Par Laurent Quevilly

En 1909, le viol d'une handicapée scandalisa le canton de Duclair. Il frappait une famille qui avait eu bien du mal à s'en sortir. La Justice la ramena plus bas que terre...


Téophile Fial avait un drôle de nom. Un de ces noms que l'on donne aux enfants trouvés pour être sûr qu'ils n'auront pas d'homonymes. Il avait six mois lorsqu'il fut découvert, abandonné, devant l'hospice général de Rouen. C'était en 1857. On le plaça dans une famille de Duclair où il fut bientôt journalier. Après quoi, il alla travailler à Jumièges. Là, le 11 novembre 1882, âgé de 26 ans, il épousa Laurentine Vatey, une descendante de cette famille dont l'un des membres avait émigré à Saint-Domingue. C'est Hyacinthe Paumier, l'adjoint, qui procéda aux épousailles. Le marié était flanqué de deux amis : Edmond Maler, domestique comme lui et Joseph Martin, l'instituteur de Jumièges. La mariée, elle, avait pour témoins son oncle et son cousin, Auguste Mutelle et Louis Lucas, tous deux cultivateurs.

Une fille paralytique



Le couple eut un premier enfant qui naquit à Duclair. Puis il leur vint quelques années plus tard une fille, Augustine. Hélas, celle-ci sera paralysée des deux jambes.

Les années passèrent. Le couple Fial avait réussi à se hisser au rang des cultivateurs plus ou moins aisés du Mesnil-sous-Jumièges. En tout cas au point d'avoir un employé, Victor-Alexandre Moulin.
Augustine avait maintenant 16 ans. Le 11 avril 1909, les Fial s'absentent de la maison. Comme ils le font toujours, ils laissent leur fille assise dans un fauteuil, seule dans la cuisine. Et ferment la porte à clef. Mais de la cour de ferme, Moulin a remarqué qu'une fenêtre du premier étage est restée ouverte. Le quinquagénaire se saisit d'une échelle, grimpe et descend dans la cuisine.

— Surtout ne crie pas ! lance-t-il à l'adolescente. Puis il la prend dans ses bras, la renverse sur le sol. Mais voilà que Moulin aperçoit à travers la vitre un jeune homme qui se dirige vers l'habitation. Prudemment, il se retire un moment. Tout danger semblant écarté, il revient assouvir ses pulsions. Avant de prendre la fuite.

Une double peine...


Quand les époux Fial découvrent le drame, ils vont aussitôt porter plainte à la gendarmerie de Duclair. Trois semaines après le délit, la maréchaussée finit par appréhender le fuyard à Saint-Pierre-de-Varengeville, sa commune natale. Au juge de Paix du canton de Duclair, Henry Lefebvre, il renouvela ses aveux déjà passés aux gendarmes. Oui, il avait abusé de la pauvre paralytique. On alerta le Procureur de la République. Moulin fut écroué.

Quand il se présenta enfin aux Assises, le jury estima sans doute que les faits n'étaient pas suffisamment établis. Moulin fut acquitté.

Laurent QUEVILLY.