Par Laurent Quevilly.

Mais où donc était jadis la mairie d'Yainville ? Et puis son presbytère, son école ?... Promenade au cœur du village...



1) Chez François Lesain. Depuis la Révolution, la "Maison commune" des Yainvillais a été très vagabonde. Elle fut d'abord derrière l'église, chez François Lesain, premier maire du village, dans l'ancien manoir des moines, dit manoir de la Lieue. Ancien boulanger de l'abbaye, Lesain exploite cette ferme depuis 1766, année où il a évincé ici le sieur Tiphagne. En 1791, il en est devenu propriétaire lors de la vente des Biens nationaux.
A titre d'exemple, lors d'un mariage célébré le 3 avril 1794, il est précisé : " ... après que les publications ont été faites dans les divers domiciles ainsi que devant la porte extérieure et principale de la présente maison commune..." Il s'agit d'une noce chez les Lesain célébré par le curé plus ou moins défroqué d'Yainville, le citoyen Lechanoine, chargé de l'état civil. François Lesain est bien sûr présent.



2) Chez Rollain. Bref, il semblerait qu'à l'origine, la mairie ait été située au domicile des maires qui se sont alors succédé : Pierre-Michel Rollain en 1826. Marchand chaufournier, il habitait sans doute non loin des carrières, en bord de Seine, et mourut lui aussi en exercice, l'année 1930. Sur son acte de décès, on nota tout simplement "à Yainville". Et son adjoint était si pressé de le remplacer qu'il se proclama maire en bas de l'acte. Avant de rectifier.

3) Chez Delépine. Mais Georges Delépine, c'est de lui qu'il s'agit, fut bien nommé à la suite de Rollain.
En 1835, la commune du Trait nourrit le projet de construire une maison d'école depuis belle lurette. Mais cela coûte cher. Alors, elle engage des pourparlers avec Delépine pour une réalisation commune. Yainville préfère se tourner vers Jumièges qui a déjà sa maison. Mais le comité supérieur de l'instruction publique oblige Yainville à s'unir au Trait qui "ne peut à elle seule subvenir aux besoins d'une école." Nos enfants iront donc s'alphabétiser encore quelque temps au Trait.

Inventaire chez le maire


4) Chez Charles Lesain. En 1840, la maison commune d'Yainville retourne au manoir de l'église avec la nomination de Charles Lesain, neveu du premier maire en titre d'Yainville. Le 3 janvier le nouveau magistrat se rend au domicile de son prédécesseur, Georges Delépine, dresse en sa compagnie l'inventaire de tous les documents communaux. Mabon, l'adjoint, est présent. Les papiers d'état civil courent sur une période allant de 1693 à 1839. Manque le registre de 1826. Effectivement, ce registre est toujours introuvable aux archives départementales. Dommage car François Lesain, maire, mourut en exercice cette année-là. Il aurait été intéressant de voir comment était formulé le lieu de son décès.
En revanche, les registres antérieurs à 1693 sont bien  conservés chez Delépine et débutent en 1563 par des actes en latin.
On répertorie aussi plusieurs liasses de décrets et ordonnances, des mémoriaux et recueils administratifs, le plan cadastral et les documents l'accompagnant, deux registres de délibérations, la comptabilité communale, notamment les budgets de 1829 à 1839, de la correspondance. On trouva aussi le sceau de la mairie d'Yainville.

Drôle de mairie que le manoir de la Lieue sous Charles Lesain. Alors que l'église est transformée en grange et que les inhumations ont lieu à Jumièges, le maire a pratiqué trois ouvertures de se ferme vers le cimetière. Résultat : des "animaux voraces", se plaignent ses opposants, viennent troubler le respect dû au trépassés Yainvillais.

5) Chez Mettérie. En 1846, Paul Mettérie succède à Charles Lesain, poussé à la démission. Il nous confirme s'être rendu "au domicile de ce dernier, n'ayant pas de maison commune" pour dresser l'inventaire des archives communales. Il est conforme à celui de 1840.

Le 10 février 1848, accusé d'autoristarisme et de vol, Pascal Mettterie attendit son conseil le 10 février "au local ordinaire des séances. Un seul élu, le sieur Thuillier, se présenta. S'en était fini pour lui.
Le
19 février à midi, Jean-Augustin Lafosse prêta serment. L'inventaire des archives communales eut lieu à une heure en compagnie de Metterie, sans doute à son domicile mais aussi du sieur Boulard commis à cet effet par le préfet. Il manque le legs du vieux presbytère consenti par l'ancienne bonne du curé. Metterie assure ne l'avoir jamais eu entre les mains.
L'inventaire dressé, on renvoya la suite des des délibérations de la session de février au lundi suivant "à huit heures du matin au domicile de M. Lafosse, maire".

6) Chez Lafosse. La mairie se déplaça donc chez Lafosse. Il aura le plus long mandat du XIXe siècle et Yainville lui devra enfin ses édifices publics.

Le 16 novembre 1852 fut installé le tout premier instituteur, Pierre Langlois, dans un local loué à cet effet.

A l'installation de Joseph Beauvisage, le 1er octobre 1855, auquel participa l'abbé Houlière, fameux chansonnier, l'école était alors installée chez la veuve Aubé ainsi que le logement de l'instituteur. Le bail arrivant a expiration en 1862, l'école fut installée à titre provisoire dans la ferme du maire, Jean-Augustin Lafosse, au centre du village.

Que disent les plans ?



Sans sa matrice, le cadastre napoléonien reste muet sur l'emplacement de nos édifices publics. En revanche, un autre plan est plus parlant.

Dès 1865, le baron Eugène Leroy étant alors sénateur-préfet du Département, le sieur Fouché, agent-voyer en chef de la Seine-Inférieure dressa la carte routière du canton de Duclair. Il réalisa ce travail minutieux en compagnie de ses subalternes de l'arrondissement et du secteur concerné.



 Entoilée, en couleur, cette carte de 1 m sur 73 cm représente toutes les maisons, précise dans chaque commune l'emplacement des mairies, écoles, presbytères. Le tout assorti de statistiques.

J'ai dans ma bibliothèque un retirage de 1885. On peut penser que le document initial fut alors mis à jour puisque figure la ligne de chemin de fer entrée en exploitation sur notre commune le 31 juillet 1882.  La station dite de "Yainville-Jumièges" y est matérialisée. Mais tous les bâtiments administratifs, alors fluctuants, ont-ils été réactualisés ? C'est ce que nous allons tenter de voir...

Selon ce document, la superficie totale d'Yainville s'élève à 331 ha et 26 a. Les terres labourables et assimilées représentent 196,26  ha ; Prés et herbages : 13, 73 ha ; Bois : 41, 42 ha ; vergers, pépinières et jardins potagers : 20, 11 ha.
Curieusement, on ne fait pas état de carrières sur la commune. Il y en a pourtant. Et rès actives Elles ont pour noms Silvestre, Decroutelle, Sabatier et participent à l'endiguement de la Seine. Yainville compte 64 propriétés bâties, un total de 91 propriétaires et 703 parcelles.







Cliquer pour agrandir le plan d'ensemble

Si l'on se fie à ce plan, la mairie, désignée par la lettre M se situerait en 1885 à l'emplacement de la maison construite par Raphaël Quevilly dans les années 1950 et où j'ai grandi. La voie de communication avait alors pour nom la Sente aux Gendarmes, c'est l'actuelle rue Jules-Ferry. Outre ma maison familiale, on édifiera à cet emplacement "l'école des filles".

Mais en 1885, Yainville avait une mairie à un tout autre endroit que celui qui figure sur ce plan. A part la gare, il n'a donc pas été réactualisé depuis 1865. Examinons les délibérations.

 En 1863, c'est un bâtiment appartenant au maire, Jean-Augustin Lafosse, qui tient lieu de mairie-école. Ces locaux sont sans doute vétustes pour que le conseil municipal en demande le déménagement, le bail arrivant à échéance à la Saint-Michel de 1864.

7) Chez Caron. Après septembre 1864, la mairie-école est logée dans une maison appartenant à M. Caron. Il y a tout lieu de penser qu'il s'agit de la maison sise près du calvaire.


Un portail, une distribution symétrique avec deux portes d'entrée, cette maison aurait été la mairie-école d'Yainville. Propriété d'un particulier, elle ne fut pas édifiée en tout cas à cet effet. Louée à la rigueur. Par ailleurs, on comprend mal pourquoi le préfet l'aurait déclarée vétuste en 1876. Seule la matrice cadastrale ou les actes notariaux peuvent en dire plus.

8) Chez Housard. En 1876, on renouvelle un bail de location de la mairie-école auprès de la veuve Housard, un bail de neuf ans qui nous conduira donc jusqu'en 1885. Mais le 23 juillet 76, le préfet se plaint de l'état de la maison d'école. Il faut en changer ou en construire une mais, regrette encore une fois le conseil municipal, on n'en a pas les moyens tant que l'on n'est pas libéré de l'emprunt lié au presbytère.

Le 9 avril 1877, nouvelle injonction du préfet. La municipalité envisage alors d'acquérir un terrain.

A peine Lafosse vient-il d'être réélu avec Thuillier pour adjoint que le préfet le met en demeure de construire sa fameuse école. Alors, on songe au terrain de la veuve Grain. Le budget communal est ajusté pour faire face à la dépense à raison de 12 centimes additionnels jusqu'en 1890. Un emprunt de 4.000 F est souscrit sur 31 ans auprès de la Caisse des Ecoles au taux de 5% l'an. Et puis un chemin aliéné laisse du terrain disponible qui pourrait s'ajouter à celui de la veuve Grain.

Le 8 janvier 1879, nos élus se penchent sur les plans et devis. C'est grand, spacieux, avec la mairie au premier étage, l'école en rez-de-chaussée. Coût total : 18.000 F. La commune ne peut aller au-delà des 4.000 F souscrits. Alors, on fait appel à subvcentions. Le dossier est approuvé et le 13 juillet 79, veille de fête nationale, on remercie le représentant de l'Etat...

Le 8 août 1880, on décide du transfert de la boîte aux lettres devant la nouvelle mairie-école dont on achète le mobilier. Il en coûtera 1.000 F appelant subventions.

Enfin une mairie neuve !

Le 9 mai 1881 a lieu la réception définitive de la nouvelle mairie-école dont les travaux ont été menés par l'entreprise Frémont. Ils ont coûté exactement 15.999,84 F... sur les 16.000 F prévus ! Reste cependant à élever une barrière entre deux piliers pour 200 F.

Et puis, il faudrait peut-être régler le prix du terrain : 683,85 F. Sans compter les frais de notaire : 118,59F. Notaire qui réclame son dû avec insistance. Du coup, le conseil appelle le Préfet à l'aide. Celui-ci accordera 400 F et on empruntera 800 pour couvrir le reste.


La mairie-école                La mairie-école sous un autre angle
Deux vues de la nouvelle mairie-école.



Le presbytère, désigné par la lette P, est, sur le plan de Fouché, près de l'actuelle salle des fêtes, rue de la République.
Le presbytère d'Yainville fut lui aussi très itinérant. Avant la Révolution, on croit le tenir dans la rue qui descend de l'église, l'actuelle rue Pasteur. Puis il tomba en ruines.
En 1867, le conseil municipal décida d'acheter, non loin de l'église, une maison appartenant à M. Lemire pour y loger l'abbé Houlière, le fameux curé auteur de chansons en cauchois. Mais en 1870 fut construit un nouveau presbytère en bas de la rue Pasteur. Celui qui apparaît donc sur le plan de 1885 n'est manifestement plus le bon.

Enfin l'école, désignée par la lettre E, est dans l'actuelle rue Pasteur, avant le virage surmonté par la croix. J'y ai passé quelques réveillons et mon oncle, Bernard Chéron, répétait à l'envi que c'était l'ancienne école d'Yainville. Cette maison a effectivement une conception symétrique qui confirme cette affirmation mais elle fut construite par un particulier pour un autre usage avant qu'elle ne soit louée à la commune. Il est étonnant que le préfet l'ait estimée trop vétuste en 1876.

Les trois édifices dont nous venons de parler sont désignés ci-dessous sous les lettres M, P et E. L'église est indiquée par une Croix.



On peut comparer le plan dit de 1885 avec le cadastre napoléonien ci-dessous où l'habitat est moins dense. Ce document n'a de napoléonien que le nom car il fut terminé sous l'exercice du Préfet de Vanssay, autrement dit entre 1820 et 1828. La mairie du plan Fouché n'y est pas encore construite.



Ci-contre le village de Claquevent, en bord de Seine. La route du bac, dit de Yainville, est matérialisée en rouge.

Enfin, ci-dessous, le secteur des Fontaines et la propriété Grandchamp qui deviendra plus tard celle de Sacha Guitry. Aucune construction n'y figure. Il y avait pourtant là un village où mon grand-père maternel est né. 
Des propriétés en bordure de Seine présentées par le cadastre napoléonien ont disparu du paysage sur le plan de 1885. Il est donc permis de s'interroger sur la fiabilité du plan Fouché et sa concordance avec l'année citée en référence.


Depuis...


La nouvelle mairie fut inaugurée le 9 octobre 1999, juste avant le passage avant l'an 2000. D'un coût de 2 850 000 F, elle eut Mme Pozet pour architecte. Elle fut énaugurée par Roger parent, secrétaire général de Préfecture, Alain Le Vern, président du conseil régional, Charles Revet, président du conseil général.




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