu'accompagne le mécanicien-chef M. Hérissé, à bien vu le chien gambader sur le côté gauche de la route. Sur le conseil de son compagnon de voyage, il a ralenti l'allure de son véhicule car il ne se soucie pas d'écraser l'animal ; voyant la route libre devant lui, il continue son chemin. Juste à ce moment, M. Michel siffle son chien, celui-ci se rapproche et traverse la route. Il est trop tard pour donner un coup de volant à gauche ! M. Vestu appui à droite, toujours avec l'intention d'éviter l'animal. Dans ce mouvement, le pneu droit d'avant heurte la jante de la roue de la charrette, la brise, et le petit véhicule culbute sur le côté. M. Vestu donne un brutal coup de frein.

Faut-il croire qu'à ce moment-là, sous le choc produit par la collision, il donna involontairement un coup de volant à droite ? Le freinage brusque, dans une allure encore vive, influença-t-il sur la direction de l'auto ? On ne sait.. Toujours est-il que, lancée comme une flèche, la 45 chevaux Brillié fait un brusque à-droite et pique sur le fossé.
Ce fossé est en contre-bas de la chaussée. Justement à cet endroit précis, trois personnes — deux hommes et une femme — viennent de s'asseoir, le dos tourné à la route. Tranquillement, ces pauvres gens devisent. Avant qu'ils aient fait un mouvement, le bolide est sur eux. Il les fauche et les couche pantelants sur l'herbe que leur sang rougit immédiatement. Puis, dans un bruit de ferraille de tous les diables, l'auto fait un tête-à-queue, bondit encore une fois, et se retourne les quatre roues en l'air.
Au craquement produit par l'écrasement de toute son ossature, des cris de douleur répondent, tandis que le moteur continue à ronfler. M. Hérissé, lancé hors de son siège, est allé, à dix mètres de là, piquer une tête dans un champ de blé. Il tombe à genoux mais ne se fait aucun mal. Son compagnon, le chauffeur Vestu, s'est cramponné au volant de la machine. Avec elle, il décrit dans l'air un arc de cercle et reste pris sous cette masse de quinze cents kilogrammes. Son volant est écrasé, les leviers sont tordus ; lui, par un miraculeux hasard, n'a rien, mais la commotion lui donne une telle secousse qu'il reste évanoui, la main sur sa direction.


A : l'automobile
B : le chien
C : la charrette
D :
E : les chemineaux
F :
G : l'automobile renversée

La flèche indique la direction des véhicules
Ils venaient de dépasser le château du Taillis
et se dirigeaient en direction d'Yainville

Les pointillés indiquent l'embardée de l'auto.




Au secours !


Ses deux roues réduites en miettes, ses brancards cassés, la charrette de M. François Michel s'est effondrée, entraînant dans sa chute le cultivateur. L'âne dételé du coup, avait été atteint aux jambes de devant puis culbuté à son tour. Tremblante de peur, la pauvre bête lançait un braiment désespéré et ses lamentations faisaient écho aux gémissements des blessés et aux dernières convulsions du moteur de l'automobile.
M. François Michel se tâta rapidement. Rien de cassé, ni aux jambes, ni aux bras, mais seulement une cuisson à la tête.
"Y a du bon que j'me dis, nous racontait-il hier, et je courus au secours des blessés. Quel tableau ! Sous la machine, un homme évanoui. Sur le fossé, trois malheureux bougres. L'un ne disait plus rien. Il avait les yeux fermés et portait à la tête une blessure d'où le sang coulait. L'autre, un pauvre vieux, blanc comme un suaire, ne faisait que dire : Ah ! mon Dieu ! Ah ! mon Dieu ! Qué malhu ! Il tâtait sa tête qui saignait. Quant à la femme, elle gesticulait et se retournait sur tous les sens. La pauvre vieille ! elle avait la cuisse cassée et faisait peine à voir.
"Je ne savais pas comment m'y prendre pour dégager le chauffeur, d'autant plus que sa manivelle toupinait toujours et pétaradait, quand je vois son camarade se relever du champs de blé. La pauvre garçon ! je le croyais restés dessous aussi ! Y me dit : Vous êtes pas mort ! Tant mieux ! Le pauvre jeune homme était tout révolutionné.
"Je l'ai aidé à retirer son compagnon. Je m'attendais à le voir écrabouillé complètement ! Non ! il n'avait rien d'apparent. Sûr qu'il peut brûler une fière chandelle, celui-là. A sa place, vingt autres se seraient tués ! Nous l'avons couché sur le fossé à côté des trois autres et nous avons crié : Au secours !
"Pendant tout ça, mon âne s'était carapaté vers Yainville. On a eu un mal de chien à le rattraper ! Qué malheur que tout ça ! Parole d'honneur, y a pu de sécurité sur les routes.  Non, mais voyez-vous ces trois pauvres gens assis tranquillement dans le fossé et vlan !
c'est juste à l'endroit qui sont que c'te machine-là vient faire sa culbute ! Si on ne l'avait pas vu, jamais on pourrait croire à çu malheur là qu'est arrivé, non jamais !"

On emporte les blessés à Duclair


Les cris de M. François Michel et de M. Hérissé avaient été entendus d'un cultivateur, M. Ernest Lefebvre, qui travaillait dans un champ voisin avec son domestique, M. Léon Riquet.
Ces deux hommes accoururent et aidèrent à porter les premiers secours aux blessés. Mais quoi faire, en pleine campagne ? Riquet offrit de courir à Duclair prévenir le Dr Allard et les gendarmes.
Son maître acquiesça et trois quarts d'heure après, le médecin était sur les lieux de l'accident avec le maréchal des logis Jacquemin, et le juge de paix, M. Becquet.
Le Dr Allard constata vite que l'un des chemineaux, celui qui était resté évanoui, était grièvement blessé. Il ordonna son transfert immédiat à l'hospice de Duclair. Justement, pendant qu'on était allé
chercher des secours dans cette ville, une voiture de M. Lamiré, entrepositaire à Duclair était passé sur la route. Elle s'arrêta et le cocher ayant mis ses colis dans la voiture d'un autre commerçant, M. Vallette, quincaillier, arrivée peu après, les trois blessés couchés sur de la paille, furent conduites à l'hospice pendant que le mécanicien, M. Vestu, dont l'état n'offrait rien d'inquiétant, était conduit chez M. Denise à l'hôtel de la Poste.
Le Dr Allard pensa immédiatement les trois blessés. L'un nommé Jean Durand né à Montivilliers, demeurant à Harfleur, rue des Capucins, terrassier de son état, fut considéré comme perdu. Il portait une grave blessure à la tête, avait la clavicule cassée et sur la face, à la hauteur de l'œil gauche, une coupure qui avait sectionné le nerf optique. Malgré les soins empressés qui lui furent données par le médecin et les sœurs qui dirigent l'hospice, il est mort hier vers dix heures et demie du matin sans avoir repris connaissance.
Eût-il survécu à sa blessure qu'il serait resté aveugle toute sa vie.
Le docteur Allard constata que la femme, une veuve Boullaye, âgée de soixante ans, journalière demeurant à Villers-Ecalles avait la cuisse droite cassée. Elle se plaint de douleurs internes et son état est grave.
Quant à son compagnon, un nommé Fromentin, âgé de soixante-neuf ans, journalier lui aussi et avec qui elle vie depuis dix-huit ans à Villers-Ecalles, elle porte de sérieuses blessures à la tête et sur tout le corps.

Ce que dit le père Fromentin


Nous avons pu le voir hier pendant quelques instants à l'hospice. Couché dans un lit, à côté de sa compagne, la tête entourée de bandages et la figure tuméfiée, il nous a raconté par phrases hachées ce qu'il avait pu voir de l'accident, dont il est une des victimes.

" Avec la veuve Boullaye, j'étions parti de Villers-Ecalles dans la journée avec l'intention d'aller nous embaucher chez M. Delafosse, cultivateur à Yainville, pour la récolte des fèves. Voilà sept ans de suite que j'y allons et nous comptions bien y trouver de l'ouvrage.
En sortant de Duclair, j'dis à ma femme : Dis-donc, nous v'là bientôt arrivés. Si on se reposait un brin ? Justement, y'avait dans le fossé un homme qu'était assis. On s'est arrêté pi on a causé. Ma femme s'est assise à côté de lui et pi moi auprès d'elle, du côté de Yainville.
Y'avait peut-être dix minutes qu'on était là. L'homme nous avait raconté qu'il s'appelait Durant, qu'il était terrassier et qu'il allait à Harfleur où sont ses enfants. Tout à coup, au-dessus de nous, un barouf épouvantable, J'ai pas eu seulement le temps de crier : Gare à l'auto !... que déjà elle était sur nous !
Durand et ma femme sont passés dessous. Moi, j'avais levé les bras pour me garer la tête et j'ai vu la machine culbuter à mes pieds. Sacrebleu ! quel bruit ça faisait. Après, je me rappelle plus de rien. On nous a apportés là et, ce matin, j'ai vu Durand mourir à côté de moi. C'est terrible des choses comme ça ! Qui qu'aurait pensé que ça viendrai nous tomber dessus là où nous étions !"

Ce que dit l'un des chauffeurs


Nous avons pu voir hier à Duclair le chauffeur Vestu et le mécanicien Hérissé. Le premier, qui avait passé la nuit à l'hôtel Denise, était encore sous le coup de la terrible commotion qu'il ressentit au moment où il s'abattit sur le sol avec sa voiture par-dessus lui. Amené à Duclair, sans trop se rendre compte de ce qui se passait autour de lui, il s'endormit d'un sommeil de plomb qui pendant un moment inquiéta le docteur Allard, mais comme son pouls était normal et qu'il n'avait aucune fièvre, le médecin fut vite rassuré. Il recommanda de ne pas le réveiller et de le laisser dormir. Au matin, je juge de Paix, les gendarmes et M. Hérissé vinrent dans la chambre où reposait M. Vestu. Il causèrent assez fort et s'entretinrent de l'accident. Le chauffeur ne les entendit pas. C'est seulement vers dix heures qu'il rouvrir les yeux. Il eut du mal à se rappeler ce qui était survenu.
Littéralement effondré, et vivement contristé du décès du journalier Durand, le pauvre garçon ne savait que répéter une chose : "Ah ! si j'avais pu prévoir pareille catastrophe ! C'est en voulant éviter de passer sur ce chien que j'ai donné un coup de volant à droite et un malheureux est mort aujourd'hui ! Jamais il ne m'était rien arrivé. C'est un triste début !"
M. Hérissé, qui fut projeté dans le champ de blé et a gardé sa connaissance à tout moment nous a donné quelques explications supplémentaires que voici :

" Nous sommes attachés, mon camarade Vestu et moi, à la maison Eugène Brillé qui fait construire ses voitures dans les ateliers Schneider au Havre. Tous deux nous habitons cette ville, moi au 386 de la rue de Normandie et Vestu rue de Fontenelle, 10.
Nous étions partis lundi matin pour Rouen afin d'assister au départ  des véhicules industriels, notre maison prenant part au concours avec six camions. En amateurs, nous suivîmes le cortège pendant quelque temps et, l'abandonnant, nous allâmes l'attendre à Gaillon. Quand les véhicules furent passés, nous revînmes à Rouen, par Louviers. A dix heures, nous allions attendre à la gare de la rue Verte un ami qui arrivait de Paris. Il était six heures et demie quand nous quittions Rouen. Une demi-heure plus tard, nous traversions Duclair.
Nous marchions à une allure de cinquante kilomètres environ quand, à trois kilomètres de Duclair, nous vîmes sur la route une petite charrette allant dans le même sens que nous. Un chien gambadait autour.
Je commandai à Vestu de ralentir. Il obéit et, en faisant des appels de trompe, me dit : Oui, vaut mieux car je n'ai pas envie d'écraser ce chien-là. Avec ces bêtes-là, vaut mieux être prudent.
Au moment où nous approchions, le chien revint vers la voiture. Vestu aurait mieux fait de passer dessus. Mais non : il crut pouvoir l'éviter et chercha à se faufiler entre lui et la voiture.
Vous savez le reste : Vestu serra ses freins et nous fîmes une embardée à droite.
Dans un éclair, je vis la charrette culbuter, l'automobile piquer du nez dans le fossé et juste devant nous trois ombres, trois malheureux. Je n'eus pas le temps de crier ; eux-mêmes n'eurent pas le temps de faire un mouvement ! Comment ai-je été projeté hors de ma voiture ? Je n'en sais rien. Je me sentis lancé en l'air comme une balle ; instinctivement je fermai les yeux. Je me retrouvait à genoux au milieu d'un champ de blé, littéralement abasourdi.
Quand je me relevait, des gens criaient, gémissaient ; je courus à la voiture. Vestu était dessous, courbé en deux sur le côté, dans le vide formé par les sièges. Comment n'a-t-il pas été broyé par le volant ? Je ne peux pas le comprendre encore. C'est un miracle. Vingt autres se seraient tués à sa place ! Clément est tombé comme ça à Saint-Martin-en-Champagne et il est mort, le malheureux.
Nous avons joué de malheur et nous sommes les victimes d'un tragique concours de circonstances ! Si la fatalité n'avait pas place ces pauvres gens dans ce fossé, juste à l'endroit où nous sommes tombés, l'accident se réduisait à des dégâts matériels. Mais un mot ! Des blessés, c'est atroce !
S'il y avait encore de notre faute ? Mais non. Nous marchions à trente kilomètres, pas plus, nous avions ralenti et sur les enveloppes de nos pneus vous pouvez voir la trace du patinage encore toute fraîche.
Je regrette deux choses : que Vestu ait épargné ce maudit chien et qu'il ait ralenti sur mon conseil. Lancés à toute vitesse, nous culbutions peut-être la voiture de M. Michel, mais nous passion tout droit et l'accident n'avait pas les terribles conséquences que vous savez !"

L'enquête judiciaire


Comme nous l'avons dit plus haut, M. Becquet, juge de Paix de Duclair, s'était rendu avec le maréchal-des-logis Jacquemin sur le lieu de l'accident dès lundi soir. La nuit étant tombée, il se contenta de prendre les déclarations de M. Michel et de M Hérissé, mais, dès six heures du matin, hier, il retournait à Yainville avec son greffier, M. Lepage. M. Becquet tenait à relever sur le chemin les traces de l'automobile avant qu'elles ne soient effacées par les nombreuses voitures venant au marché de Duclair. Il put se rendre comte alors comment l'accident est arrivé.
Vers dix heures et demie du matin, un ingénieur de la maison Brillié, M. Esbran, étant arrivé à Duclair dans un autobus, M. Becquet retourna avec lui à Yainville. Quand les constations furent terminées, la lourde voiture fut relevée par une dizaine de personnes et en notre présence. On fut tout étonné de voir combien peu elle avait souffert dans ce terrible capotage.
A par les leviers et la direction, qui étaient faussés, les autres pièces n'avaient rien.
Il est bon de dire que cette voiture n'était pas encore munie de sa carrosserie. Sur le châssis, deux sièges de fortune avaient été installées avec une grande boite destinée à recevoir les pneus de rechange et la boîte à outils. Le voyage accompli par les deux chauffeurs avec ce châssis avait pour but de le mettre au point.
Dans l'après-midi, un camion-automobile arriva du Havre. La voiture avariée y fut attelée puis remontée sur la route. A son tour, le camion descendit dans le fossé et fût appuyé par l'arrière au talus. Facilement, alors, on put y pousser la 45 chevaux qui fut immédiatement enlevée sur Le Havre.

Descente du Parquet


MM. André, procureur de la République à Rouen, Boissel-Dombreval, juge d'instruction et Lebret, commis-greffier, sont allés hier après-midi à Yainville. Ils ont assisté à l'enlèvement du véhicule et ont interrogé M. Michel. Ils n'ont pu voir ni M. Hérissé, ni M. Vestu, qui étaient déjà repartis en automobile au Havre.
Ajoutons que durant toute la matinée, alors que la voiture était encore restée dans le fossé, de nombreux automobilistes se sont arrêtés sur le lieu de l'accident pour prendre des vues photographiques de la 45-chevaux et de la charrette de M. Michel, resté au pied d'un petit pommier.
A Duclair, hier, jour de marché, on ne causait que de l'accident qui de bouche en bouche allait grossissant. N'avons-nous pas entendu dire que l'automobile faisait du 170 à l'heure et que les deux chauffeurs avaient été tués !
La vérité n'était pas là, heureusement, mais elle est assez navrante pour qu'un fois encore on déplore la triste série rouge qui ensanglante nos routes départementales...

Le 30 mai : L'état de Henri Fromentin et de veuve Boullet, née Pareze, transportés à l'asile de Duclair est aussi satisfaisant que possible.
L'inhumation de Jean Durant a eu lieu hier soir à cinq heures.
C'est par erreur si dans notre compte-rendu de l'accident nous avons qualifié M. Lepage de greffier alors que celui-ci n'est que commis-greffier.

François Michel porte la poisse...


2 juin. La série des accidents dans notre contrée continue. Dans la matinée d'avant-hier, vers dix heures et demie, M. Michel fils, marchand de bicyclettes à Duclair, avait envoyé sans apprenti, le jeune Marcel Legrix, âgé de quinze ans, faire une course à Yainville chez son père, M. Michel, l'une des victimes de l'accident d'automobile de ces jours derniers. De retour à Duclair, vers onze heures et demie, Legrix a été pris en écharpe par Charles Louet, âgé de vingt ans, qui sortait, monté à bicyclette, de la clouterie où il est employé. Tous deux ont été projetés sur le sol, étourdis sur le coup.
Fort heureusement, un témoin de l'accident se précipita à leur secours et les gara à temps en dehors de la route au moment même où arrivait une automobile à la descente de Saint-Paul, près le Bouillon.
La bicyclette de Louet a passé sur le corps de Legrix, la machine de ce dernier a été endommagée et tous deux ont été blessés mais toutefois sans gravité, le premier à la figue, le second à la poitrine et à la jambe.



En août 1907, Vestu comparaissait au tribunal correctionnel de Rouen en compagnie d'Eugène Brillé dont la responsabilité civile est engagée en tant que dirigeant de l'entreprise. On entend les témoins. Vient le tour de Hérissé, coureur automobile à ses heures, qui proteste énergiquement contre l'accusation qui voudrait que la voiture dépassait les 70 kilomètres heure. Vestu confirme et rappelle que c'est pour éviter un chien qu'il a accroché la charrette. Bouchardon, substitut, présente ses réquisitions. En entend la plaidoirie de Me Verthemer. Vestu est condamné à huit jours de prison avec sursis et 200 F d'amende. On ajoute 5 F pour contravention au décret de 1899 qui interdit de dépasser les 30 km/h en rase campagne. Enfin Brillé est déclaré civilement responsable.

Quelques accidents d'antan...


22 février 1889. Le fils du jardinier de Mme Dupasseur, liée aux propriétaires de l'abbaye de Jumièges, avait attaché son cheval au treillage de la gare d'Yainville. Arrive la diligence de Noël Petit. Le cheval prend peur, arrache sa bride et part au galop. Au bas de la côte, la voiture heurte un arbre, verse et se brise. Le cheval est en revanche indemne.

Le vendredi 10 avril 1903, à cinq heures du soir, une automobile montée par deux commerçants de Rouen se jette à grande vitesse sur le conducteur d'un tombereau de sable se rendant à la gare d'Yainville pour le compte d'Athanase Leroy. Il est légèrement blessé et le tombereau est brisé. Les commerçant proposent d'assumer toutes les dépenses. C'est le second accident du genre à cet endroit.

6 mai 1928. Un couple et sa fillette de 7 ans, les Ollivaud, marchent, bicyclette à la main, en bas de la côté Béchère en direction du Trait. Quand surviennent deux hommes juchés sur une motocyclette  : Giraudon, de Bliquetuit et Dumais, de Caudebec. Ils fauchent la mère, Juliette Olliveaud, née Moyon, et chutent à leur tour. Le Dr Hideux, de Barentin, passe par là et donne les premiers soins. Bientôt arrivent les docteurs Bourlange, du Trait et Châtel, de Duclair. Un automobiliste conduit Mme Ollivaud à Rouen. Giraudon sera arrêté pour faute grave.

12 juin 1938. Un car parti du Havre va au fossé et se couche dans un champ de la plaine de Yainville. Il doublait une voiture quand une autre arriva en face. Quinze blessés. Parmi eux: Edouard Pain et sa femme, des Maisons-Blanches, Mme Sauzereau et son fils Jean, du Trait, Georges Lecras, apprenti ajusteur aux ACSM, Mmr Vigreux et sa belle-sœur, de la Neuville, Morand du Trait...

Laurent QUEVILLY.

Source


Journal de Rouen
29, 30 mai et 2 juin 1907


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