et Marc Ribès
Comment diable ce jeu, né à la Ciotat, a-t-il pu s'enraciner en terre de dominos ! Préhistoire de la Pétanque yainvillaise...
Au café de l'Église, en bon Normand, on aura longtemps tapé la belote, la coinche ou encore le domino. Des parties à n'en plus finir. A tel point qu'après messe, le chantre faisait souvent attendre son curé qui, venu avec lui en voiture, s'impatientait de remonter à Jumièges. Plus d'une fois le choriste est rentré chez lui à pied.
Mais jusque dans les années 20, le dimanche, la jeunesse jouait aussi à la "plaque". Les parties se disputaient sur ce que l'on appelait alors pompeusement la place du village, triangle étriqué dessiné par le croisement des routes devant le monument aux morts. Sur un petit billot de bois, la butte, chaque joueur mettait sa mise. Une pile de sous qu'il fallait "décaniller" en lançant un palet de plomb ou de fonte comme il s'en vendait chez le quincailler de Duclair.
On jouait généralement à six et l'ordre d'entrée en jeu se tirait à la courte-paille. Bref, on gagnait la monnaie tombée plus près de sa plaque que de la butte. Le reste retournait sur le billot de bois appelé encore... le bouchon. Oui, le bouchon. Voilà qui nous conduit tout droit à la pétanque. D'ailleurs, c'est sous ce nom que se joue le bouchon dans certaines parties de Normandie où il a perduré.

Pour structurer cette section un bureau fut constitué sous la présidence de son fondateur. Jean Ottomani en était le vice-président, Jean-Claude Gosse secrétaire, Michel Dufresne le secrétaire adjoint. Mme Roland Quevilly s'occupait de la trésorerie, secondée par Lucien Sénard. Enfin les membres du bureau étaient Jacques Bellet. Daniel Tueur et puis José Pascual et Christophe Ribès, fraîchement rapatriés d'Algérie et qui retrouvaient là un peu de soleil du Sud.
Et la section grandit avec bientôt une trentaine de joueurs formés au fil des entraînements. L'affiliation officielle à la Fédération française de Pétanque et de Jeu provençal n'intervint que quatre ans après le lancement du premier cochonnet. La nouvelle paraît dans le Journal officiel du 10 mars 1963. Année faste ! On voit deux triplettes accéder aux championnats de France. Les cadets Robert Coquin, Jacques Nouvel et Michel Pichon, les juniors Pierre Decaux, Christian et Jean-Marie Nouvel.

En 1964, une triplette yainvillaise remporte le championnat de Seine-Maritime. Plusieurs titres de champions de Haute-Normandie suivront. En 1967, Jean-Claude Decaux et Jean-Claude Gosse accèdent encore au championnat du département.

Près du père-fondateur accroupi, un jeune joueur yainvillais réfléchit, une main sur la hanche, l'autre sous le menton. C'est Michel Pichon qui, hélas, sera terrassé à 18 ans sur le terrain de foot de Yainville...
Ci-dessous, un coupure de presse de l'époque. On voit que le concours est parrainé par Paris-Normandie et l'incontournable maison Ricard. Sympa. Mais faire oublier le cliché "Pastaga" de cette pratique sportive, car c'en est une à part entière, équilibrer la moyenne d'âge, féminiser les adhésions, tels sont trois des enjeux du club yainvillais. Et il y parviendra.

Quand la famille Andrieu quitte Yainville, en 1973, ce sont en tout une cinquantaine de coupes qui auront été gagnées par les équipes locales depuis leur création.

Un dirigeant de la fédération remet une coupe à Jean-Claude Decaux, Alain Chambellan , Jacquot Bellet avec le chapeau, Jean-Claude-Gosse, Pierrot Decaux...
Les participants aux six concours ouverts aux Yainvillais montent en puissance. Yainville remporte encore le Challenge Inter-clubs et espère bien récidiver en 86 pour se l'attribuer définitivement. Ce qui sera fait. C'est le président Gosse qui s'octroie le challenge du meilleur licencié devant Lias et Lobgeois.

Norbert Mauger.

Jacquot Bellet, Jean-Claude Decaux, Jean-Marie Nouvel, Alain Chambellan, Alain Bellet, Jean-Claude Gosse et Pierrot Decaux.
En 1977, on compte plus de 50 licenciés. Chaque concours organisé à Yainville voit s'inscrire plusieurs dizaines de doublettes. 1977, c'est aussi l'année où une triplette yainvillaise gagne encore les championnats de Seine-Maritime et se qualifie pour les épreuves nationales à la Courneuve. Il s'agit de Gérard Bonamy, Jean-Claude Decaux et Bruno Villers.
Le jour de la Sainte-Madeleine, on verra un challenge Pierre-Decaux remporté par les deux frères de ce nom : Michel et Hervé Decaux. Pour financer le club, un bal est donné, des concours de dominos organisés, bref, les fondamentaux normands...

En 1983, le nombre de licenciés est redescendu à 36, dont deux juniors, mais plusieurs concours sont organisés chaque année : deux officiels réservés aux licenciés, trois en doublettes formées et trois à la mêlée tournante, tous réservés aux licenciés.
Toujours en 1983, un challenge inter-clubs fut créé entre Anneville, Duclair, Varengeville et Yainville. Dès la première rencontre, trois équipes yainvillaises mettent leur club en position de remporter le challenge. On le doit à Amourette-Rougerole, Nouvel-Marie, Pastor-Pimont qui figurent aux trois premières places. Patronné par le comité des fêtes, le challenge Pierre-Decaux a toujours lieu sans le cadre de la Sainte-Madeleine.

1984 : la Pétanque yainvillaise termine la saison avec 44 licenciés qui raflent le Trophée Inter-club grâce à trois victoire sur quatre. Quant aux concours ouverts aux Yainvillais, licenciés ou non, ils se disputent... sans disputes, "la qualité première du joueur de boule étant de savoir perdre avec le sourire", rappelle le club.


L'année du bicentenaire de la Révolution, la paire Amourette-Rougeole se distingue encore en remportant le concours de la Sainte-Madeleine. Les trois meilleurs joueurs du club sont à lors les citoyens Lefèbvre, Lias et Rougeolle.
Aménagé
en 1996, le second terrain à l'emplacement
de l'ancien poste de garde de la centrale...
Aménagé
en 1996 près du bac, doté d'un abri, le nouveau
terrain communal fut inauguré par l'accueil de 80
doublettes. On comptait alors 45 licenciés. La vie du club ?
La voilà résumée avé
l'accent :
— Ho ! petit, et la pétanque, ça marche ?
— Si ça marche ? Je veux !
Une cinquantaine de
licenciés dont, tenez-vous bien, une femme... Des anciens
qui roulent bien puisqu'ils ont terminée premiers de leur
catégorie sur le secteur de Rouen en 1996. Un concours plus
de 55 ans avec 72 doublettes. Un concours seniors avec 59. Et puis, un
concours par mois réservé aux Yainvillais,
licenciés ou non, la Sainte-Madeleine qui approche. Comme tu
vois, le bureau ne manque pas de boulot et grâce aux petits
coups de main de quelques bénévoles, on se
débrouille plutôt bien.
— Au fait, les terrains, tu les a essayés ?
— Pas mal, hein ! Alors, si tu ne tâtes pas le petit à chaque mène, change de sport ou prends des notes. Bon, salut, j'ai une belle à faire. La prochaine fois, amène tes boules, on en fera une petite...
En
1999, pour les 40 ans du club, le bureau s'étoffe avec
l"arrivée de Denis Pastor, Jean-Louis Lias, Serge Boutard,
Michel Decaux, Alain Foutrel, Dominique Lefèbvre,
Jean-Claude
Rivette...
Jean-Claude
Gosse passa le relais en 2014. Licencié dès la
déclaration officielle du club, il l'avait
présidé
35 ans. Un bail. Un bail aussi long que son mandat au conseil
municipal. Patrice Pourhomme lui succéda, Joseph Vastey
étant secrétaire, Jean-Louis Lias
trésorier.
C'est l'année des 50 ans du club, le 8 septembre 2019, que Jean-Claude s'éteignit à Rouen. Il avait 81 ans.
Depuis, mais ça, c'est une autre histoire, bien des noms se sont encore inscrits au palmarès de club qui avait fait ses premiers carreaux à l'ombre du cognassier. Il aura donné de beaux fruits.
Rédaction
: Laurent
QUEVILLY.
documentation : Marc
RIBÈS