« Rien n’est trop beau pour les travailleurs ! » Dans nos années 50, qui avait un père à EDF bénéficiait des colonies de vacances grâce à la CCAS, la caisse centrale d’action sociale issue de la nationalisation de l’Energie en 1946. Alors, chaque année, nous nous rendions à Rouen pour la visite médicale qui allait déterminer le lieu de notre villégiature. Après examen approfondi, le Dr Pellene y allait de son appréciation dans votre livret sanitaire: « Séjour indifférent… Séjour montagne… » Pour ma part, j’en ai effectué quatre. Et vous ? Mettez des noms sur ces visages, adressez-nous vos souvenirs, vos photos…












Gare d’Orsay, 30 juillet 1957. (Photo: Hallery)
Les colos ! Lorsque je m’y rendis pour la première fois, en 1958, le temps des pionniers était déjà révolu. Celui des scouts laïques qui, chaque matin, assistaient au lever des couleurs au garde-à-vous, chantant des hymnes à la Résistance, à la production d’énergie.
Stoppé par la guerre, l’esprit du Front populaire, des premiers congés payés soufflait à nouveau.

Des années 47 à 50, nos devanciers ont donc connu ces cérémonies socialisantes. Pas nous. Mais nous héritions du même esprit d’éducation populaire. L’émancipation par la culture, par le sport. La santé pour tous. La solidarité…


La CCAS était le plus grand organisme du genre. Déjà contesté. Fait pour les gaziers-électriciens. Par les gaziers-électriciens.
A Bouray-sur-Juine, dans l’Essone, nos monos ont une formation maison. Avec un répertoire de grands jeux collectifs, d’activités manuelles pour les jours de pluie, de comptines. Avec aussi le souci de maintenir le lien avec les familles. Le parc immobilier de la CCAS est impressionnant. Certains châteaux venaient des entreprises nationalisées, d’autres, achetés délabrés, ont été restaurés…



Photo communiquée par Dominique Debar


LIZY

Carte CCAS
 Je ne sais trop comment je me suis rendu à Lizy. Le 19 juillet 1958, je fêtais mes 7 ans loin de mes parents. Peut-être à Paris. Beaucoup de colons arrivaient à la gare d’Orsay. Ils en sortaient le cou serti d’un foulard de couleur. Pour distinguer les groupes. De là, des cars les emmenaient vers les centres de vacances les plus proches.


Le château de Lizy se situe dans l’Aisne, à 120 km de Paris. J’y ai séjourné du 31 juillet au 25 août 1958. Bien organisées, ces colos ! A Paris, on nous fit dresser une carte postale à nos familles. Elle représentait la tour Eiffel avec ce slogan : C.A.S. de Paris. C’est un accompagnateur qui rédigea et signa pour moi le texte : « Bons baiser de Paris. » Mais ma carte ne fut postée qu’à mon arrivée dans l’Aisne. Dans nos bagages, nos vêtements sont marqués. Ma mère a brodé ces initiales : « LQ7 ». Ce qui forcément deviendra « Le cul sec ».
Lizy




Le
château date de 1777. Il abrite aujourd’hui des jeunes en détresse sociale
Lizy, près d’Anizy-le-Château. Vague souvenir d’un parc magnifique où dès le premier jour je perds le contrôle de mes sphincters sous la risée générale et pleure à gros bouillons … Car je vis mal ce premier séjour. A Yainville, ma mère est malade. Très malade. Je suis déjà ballotté de droite à gauche au sein de la famille. Et là, c’est la première fois que je suis arraché à mon milieu. J’écris laborieusement à la maison : « Cher paren, je te demande conbien de joure que je reste a la coloni…»

Je me lie cependant avec quelques colons compatissants. Je fais aussi la connaissance d’une lointaine cousine : Marie-Claude Acron, de Sainte-Marguerite. Je la retrouverai encore l’an prochain… Le 20 août, une monitrice écrit sous ma dictée : Vendredi dernier, je me suis déguisé. J’avais mis une culotte de pyjama, avec mes chaussettes par-dessus et une grande ceinture de tissu rouge, je faisais un vrai mousquetaire. J’espère que lorsque je reviendrai, je ne trouverai plus maman malade. La date du retour approche. Je serai bien content de vous revoir. J’espère qu’il fait beau à Yainville, ici, nous avons un temps déplorable. C’est dommage car aujourd’hui, il devait y avoir kermesse mais par suite du temps, elle est reportée à plus tard."

Ma mère est décédée un mois plus tard. Le 24 septembre. 

Bernard Guilleman nous adresse une photo des années 60. "Je me souviens que nous logions dans un château, à l'arrière (vue sur le parc) que nous passions sous une voute pour nous rendre au local des douches situé au rez de chaussée d'un bâtiment adjacent au château, qu'il y avait une cloche sur la terrasse arrière que l'on sonnait à l'heure des repas. Je pense qu'il s'agit de Lizy. Je partais en colo avec la CMCAS de Béthune." Quelqu'un peut-il confirmer qu'il s'agit bien de Lizy et identifier ces personnages.

MONTLOUIS
Les colons Les colons de Pâques. Je crois y reconnaître un Lefebvre, un Foudrain. Je suis à l’extrémité de l’avant dernier rang.  Et vous ?

En 1959, je me suis rendu à deux reprises au château de Thuisseau, en Indre-et-Loire, une bâtisse qui domine les dernières boucles du Cher. D’abord du 24 mars au 3 avril. Un parc, un château, un pont qui enjambe de fausses douves pour vous conduire à la porte principale. Dès notre arrivée, on nous fit adresser une carte postale représentant la demeure : «Mardi 24 mars, je suis très content d’être dans ce beau château. Bons bésées. Loulou. » Tours, Chenonceaux ne sont pas loin. L’homme fort du pays, c’est alors Michel Debré, nouvellement promu premier ministre. Il est conseiller municipal d’Amboise, sénateur, conseiller général d’Indre-et-Loire. Je me demande parfois si nous ne l’avons pas entraperçu lors d'une sortie en ville, un dimanche, sortant d'une DS devant la mairie de son fief. Il repose aujourd’hui à Montlouis.

On nous fit encore écrire peu avant le départ : « Cher papa, tantô, nous allons faire une quermaisse, les cloches de pâque on passé. Nous avons encore 3 jours. Noubli pa de venir me cherché. A samedi..»

Rentré à Yainville, j’ai dû vite regagner la Beauce où une tante, Marie-Louise Mainberte, m’avait alors pris en charge. Le temps de m’y casser le bras gauche à vélo. J’allais à l’école d’Amilly.

Rouen Départ de Rouen, été 59. De G. à D. : Marie-Claude Acron, les frères Folain, Françoise et Lionel Lépron, Martine Lerond et Laurent QUevilly. Les agents EDF sont Lionel Lépron père, Roger Manetti et M. Folain. Photo : Raphaël Quevilly.  

Rouen

Style néo-renaissance, le château est du XIXe.

..

UN JEU PARMI D’AUTRES…

En plein air, on joue au mouchoir. Nous sommes en cercle, assis sur le sol. Un mouchoir à la main, l’un d’entre nous court autour du groupe et lâche au passage son morceau de tissu derrière un camarade. Vous ne pouvez vous retourner que lorsque le coureur vous a dépassé. Si vous découvrez le mouchoir, à vous de vous lever et rattraper le coureur avant qu'il ne regagne la place laissée libre… Certains étourdis oublient de regarder dans leur dos. Il y a des gages…

Mon second séjour eut lieu du 27 juillet au 17 août 1959. Là, c’est mon père qui conduisit la camionnette de la centrale jusqu’à la gare de Rouen où fumait la loco. J’ai un sac à dos. Saint-Lazare, gare d’Austerlitz… On sacrifia au même rituel de la carte postale du premier jour : « Cher papa, je suit bien arriver, pas trop fatigué. J’ai trois camarades, nous jouyon bien. Jai fai bon voyage dans le train... » La main d’une monitrice a rajouté : « Marquer dans le coin de l’enveloppe pour Laurent : « Equipe Ginette ». Merci. » Vagues souvenir de jeux collectifs, de travaux manuels dans la grande salle du château dont les hautes baies dominent le val du Cher, de toilette collective devant une rangée de lavabos en zinc. Les pièces sont ornées de blasons. Il y a un grand escalier en bois de style rococo.  Marie-Claude Acron se souvient de la parfaite organisation de ces colos. Les filles à un niveau, les garçons à l’étage. Ce qui ne les empêchait pas de se retrouver le soir aux sanitaires pour y chahuter. J’étais sûrement dans le coup…

Mon oncle, Marius Hangard, l’époux de Marie-Louise Mainberte, me rendit visite à la colo. Et témoigne cette lettre : « Cher papa, tonton et venus me voirs hier et il ma donée un colie et avec le tien sa men fait 2. L’autre fois un garçon qui a eu 8 ans ont nous a enmené dans une sale puis il a vait une tarte sur une table et nous lavon manger. Brosses bisses. Loulou. Nous avon eu du sinémat. » Le tout est illustré de dessins. Je me rappelle d’un écran blanc derrière lequel les monos firent des ombres chinoises. Des comptines me reviennent à l’oreille : Pirouette cacahuète, L’empereur, sa femme et le p’tit prince… Lizy ? Montlouis ?..

Thuisseau
Thuisseau est toujours propriété de la CCAS.

Le 15 août, il y eut un repas amélioré. J’en ai conservé le menu décoré de petites gommettes de papier, sans doute par nos soins. Surtout ceux des monos. Au menu : Céleri rémoulade, poulet de Touraine, petits pois à la française, tarte du chef… Le chef, il officiait au rez-de-chaussée, dans une cuisine à laquelle conduit un escalier dérobé.

Après ces vacances, je fus pris en charge par une autre tante, Thérèse Mainberte, à Saint-Mandé. Puis par celle de la Beauce

AIGUEBELLE

Vue du cielC'est la Savoie ! J’y ai séjourné du 28 juillet au 17 août 1960. De la gare d’Austerlitz à la destination finale, il faut quoi, une bonne dizaine d’heures ? C’en est fini de la vie de château. La colo est faite de baraquements alignés. Ici, on est plus proche du troufion que de l’aristo.

Souvenir de marches dans la montagne, d’une abbaye aperçue au loin, sans doute Notre-Dame-d’Aiguebelle, d’une énorme canalisation conduisant les déchets alimentaires à la rivière du Tarn. Je crois qu’on nous montra à l’horizon un sommet italien. C’est aussi là, dans la nature, que j’ai dû faire connaissance avec ma première mante religieuse.  En 1946, la CCAS eut d’abord pour nom Conseil central des œuvres sociales. Bénéficiant du 1% des ventes d’énergie, il était contrôlé par la CGT. Ses administrateurs, élus au suffrage universel, furent bientôt désignés directement par les centrales syndicales, le ministère de tutelle se contentant de ratifier leurs choix. Or, ce dernier s’opposa à la nomination de Marcel Paul, ancien ministre communiste. En 1951, la direction prit en main le comité d’entreprise. A l’époque où j’ai fréquenté la colo, la gestion de la CCAS avait donc échappé à la CGT. Ce n’est qu’en 1964 qu’elle retrouva ses prérogatives
Voilà. Le 28 octobre 1974, Mme Lebeauté, assistante sociale de la rue aux Ours adressa de Rouen un courrier à mon père : « Votre enfant ayant dépassé l’âge des colonies et camps de vacances, je vous renvoie le livret sanitaire qui peut vous être utile. » Dépassé l’âge des colonies, elle ne croyait pas si bien dire. Je venais de me taper trois ans de Marine nationale… Aiguebelle
Laurent QUEVILY.
Le témoignage d'Evelyne

 Les colonies de la CCAS ont été mes  destinations de vacances durant huit ou neuf années à Pâques pendant 15 jours et en été pendant 2 à 3 sessions :  Ploemeur-Bodou, Willer-sur-Thur, Vaux, Champs-sur-Tarentaine, Pléaux, Contis nord et sud, Les Settons, Saint-Lunaire, Nestier, Saint-Hilaire-de-Riez etc. Je ne possède qu'une seule photo  en 1961 à Vioux, Bort-les-Orgues.

  Souvenirs...

Aiguebelle Le rassemblement à Paris dans une salle immense. Là, nous étions dispatchés suivant nos destinations finales, nous quittions cette salle pour monter dans un autocar qui nous conduisait à la gare accompagnées par nos convoyeurs. L'installation dans les compartiments du train, la, petite carte postale, illustrée d'un beau soleil, qu'on nous faisait remplir : Mes chers parents, je suis bien arrivée... La pochette en papier qui contenait notre repas du soir. Le coucher à huit dans le compartiment, sur les banquettes, sur le sol, dans les filets à valises puis l'extinction des lumières.

  L'arrivée au petit matin, la fatigue, le froid, la valise à porter, l'autocar à nouveau et enfin la colo... Un petit déjeuner au réfectoire puis la répartition dans les groupes et la rencontre avec  nos monos  qui nous guident jusqu'au dortoir.

  Je me souviens des vêtements portés en colo: marinières de couleurs différentes suivant les groupes auxquels nous appartenions, les shorts et les pataugas en toile que nous rapportions à la maison à la fin du séjour et que je "finissais à l'école", comme disait papa, l'odeur du linge propre que les lingères nous rapportaient chaque semaine.
Pendant le séjour, les soirées autour d'un feu de bois durant lesquelles j'ai appris ces chansons que j'ai chantées plus tard à mes enfants: Gai lonla,  Mon merle, Doucement, La maison, Bonsoir, Marchons dans le vent, L'alouette sur la branche, Ensemble, Malbrough etc. Les siestes obligatoires après le repas pendant lesquelles nous avions, quelquefois, le droit de chuchoter d'un lit à l'autre. Les randonnées et les pique niques, le sac au dos, des kilomètres à pied pendant lesquels nous chantions: Un kilomètre à pied ça use...
Le dimanche, les flocons d'avoine, au petit déjeuner, et le jus de pomme à midi.
De cette époque des situations et des odeurs sont restés dans ma mémoire mais ni noms d'enfants ou de monos, ni visages...

Merci pour les photos et souvenirs que vous avez mis à disposition des anciens colons, c'est très agréable à parcourir.

Cordialement.
Evelyne VERHOEYEN.

La colo de Bouray-sur-Juine

 



Elle était située à trente-huit kilomètres au sud-ouest de Paris dans le département de l'Essonne. On y formait les monos. Dominique Debar nous en adresse trois photos à découvrir dans notre album, catégorie "photos de loisirs".








La photo mystère de Gérard Chatel


 où cette photo a-t-elle été prise ?


Et vous, quels sont vos souvenirs de colo EDF ? Adressez-nous vos photos, vos anecdotes…

Tous vos commentaires sur la page Facebook des anciens des colos EDF. ICI



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